Les moments passés auprès d’elle semblaient de petites étoiles accrochées au filet de l’éternité. Sans transition, elle passait, d’un geste tendre, à cette moue sévère qu’elle avait pour boire un verre de Perrier. Mon cœur, mon cœur se perdait dans les dédales d’éternité.
Je connus auprès d’elle ces moments d’oubli qui sont apaisement suprême, absence et accomplissement, à la fois, du désir. Dans ce pays d’elle et moi les mots à rien ne servent, ils n’ont plus de couleur, comme des dessins dérisoires effacés par le soleil.
Au plus haut point des remparts, je lui disais mon désir de partir, partir pour n’importe où. Elle me répondit : « on ne peut pas se fuir ». Au bord du fleuve, à la verticale sous les remparts, Rhodiaceta crachait ses fumées blanchâtres, des voitures, minuscules, se mouvaient. Le soleil, lentement, glissa derrière l’une des collines qui dominent la ville : l’isthme du crépuscule nous avait menés à la nuit.
Extrait de Le Soir dans les Jardins/Besançon/1976
Source : Les moments