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HISTOIRE D'UN POETE-VOYANT


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6 réponses à ce sujet

#1 Gardia

Gardia

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Posté 25 septembre 2008 - 01:58

http://theatreartproject.com

Voici les notes que m'a demandées un élève en français il y a six mois - pas un élève à moi... Mais comme nous aimons bien échanger sur la poésie il m'a dit : " tiens un sujet pour toi !" (En fait il voulait que je lui fasse son devoir. Mais je n'ai rien rédigé !)

Le fameux sujet ? "En quoi le poète est-il - ou non - un voyant ?"
ce sont des notes en speed, je lui ai donné autant d'éléments de réflexion que je pouvais et j'avais peu de temps

je ne sais pas si vous serez intéressés, des choses se rapportent à la discussion engagée entre plusieurs, mais j'ai ratissé un peu large alors c'est long






YO, JI-BI !



. quelques extraits (notes correspondance ou articles) puis des réflexions instantanées.

. Si tu penses que cela peut illustrer ou enrichir ta tapisserie…



. A toi d'intégrer le matériau La greffe n'est forcément pas easy… Je note comme ʘ (important) ce qui n'est peut-être important que pour moi, bref, tu as compris)





" en quoi le poète est-il (ou non) un voyant ? "







J-B, ton intro m'a semblé très bonne. Voici ce qui me vient, regarde seulement si tu as oublié des trucs intéressants :





1 - DEFINITION DU POETE



(Là je suis obligée de borner à : Culture occidentale européenne)



- Poète, le poieîn grec : le faire (je dis moi : la façon, la manière, le métier, la technique…)

ποιητής poète « auteur, créateur; fabricant, artisan; qui compose des vers, par extension qui compose des ouvrages de prose, des discours, de la musique, etc.



(Au XVIIe siècle Boileau – le législateur de l'art des vers classiques « Grand Siècle ! » - appelle poème… tout roman.)



On parle encore, en peinture, de « poésie muette »…



- En 2008… Un Français contemporain peut-il se faire une idée précise de ce qu'est un poète ?... « Celui qui fait de la poésie » bien sûr…



Mais…, qu'est-ce alors que la poésie, quel(s) poète(s) la représente(nt) le plus fondamentalement ?



Aïe aïe aïe ! Variété, diversité totale des œuvres et des auteurs :



. Figures officielles imposantes (Hugo – puissance des transports romantiques…), référentielles (Racine – maîtrise de l'élégance rhétorique…), plaisantes (La Fontaine…)

. « Poésie en prose » - abolition de la distinction de M. Jourdain « tout ce qui est vers n'est point prose » etc. : poètes en prose XVIIIe s. Evariste Parny, XIXe s. Aloysius Bertrand,

. Figures exotiques : depuis les poètes étrangers composant en français (Rilke) jusqu'aux traducteurs des poètes de l'Orient, de l'Extrême-Orient…



ʘ Au XXe siècle le mouvement SURREALISTE privilégie d'autres FIGURES du POETE



(cela me semble important car résumant les idées les plus actuellement répandues au sujet du poète et de la poésie – puis ça va étayer les histoires de voyants) :







DANS LA VIE le Surréalisme privilégie



- les figures dont autant que l'œuvre, l'exemple de la vie heurtée cristallise l'aspiration à briser les routines socioculturelles (Villon, Lautréamont, Verlaine, Rimbaud…)

Cette vision surréaliste influence des générations de poètes jusqu'à nos jours : poètes bourlingueurs, poètes junkies (Cendrars, Kerouac – la dérive, l'anomie, conséquences de l'angoisse de « la présence au monde »)…



ʘ- déplacement de la recherche poétique à la recherche d'états de conscience modifiés, - « dérèglement de tous les sens » rimbaldien, consommation d'hallucinogènes (Baudelaire, Artaud, Michaux…) censée ouvrir les yeux de l'esprit sur des visions autres, d'un réel invisible)



