Quand ma mère mourut, je ne pensai qu’à la faire accompagner sur le chemin qui l’attendait, désormais, par un violon jouant de la musique klezmer, – cette musique qui survécut à l'extermination des juifs. Bien que nous n’en eussions jamais écouté ensemble, elle m’avait souvent dit qu’elle « aimait le violon. ». On me consulta, dans la perspective d'une cérémonie juive. J’acceptai. Mais faute d’attestation de son appartenance à cette religion, sorte de laisser-passer pour ces frontières invisibles qui séparent les hommes, le carré juif des cimetières lui fut interdit. J’ignorais que les morts dussent remplir des formalités de voyage. Seule pouvait se dérouler une cérémonie à la morgue : elle eut lieu sans témoins autres que mon frère et moi. Cette cérémonie me fit penser à ce que j’imagine de la haute Égypte, à la préparation des corps pour le grand voyage. Le moment émouvant fut lorsque l’on demanda à mon frère et moi, debout de part et d’autre de son linceul, de tenir, chacun, une main de notre mère, avant que le kaddisch ne lui délivre son passeport pour l’éternité.
17/2/22
17/2/22
"Crépuscule" (20/2/20)
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