Je l'ai croisée à Montparnasse

Je l'ai croisée à Montparnasse

Elle songeait dans un gris d'hiver aux antichambres
réfugié dans la chaude quiétude du buffet

Le lieu était plein, désespérément plein

Je me suis mis à écrire quelques mots sur le zinc
tout en commandant un demi, que le serveur me vanta
pour ses vertus hydratantes

La gare grouillait de partout, des hommes en affaires
des couples qui s'étreignaient jusqu'à la dernière minute
comme s'ils ne devaient jamais plus se revoir
des vieilles personnes les yeux rivés
sur le panneau annonçant les départs, des jeunes
des moins jeunes tout un monde les yeux gonflés de fatigue

Elle n'avait pas bougé de place, feuilletait un magazine
de temps en temps elle levait la tête pour consulter le tableau des lignes

A cette heure l'attendait-il quelque part répétant les gestes
de tous les jours ?

La pluie n'avait pas cessé,

j'imaginais sa voix avec un soupçon d'accent

Perché sur mon tabouret le stylo à la main, je la couchais sur le papier
Je l'avais entre mes doigts, qui avouaient ce que mon corps n'osait comprendre
Cet émoi que je m'attachais à retrouver, inconsciemment
si viscéral

Ses longs cheveux étaient attachés négligemment
il émanait d'elle une beauté sauvage, ce qui lui faisait un regard
profond que mon statut de célibataire avait souligné ostensiblement

oui ostensiblement

D'une élégance désinvolte pourvue d'attraits, si sensuels
incroyablement désirable

et ce visage si fin

Avais-je la dose nécessaire de désinhibition pour lui parler
et tenter d'être faussement brillant ?


lcp 04/02/2011