DANS L'ECRITURE le Surréalisme prône



- Le rejet des formes fixes (sonnet, alexandrin…, lois du nombre ou de la rime…) va de pair avec le rejet du conformisme socioculturel, remise en cause accentuée par la confrontation littéraire à l'exotisme des textes traduits



- L'image littéraire, visuelle (celle portée par la signification des mots) prend le pas sur toute considération d'exploration des couleurs phoniques de la langue – renversant par là-même la plus antique frontière poésie-prose (l'antique rapport poésie-musique est aboli)

« N'oublions pas que nous sommes contre la musique. La musique est notre ennemie n°1 » (André Breton)



- L'exotisme métaphorique, l'éloignement des formes logiques admises (le délire verbal même) sont les premiers critères de la dimension poétique d'un texte littéraire



AUJOURD'HUI ?–



Les slogans radicaux « Tous poètes » « Tout est art », tous mots d'ordre et procédés des années 1920 sont passés dans les têtes - encore actifs, au moins sous-jacents – relayés par la Sorbonne, les derniers survivants, puis tout l'enseignement - dès le primaire, - et inscrits et présents dans la mémoire collective. ILS SONT DEVENUS LA NORME.



« J'ai envie de dire que, quand tu ris, tu es poète » (Jacques Roubaud).



AUJOURD'HUI toujours



- Décloisonnement culturel : un rimeur, un chanteur de variétés, un professeur au Collège de France mais aussi bien un réalisateur de cinéma, un mime…, peuvent être également considérés comme poètes (Racine, Serge Gainsbourg, Yves Bonnefoy, Charlie Chaplin, Ronsard, Marcel Marceau…)



(Petite note traversière : « Poète » reçoit encore d'autres sens dans l'opinion courante - non forcément « cultivée » - comme ceci : C'est un poète (= il est fantasque, lunatique, bohème) ! ou encore : C'est un poète (= un intello ennuyeux) !!!)



NB. Idée et exclusion conséquente :



En 2008 toujours nous considérons - du moins nous autres gens « cultivés » - a priori sans doute, mais légitimement - qu'une personne pratiquant une forme d'écriture rigoureuse appuyée et dégagée de modèles donnés par des poètes « classiques » (ces derniers toutefois encore au programme de l'enseignement littéraire) ne sera que difficilement admise en tant que « poète »..



ʘ Mais cette observation de Paul Valéry reste d'actualité :



ʘ « La plupart des hommes ont de la poésie une idée si vague que ce vague même de leur idée est pour eux la définition de la poésie » (Tel quel, 1941).



AUJOURD'HUI la poésie (mais aussi bien les autres arts, musique, peinture, sculpture…) peut être tout ce que l'on veut. (Désolée je t'aide pas beaucoup mais c'est comme ça)





2 - DEFINITION DU VOYANT



1871, Rimbaud définit le voyant : « Poète qui voit ce qui est inconnu aux autres »



L'attachement de l'idée de poésie



- aux domaines non scientifiquement répertoriés,



- aux choses vagues, aux abstractions métaphysiques,



- à la prospection théorique,



- à la narration de visions délirantes ou à leur transposition dans certaine incohérence ou modification de cohérence verbale (l'écrivain censé être en proie aux spectres de son expérience au moment où il la relate, ou censé la restituer)



cet attachement accepté de l'idée poétique prédispose à relier cet art aux ouvertures sur des formes de domaines métapsychologiques.



[Métapsychique ou partie de la métapsychique. La métapsychologie concerne la clairvoyance,- mais aussi la télépathie, et la « prosopopèse », ou « changement brusque, spontané ou provoqué, de la personnalité psychologique »]

(YO ! JB ! Est-ce que ce n'est pas en rapport avec ton « clinamen » ?)



VOYANT (Dictionnaire) :



xiiie s. voiant « celui qui prédit l'avenir ; prophète »

1837 « personne douée de seconde vue » (Balzac, C. Birotteau)

1842 « nom donné aux gnostiques et autres sectaires qui prétendent avoir des connaissances surnaturelles » « qui fait métier de lire passé et avenir »





3 – ET UN POETE - VOYANT, UN !!! (Addition) résultat-test positif ou négatif ?



« Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant.
Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences.
» Rimbaud, Lettre à Demeny



Rimbaud condamne presque tout ce que l'art poétique a produit avant lui. Ce n'est qu'un « jeu d'oisif », ou « de la prose rimée ». Il excepte les Grecs chez qui « vers et lyres rythment l'action ». Il rêve d'une poésie future qui celle-là sera « en avant », œuvre, acte d'un poète parvenu à l'état de voyant par ce « long dérèglement de tous les sens »



Le programme de Rimbaud est des plus virulents. Il tente toute jeunesse – tant soit peu révoltée – d'y souscrire sans réserve. Il nous tente également de le prendre, lui, le programme, … pour l'œuvre même – sa tonitruance étourdissante incitant à confondre le projet et son accomplissement.



Mais observons que de toujours, avant Rimbaud comme après lui, les poètes ont proposé des explications ou des programmes concernant la fonction « exploratrice » ou « investigatrice du monde » qu'ils assignent à leur art :



ʘ

Victor Hugo : « Au reste, le domaine de la poésie est illimité. Sous le monde réel, il existe un monde idéal, qui se montre resplendissant à l'œil de ceux que des méditations graves ont accoutumés à voir dans les choses plus que les choses. » (préface des Odes - 1822)



Jean Cocteau : « Voilà le rôle de la poésie. Elle dévoile, dans toute la force du terme. Elle montre nues, sous une lumière qui secoue la torpeur, les choses surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistraient machinalement. » (Le Secret professionnel)

A Paris, des lettres d'or inscrites sur le fronton du Trocadéro portent une idée semblable à celle de Cocteau :

« Choses rares ou choses belles – Ici savamment assemblées – Instruisent l'œil à regarder – Comme jamais encore vues – Toutes choses qui sont au monde »

Paul Valéry, 1937. Mais la richesse est là dans le musée visible, tangible…

Quid d'un poème enfermé dans un livre ? Quid de la lumière révélatrice appelée par Cocteau ?



Par quoi, quels actes, quels œuvres, quelles mises en jeu réelles, risquées, périlleuses ( ?!) les poètes concrétisent-ils leurs jolies ambitions ?





ʘ

VERS ET LYRES RYTHMENT L'ACTION ??? (Rimbaud)



CRITIQUE :



«Les Illuminations de Rimbaud (…)

Il est vrai qu'emprunté à l'anglais, le titre renvoie aux « painting plates » ou « colored plates », - en français : gravures colorées… Nullement à l'extase de quelque éblouissement.

L'idée de surface, de trace, de couleur appelle davantage l'imagination littéraire que les structures mentales vouées à la spatialité et à la résonance. Nul travail sur le bruit dont les mots se composent…

Plus encore : l'abondance lexicale qui alourdit ces textes, favorise l'inconscience des propriétés physiques de la parole, corollaire de son usage courant. De nombreux adjectifs, de très nombreux articles (déterminants dont le français pullule), scories de la prose, trahissent la faiblesse du travail syntaxique et dissolvent l'énergie poétique attendue. » Louis Latourre Les Dessous du langage Société Française des Etudes Byroniennes, Vol.IV n°2 (2008)





Voici comment Mme de Staël exprime en 1810 son désir poétique :



ʘ « La poésie doit être le miroir terrestre de la Divinité, et réfléchir, par les couleurs, les sons et les rythmes, toutes les beautés de l'univers.»

Mme de Staël, De l'Allemagne



Les couleurs, les sons et les rythmes… ?



Voici l'ébauche de la fameuse synesthésie baudelairienne :

« Les couleurs, les parfums et les sons se répondent »… Mais dans ce vers où il le décrit, Baudelaire fait-il ce qu'il dit éprouver ?



Tous les poètes n'ont pas l'énergie de prouver ce qu'ils disent en acte.





De ses diphtongues c'est vrai, Racine fait une langue plus charnellement pesante :



Va, dis-je ; et sans vouloir te charger d'autres soins,

Vois si je puis bientôt lui parler sans témoins.

