... Car ce qui fonde la littérature, cette volonté tenace de vérité sans laquelle les mensonges se substituent à notre conscience elle-même, ne peut trouver dans la poésie l’exception qui ne fait jamais rien de mieux que de confirmer la règle. Affronter la page blanche à travers les difficultés soulevées dans l’inconscient par l’acte d’écrire, c’est s’ouvrir volontairement à la vérité qui nous invite à ce qu’on ne connaît pas, à ce qui nous fuit et nous libère de nous-mêmes. La vérité du poème est celle de cette avancée sur un terrain dont le scripteur ne sait rien d’avance, ce terrain que dans l’inconscience nous foulons comme si c’était le plus normal des jardins. Quels que soient les défauts apparents des phrases du poème, c’est dans le blanc qui les sépare qu’apparaît avec le plus d’évidence la permanence de cette vérité inconnue que la parole ne fait que devancer.
Alain JOUFFROY,
Préface à Michel LEIRIS ( Haut Mal )Gallimard. 1969.