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Quand on est enfant, le monde qui nous entoure semble immuable : la mère sert le repas du soir, le père nous réprimande parce que l’on a refusé de manger les légumes de son jardin. On sait qu’à la fin du repas le père va s’endormir à table, au risque de piquer du nez dans l’assiette, on sait qu’il va , au moment de se lever de table, dire « dziękuję bardzo » ("merci beaucoup", en polonais) , en direction de ma mère, que ma mère va s’affairer à débarrasser la table, alors même (on n’y prêtait pas attention) qu’elle-même ne s’était pas assise un instant, nous servant à manger, puis quittant la cuisine pour aller servir quelque client du café-épicerie dont elle était la patronne.
Les clients l’avaient surnommé « la Polonaise »… Quand les clients du café, tentaient, à son passage, de défaire la ceinture son tablier, elle répondait, avec fermeté : « regardez, mais ne touchez pas ! » Pour elle, qui avait connu les camps de prisonniers en Allemagne, le typhus injecté aux prisonniers sous le prétexte d'expérimentations médicales, tout le reste de la vie , c’était … du « rabiot ».
Les tracas administratifs la faisaient sourire : mon père, n’obtenant pas un permis de construire, avait envoyé ma mère à la Préfecture, comme on envoie un missile sur une zone ennemie. Là-bas, les employés désespérèrent de lui faire comprendre quoi que ce soit : on lui donna ce qu’elle demandait.
Quand nos parents disparaissent, on a la sensation de passer en première ligne, ce n’est plus l’immuable qui pose une main ferme sur notre épaule, mais l’inéluctable : il n’est pas de refuge où la Mort ne puisse nous trouver, nous pouvons courir, danser, chanter, aimer, le compte à rebours est lancé. Avions-nous imaginé que, soixante ans plus tard, nous mangerions, seul, dans une cuisine, en pensant à ces moments lointains ?
9/11/17
Les clients l’avaient surnommé « la Polonaise »… Quand les clients du café, tentaient, à son passage, de défaire la ceinture son tablier, elle répondait, avec fermeté : « regardez, mais ne touchez pas ! » Pour elle, qui avait connu les camps de prisonniers en Allemagne, le typhus injecté aux prisonniers sous le prétexte d'expérimentations médicales, tout le reste de la vie , c’était … du « rabiot ».
Les tracas administratifs la faisaient sourire : mon père, n’obtenant pas un permis de construire, avait envoyé ma mère à la Préfecture, comme on envoie un missile sur une zone ennemie. Là-bas, les employés désespérèrent de lui faire comprendre quoi que ce soit : on lui donna ce qu’elle demandait.
Quand nos parents disparaissent, on a la sensation de passer en première ligne, ce n’est plus l’immuable qui pose une main ferme sur notre épaule, mais l’inéluctable : il n’est pas de refuge où la Mort ne puisse nous trouver, nous pouvons courir, danser, chanter, aimer, le compte à rebours est lancé. Avions-nous imaginé que, soixante ans plus tard, nous mangerions, seul, dans une cuisine, en pensant à ces moments lointains ?
9/11/17
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