(Bérénice)





Des nasales, Corneille tente une approche au plus près du souffle détimbré (telle une expiration) :



Il est teint de mon sang. /Plonge le dans le mien,

Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien.

(Le Cid)



Des mêmes nasales dominées de graves, Valéry descend vers la nuit :



L'amour la plus profonde

Vient et revient entre mon âme et l'onde

Dont le miroir divin m'offre le pur retour

De mes charmes vers l'ombre où songe mon amour.

(Cantate du Narcisse)

OBSERVATION :

Les poètes (certains poètes on le voit) ne nomment pas les couleurs pour colorer leurs vers (« a noir e blanc i rouge... ») Pas davantage ils n'usent de mots exotiques ou clinquants (« Nabuchodonosor », « glaïeul », « purpurine » « machine à coudre »…) pour remplir le poème. Mais dans un champ lexical restreint et choisi, portant leur effort sur la recherche de combinaisons syntaxiques sans cesse renouvelées dans l'unité du thème (heureux écarts inclus), ils dissolvent l'écorce des mots simples par le travail portant sur l'agencement de leurs phonèmes… Pour les faire entrer dans la fusion d'une cohérence nouvelle d'une surprise durable. Pour paraphraser la sentence du Trocadéro, et encore pour confirmer Cocteau : nous entendons comme jamais encore entendue notre langue natale, par le fruit d'un travail poétique portant sur des éléments phonétiques le plus étrangers à toute idée de traduction dans une langue particulière.



ʘ Dès lors la voyance du poète ne consiste pas à nous amener à contempler des chimères,- productions cérébrales aléatoires - mais à nous rendre plus précieux, plus intense et plus aigu l'acte même de voir – à travers la couleur et le son des paroles. (Ça se fait à 2 !)



« Qu'est-ce donc que ces visions prodigieuses que sollicitent les ascètes, auprès du prodige qui est de voir quoi que ce soit ? » (Paul Valéry, Mon Faust – 1944)



(Cette question de Valéry traduit une idée de la « poésie pure », celle dont le sujet premier est l'énergie expressive radicale.)





PAR AILLEURS ET ENFIN :

Dans nombre de cultures de toute époque POESIE et MUSIQUE ont été et sont encore INDISSOLUBLEMENT LIEES



ʘ (VRAIMENT IMPORTANT JB ! Ce lien concerne « en quoi le poète est-il ou non voyant »)



– le lien poésie et musique touche la voyance, en ceci que l'état psycho-physiologique du chanteur ou de l'auditeur de « poésie-musique-art-faisant-corps » est un état de conscience du langage modifié – par extension du domaine de la parole, à des aires cérébrales autres que celles du langage courant et de la lecture…)





" La voix humaine, (je cite Maspéro dans ses « Etudes de mythologie et d'archéologie égyptiennes »), la voix humaine est l'instrument magique par excellence, celui sans lequel les opérations les plus hautes de l'art ne sauraient réussir. Chacune de ses émissions porte dans le domaine des invisibles, et y met en jeu des forces multiples dont le vulgaire ne soupçonne ni les actions multiples ni même l'existence. Sans doute le texte d'une évocation, la séquence des mots dont elle est composée, a sa valeur réelle : pour devenir efficace, la conjuration doit s'accompagner d'un chant, être une incantation, un carmen. Quand on la déclame avec la mélopée sacramentelle, sans en modifier une modulation, elle produit nécessairement ses effets : une fausse note, une erreur de mesure, l'interversion de deux sons dont elle se compose, et elle s'annule"



« La « magie » poétique, cette magie sonore autant que signifiante, l'idée vient - peut venir par là-même - de la sortir un peu de l'univers des Lettres, du discours de l'Histoire, de tout ce qui (ingénieux ou naïf) n'est pas strictement elle, pour en objectiver les facultés concrètes, mesurables, - et si possible dégagées des jugements de nos ethnocentrismes et apriorismes culturels. » L. Latourre Les Dessous du langage



« Utilité de l'art : celle d'une exploration, celle d'un élargissement de l'univers des sensations humaines. ».







