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Conclusion
Poème de VICTOR HUGO












Il est ! Mais nul cri d'homme ou d'ange, nul effroi,
Nul amour, nulle bouche, humble, tendre ou superbe,
Ne peut balbutier distinctement ce verbe !
Il est ! il est ! il est ! il est éperdument !
Tout, les feux, les clartés, les cieux, l'immense aimant,
Les jours, les nuits, tout est le chiffre ; il est la somme.
Plénitude pour lui, c'est l'infini pour l'homme.
Faire un dogme, et l'y mettre ! ô rêve ! inventer Dieu !
Il est ! Contentezvous du monde, cet aveu !
Quoi ! des religions, c'est ce que tu veux faire,
Toi, l'homme ! ouvrir les yeux suffit ; je le préfère.
Contentetoi de croire en Lui ; contentetoi
De l'espérance avec sa grande aile, la foi ;
Contentetoi de boire, altéré, ce dictame ;
Contentetoi de dire : Il est, puisque la femme
Berce l'enfant avec un chant mystérieux ;
Il est, puisque l'esprit frissonne curieux ;
Il est, puisque je vais le front haut ; puisqu'un maître
Qui n'est pas lui, m'indigne, et n'a pas le droit d'être ;
Il est, puisque César tremble devant Patmos ;
Il est, puisque c'est lui que je sens sous ces mots :
Idéal, Absolu, Devoir, Raison, Science ;
Il est, puisqu'à ma faute il faut sa patience,
Puisque l'âme me sert quand l'appétit me nuit,
Puisqu'il faut un grand jour sur ma profonde nuit!
La pensée en montant vers lui devient géante.
Homme, contentetoi de cette soif béante ;
Mais ne dirige pas vers Dieu ta faculté
D'inventer de la peur et de l'iniquité,
Tes catéchismes fous, tes korans, tes grammaires,
Et ton outil sinistre à forger des chimères.
Vis, et fais ta journée ; aime et fais ton sommeil.
Vois audessus de toi le firmament vermeil ;
Regarde en toi ce ciel profond qu'on nomme l'âme ;
Dans ce gouffre, au zénith, resplendit une flamme.
Un centre de lumière inaccessible est là.
Hors de toi comme en toi cela brille et brilla ;
C'est làbas, tout au fond, en haut du précipice.
Cette clarté toujours jeune, toujours propice,
Jamais ne s'interrompt et ne pâlit jamais ;
Elle sort des noirceurs, elle éclate aux sommets ;
La haine est de la nuit, l'ombre est de la colère !
Elle fait cette chose inouïe, elle éclaire.
Tu ne l'éteindrais pas si tu la blasphémais ;
Elle inspirait Orphée, elle échauffait Hermès ;
Elle est le formidable et tranquille prodige ;
L'oiseau l'a dans son nid, l'arbre l'a dans sa tige ;
Tout la possède, et rien ne pourrait la saisir ;
Elle s'offre immobile à l'éternel désir,
Et toujours se refuse et sans cesse se donne ;
C'est l'évidence énorme et simple qui pardonne ;
C'est l'inondation des rayons, s'épanchant
En astres dans un ciel, en roses dans un champ ;
C'est, ici, là, partout, en haut, en bas, sans trêve,
Hier, aujourd'hui, demain, sur le fait, sur le rêve,
Sur le fourmillement des lueurs et des voix,
Sur tous les horizons de l'abîme à la fois,
Sur le firmament bleu, sur l'ombre inassouvie,
Sur l'être, le déluge immense de la vie !
C'est l'éblouissement auquel le regard croit.
De ce flamboiement naît le vrai, le bien, le droit ;
Il luit mystérieux dans un tourbillon d'astres ;
Les brumes, les noirceurs, les fléaux, les désastres
Fondent à sa chaleur démesurée, en tout
En sève, en joie, en gloire, en amour, se dissout ;
S'il est des coeurs puissants, s'il est des âmes fermes,
Cela vient du torrent des souffles et des germes
Qui tombe à flots, jaillit, coule, et, de toutes parts,
Sort de ce feu vivant sur nos têtes épars.
Il est ! il est ! Regarde, âme. Il a son solstice,
La Conscience ; il a son axe, la Justice ;
Il a son équinoxe, et c'est l'Egalité ;
Il a sa vaste aurore, et c'est la Liberté.
Son rayon dore en nous ce que l'âme imagine.
Il est ! il est ! il est ! sans fin, sans origine,
Sans éclipse, sans nuit, sans repos, sans sommeil.

Renonce, ver de terre, à créer le soleil.





Religions et religion






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