Pauvres vieilles cités par les plaines perdues, 
Dites de quel grand plan de gloire, 
Vers la vie humble et dérisoire, 
Toutes, vous voilà descendues.
Vous ne comprenez plus vos hauts beffrois en deuil,
Ni ce que disent aux nuées
Tant de pierres destituées
De leur ancien et bel orgueil,
Vos carrefours, vos grand'places et votre port, 
Tout est muet et léthargique ; 
Tout semble aller à pas logiques 
Vers l'horizon, où luit la mort.
Seule, quand le marché aligne au jour levé,
Sur le trottoir, ses éventaires, 
Un peu de vie hebdomadaire 
Se cabre aux joints de vos pavés.
Ou bien, quand la kermesse et ses cortèges d'or 
Mènent leur ronde autour des rues, 
L'émoi des foules accourues 
Vous fait revivre une heure encor.
Vos moeurs sont pareilles à vos petits jardins :
Buissons corrects, calmes verdures, 
Mais une odeur de moisissure 
Séjourne en leurs recoins malsains.
Vos gestes sont prudents, mesquins et routiniers, 
Vous ne penchez sur vos négoces 
Que des yeux mornes ou féroces, 
Qui ne comptent que par deniers.
Vos cerveaux sans révolte et vos coeurs sans fierté 
Se complaisent aux moindres choses, 
Et de pauvres apothéoses 
Font tressaillir vos vanités.
Vous ne produisez plus ni communiers ni gueux
Et vivez à la dérobée
Des miettes d'ombre et d'or tombées
Du festin rouge des aïeux.
Pourtant, si triste et long que soit votre déclin, 
Notre rêve ne veut pas croire 
Que plus jamais la belle gloire 
Ne bondira de vos tremplins.
Vous vous armez encore de trop d'entêtement,
Damme, Courtrai, Ypres, Termonde,
Pour n'être plus au vent du monde
Que des tombeaux d'orgueil flamand.
Et n'avoir plus aucun remords, aucun sursaut 
En ces heures de somnolence 
Où le visage du silence 
Se mire seul dans vos canaux.
 Toute la Flandre
 
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