Yo c'est tout pour aujourd'hui JB ! un peu trop scolaire ok mais bon tâche de décrocher un … 14/20 !





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j'ajoute en récompense (ou punition) pour ceux qui ont réussi à lire tout ça, qu'il est fou, malhonnête, très malhonnête j'insiste, de séparer la recherche de perfection formelle de la puissance et de l'énergie intime de l'expression.


"Il peut sembler étrange (et l'on s'étonne parfois) de voir un poète vivant demander à la forme versifiée les chemins d'une expression nouvelle. On invoque le grand poids des contraintes du nombre ou de la rime, de la rigueur formelle, de tout l'appareil désuet de l'ancienne poésie que le XXe siècle a voulu dépoussiérer. Mais si l'on fonde son observation sur une histoire littéraire plus large, on s'aperçoit que le premier soin des poètes de tout temps a été d'affranchir leur art des règles en vigueur - non pas en les fuyant, sans doute - mais en les dominant, en les recréant ; en les fécondant chacun pour son usage. Un vers de La Fontaine appartient à lui seul."



A propos du "respect des règles" si nous reproduisons les formes du passé... (à quoi bon ?)
Si nous tentons de les reproduire en les semant de fautes involontaires n'est-ce encore pire, puisque le matériau de notre énergie première se disperse...

le travail mène à la richesse

Pauvres poètes, travaillons

La chenille en peinant sans cesse

Devient le riche papillon Image IPB

(Apollinaire, mais dommage quand même : en bossant un peu ou beaucoup plus il aurait pu trouver une rime avec "s" pour papillon(s) travaillons...)

http://theatreartproject.com

.



#2 Moriarty

Moriarty

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Posté 26 septembre 2008 - 11:45

Très cher Guardia,

j'ai bien lu vos notes. Point de vue définition 'POETE' c'est plutôt complet.
Mais le sujet n'est pas celui-là: Le poète est-il ou non un VOYANT. Sur cet aspect vous ne faites qu'un effleurage pour en revenir aux règles poétiques qui encore une fois ne sont pas vraiment le coeur du sujet que votre protégé vous a proposé.

Pourtant, en tant que philosophe, ce point aurait dû vous interesser au plus haut point.

Donc le sujet reste sans réponse réelle. Pour votre ami se retrouve avec vos note hors sujet sauf si dans la suite que vous nous promettez vous apportiez la lumière demandée.

Que demande-t-on à votre ami?

Un livre traitant du sujet ou un travail scolaire centrant le plus possible la vraie question?

Bien à vous, Moriarty

#3 Gardia

Gardia

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Posté 27 septembre 2008 - 04:59

Le poète est-il ou non un VOYANT. Sur cet aspect vous ne faites qu'un effleurage

Image IPB
faut v o i r B)

#4 J.G. Mads

J.G. Mads

    J.G. Mads

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  • Une phrase ::Sans haine ni espoir.

Posté 27 septembre 2008 - 07:34

Pour ma part, je me méfie un peu de ceux qui discriminent leur art de leur discours sur l'art.

Pouve.

#5 Ariel

Ariel

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Posté 27 septembre 2008 - 09:58

"→ʘ Dès lors la voyance du poète ne consiste pas à nous amener à contempler des chimères,- productions cérébrales aléatoires - mais à nous rendre plus précieux, plus intense et plus aigu l'acte même de voir – à travers la couleur et le son des paroles. (Ça se fait à 2 !)"

Je crois que c'est vous que je cite, dans cette phrase très intéressante, une sorte de tête de chapitre au devoir.

L'idée d'un travail partagé est d'ailleurs un peu contradictoire avec la lecture simple, écoutée, du texte par un orateur. J'ai aussi besoin de temps, de relectures, de retours en arrière, de retournements pour lire, entrer dans le poème comme avec une lanterne. Je suis un lecteur moins fainéant que l'écriveur. Le son est donc au deuxième plan, pour en ce qui concerne moi-je, qui est beaucoup trop occupé pour être poète.

