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Plus loin que les gares, le soir
Poème de ÉMILE VERHAEREN












L'ombre s'installe, avec brutalité ;
Mais les ciseaux de la lumière,
Au long des quais, coupent l'obscurité,
A coups menus, de réverbère en réverbère.

La gare immense et ses vitraux larges et droits
Brillent, comme une châsse, en la nuit sourde,
Tandis que des voiles de suie et d'ombre lourde
Choient sur les murs trapus et les hautains beffrois.

Et le lent défilé des trains funèbres
Commence, avec leurs bruits de gonds
Et l'entrechoquement brutal de leurs wagons,
Disparaissant tels des cercueils vers les ténèbres.

Des cris ! Et quelquefois de tragiques signaux,
Pardessus les adieux et les gestes des foules.
Puis un départ, puis un arrêt et le train roule
Et roule avec des bruits de lime et de marteaux.

La campagne sournoise et la forêt sauvage
L'absorbent tour à tour en leur nocturne effroi ;
Et c'est le mont énorme et le tunnel étroit
Et la mer tout entière, au bout du long voyage.

A l'aube, apparaissent les bricks légers et clairs,
Avec leur charge d'ambre et de minerai rose
Et le vol bigarré des pavillons dans l'air
Et les agrès mentis où des aras se posent.

Et les focs roux et les poupes couleur safran,
Et les câbles tordus et les quilles barbares,
Et les sabords lustrés de cuivre et de guitran
Et les mâts verts et bleus des îles Baléares,

Et les marins venus on ne sait d'où, làbas,
Par au delà des mers de faste et de victoire,
Avec leurs chants si doux et leurs gestes si las
Et des dragons sculptés sur leur étrave noire.

Tout le rêve debout comme une armée attend :
Et les longs flots du port, pareils à des guirlandes,
Se déroulent, au long des vieux bateaux, partant
Vers quelle ardente et blanche et divine Finlande.

Et tout s'oublie et les tunnels et les wagons
Et les gares de suie et de charbon couvertes
Devant l'appel fiévreux et fou des horizons
Et les portes du monde en plein soleil ouvertes.





La multiple splendeur






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