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Ma mère avait l'art de la formule : dans ma jeunesse, quand elle était très mécontente de mon comportement, elle me disait « tu finiras pieds nus ! ». Je pense à cette phrase, aujourd'hui encore, en laçant mes souliers et en m'émerveillant de voir que sa prophétie ne se soit pas réalisée.
Comme, devenu adulte, j'étais venu, un jour, lui raconter mes déceptions sentimentales, mes désespérances, elle me surprit extraordinairement, en me disant : « ta mère est sorcière : tous ceux qui te font du mal seront punis ».
A la Maison de Retraite, j'eus la douleur d'assister, jour après jour, à son inexorable déclin. Lorsqu'elle mourut, je crus vivre l'insoutenable, être témoin de l'impensable, de ce qui n'aurait jamais dû arriver. Quel parcours nous attend, les uns et les autres, pour mourir, pour redevenir cette pierre d'où nous venons et que rien n'anime ? Voir mourir l'être qui vous a donné la vie, le voir s'éteindre dans les râles, comme si tout le corps s'efforçait, jusqu'au dernier instant, de combattre la fin inéluctable, de reculer l'instant ultime, celui où chacun d'entre nous retrouve ce qui nous attend tous, l'immobilité et la froideur des pierres, me fut insupportable : je fuyai cette chambre, où j'étais seul auprès de ma mère. et, ne sachant plus ce que je devais faire, où je devais aller, me retrouvai dans le couloir.
Comme j'étais sorti, éperdu de désespoir, ne pouvant supporter l'insupportable, je croisai la psychologue qui avait pour mission de prendre soin des résidents. Je lui dis que ma mère était en train d'agoniser. Elle me répondit avec une étrange solennité, en utilisant une formule qui m'interpella et qui ne cesse, aujourd'hui encore, de me hanter : « votre mère est solaire ! ».
Il y a, sans doute, en chacun de nous, un soleil, un soleil qui ne s'éteindra pas, fût-ce dans la mémoire d'autrui, tout notre travail silencieux est de nous en souvenir, et, chaque fois que nous le pouvons, de revenir à sa lumière.
2/2/2022
Comme, devenu adulte, j'étais venu, un jour, lui raconter mes déceptions sentimentales, mes désespérances, elle me surprit extraordinairement, en me disant : « ta mère est sorcière : tous ceux qui te font du mal seront punis ».
A la Maison de Retraite, j'eus la douleur d'assister, jour après jour, à son inexorable déclin. Lorsqu'elle mourut, je crus vivre l'insoutenable, être témoin de l'impensable, de ce qui n'aurait jamais dû arriver. Quel parcours nous attend, les uns et les autres, pour mourir, pour redevenir cette pierre d'où nous venons et que rien n'anime ? Voir mourir l'être qui vous a donné la vie, le voir s'éteindre dans les râles, comme si tout le corps s'efforçait, jusqu'au dernier instant, de combattre la fin inéluctable, de reculer l'instant ultime, celui où chacun d'entre nous retrouve ce qui nous attend tous, l'immobilité et la froideur des pierres, me fut insupportable : je fuyai cette chambre, où j'étais seul auprès de ma mère. et, ne sachant plus ce que je devais faire, où je devais aller, me retrouvai dans le couloir.
Comme j'étais sorti, éperdu de désespoir, ne pouvant supporter l'insupportable, je croisai la psychologue qui avait pour mission de prendre soin des résidents. Je lui dis que ma mère était en train d'agoniser. Elle me répondit avec une étrange solennité, en utilisant une formule qui m'interpella et qui ne cesse, aujourd'hui encore, de me hanter : « votre mère est solaire ! ».
Il y a, sans doute, en chacun de nous, un soleil, un soleil qui ne s'éteindra pas, fût-ce dans la mémoire d'autrui, tout notre travail silencieux est de nous en souvenir, et, chaque fois que nous le pouvons, de revenir à sa lumière.
2/2/2022
« Tout l'or du monde » (13/11/2018). Tous droits réservés.
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