Il y a quelques jours (sur le même petit carnet qui m'a servi à prendre des notes pendant Messiaen), j'avais écrit à la va-vite que la poésie est un tatonnement d'aveugle. Dans cette phrase, ce n'est pas l'aveugle qui me parait au premier plan, c'est le tatonnement, cette reprise de conscience du trajet entre l'oeil et la vision perçue.

Rilke parlait du regard intérieur.
D'une même intensité je pense que le regard scientifique, d'une même volonté de vouloir décrire, et peut-être, toujours aussi paradoxalement, avec une forme de rigueur.

#6 Gardia

Gardia

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Posté 29 septembre 2008 - 08:55

Il y a quelques jours (sur le même petit carnet qui m'a servi à prendre des notes pendant Messiaen), j'avais écrit à la va-vite que la poésie est un tatonnement d'aveugle. Dans cette phrase, ce n'est pas l'aveugle qui me parait au premier plan, c'est le tatonnement, cette reprise de conscience du trajet entre l'oeil et la vision perçue.

Leçon de poésie, écrite par Valéry deux ans avant sa mort (Dialogue de l'Arbre, extrait) :
Lucrèce
Regarde bien d'abord ces forces brutes, le bois puissant de ces membres tendus : la vie a fait cette matière pleine, de quoi porter le poids d'un aquilon et tenir ferme au passage des trombes ; l'eau de la terre épaisse et maternelle, pendant des ans profondément puisée, produit au jour cette substance dure.
Tityre
Dure comme la pierre, et qu'on sculpte comme elle.
Lucrèce
Qui s'achève en rameaux qui s'achèvent en feuilles, et les faines enfin, fuyant de toutes parts, disperseront la vie.
Tityre
Je vois ce que tu dis.
Lucrèce
Vois donc dans ce grand être une sorte de fleuve.
Tityre
Un fleuve ?
Lucrèce
Un fleuve tout vivant de qui les sources plongent dans la masse obscure de la terre les chemins de leur soif mystérieuse. C'est une hydre, ô Tityre, aux prises avec la roche, qui croît et se divise pour l'étreindre ; qui de plus en plus fine, mue par l'humide, s'échevèle pour boire la moindre présence de l'eau imprégnant la nuit massive où se dissolvent toutes choses qui vécurent. Il n'est bête hideuse de la mer plus avide et plus multiple que cette touffe de racines, aveuglément certaines de progrès vers la profondeur et les humeurs de la terre. Mais cet avancement procède, irrésistible, avec une lenteur qui le fait implacable comme le temps. Dans l'empire des morts, des taupes et des vers, l'oeuvre de l'arbre insère les puissances d'une étrange volonté souterraine. (...)
http://ugo.bratelli....alogueArbre.pdf

#7 Gardia

Gardia

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Posté 30 septembre 2008 - 08:23

... tâtonnement, aveugle, reprise de conscience entre l'oeil et le trajet perçu...
"J'ai toujours fait mes vers en m'observant les faire" dit Valéry. Mais le va-et-vient dont parle Ariel est bien réel. "Tantôt je pense, tantôt je suis" écrit encore le poète.
Un "secret" du travail d'un poète est bien celui-ci : ne pas confondre ce que l'on fait et ce que l'on croit faire. L'auteur "classique" - autrement dit : l'auteur dont le corps, la substance de l'oeuvre a de quoi nourrir la réflexion, le savoir et le savoir-faire des classes d'étudiants - l'auteur classique donc est celui qui porte un critique en lui-même.
Ce regard sur soi est sans concession. Il brûle les premiers jets de l'intimité, de l'expression profonde, de ce que nous pensons nos "tripes".
Ce qui sera senti par le lecteur (ou l'auditeur, ou le spectateur) veut plus d'efforts que le ressenti brut...
Extension au théâtre ou poésie 3D : Louis Latourre metteur en scène disant aux comédiens : Se mettre dans la peau du personnage n'est rien. Se mettre dans la peau du spectateur... !!! C'est plus dur que de faire du concentré de viande.
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