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Vingt-quatre vivifiques rencontres en poèmes : 1-12 / par Loup-de-lune

Posté par Loup-de-lune, 24 janvier 2021 · 2 470 visite(s)

Vingt-quatre vivifiques rencontres en poèmes : 1-12 / par Loup-de-lune 'La plupart des poèmes que j'ouvrage, je les qualifie volontiers moi-même de poèmes hermétiques... oui... l'hermétisme !... Non pas la fermeture, mais le mystère et le charme de suggérer plutôt que de nommer... Suggérer la pluie plutôt que de dire 'il pleut'... Suggérer un sentiment éprouvé par l'évocation subtile d'un objet, d'un parfum ou d'une nuance, plutôt que de combiner récurrement de strophe en strophe les voyelles et les consonnes de son signifiant ! Oui, j'écris des poèmes hermétiques, et n'y aurait-il qu'une seule lectrice, qu'un seul lecteur, manifestant une volonté non pas seulement généreuse mais incoercible, pour en amorcer le déchiffrement, que je serais comblée au-delà de toutes mes espérances... Car oui, j'écris des poèmes hermétiques, mais à la manière de ces coffrets à trésors des immémoriaux empereurs de la Chine, ouvragés de compartiments dédaléens et énigmatiques réclamant chacun sa clef particulière, et conduisant, aux confins de la délicatesse, de la minutie et de l'inconnu, au plus légitime comme au plus jubilatoire des joyaux, la trouvaille tout à la fois de jade et de nouveau.'

Loup-de-lune, Journal littéraire, 14 avril 2017


En ce jour du vingt-troisième anniversaire de sa naissance, nous rassemblons toutes nos forces et tout notre courage pour nous connecter, avec son mot de passe si évocateur, avec la photographie devant nos yeux de son visage si tangible et si évanescent, avec l'inflexion de sa voix argentine au creux de nos oreilles, avec la tendresse et l'énigme de son sourire épousant les battements de notre coeur, pour nous connecter donc à l'inscription à Toute La Poésie que Loup-de-lune a validée le 9 juin 2013, s'octroyant alors le bonheur de développer un blog d'écriture durant plusieurs années... avant que la maladie, malicieuse prestidigitatrice, ne la dérobe à nos limites humaines le 20 mars 2020 dans les premiers instants tout à la fois de l'aube et du printemps...

Nous proposons cette après-midi une anthologie de poèmes choisis parmi tant et tant et tant d'autres ouvragés par Loup-de-lune... Que toujours vive la Poésie... bien sûr ici et maintenant... mais aussi ailleurs et demain !...

En hoir de Loup-de-lune durant sa saison aura eu à coeur de montrer comment une maladie comme la leucémie sait kaléidoscopiquement repeindre avec ses couleurs érythro- et leucopoétiques les lieux et les objets familiers. Nous eussions pu pour notre part retenir le thème de la métamorphose, ou de l'errance, ou encore celui-là même de l'exploration du langage : la puissance polysémique des mots, l'infinie richesse des relations qu'ils entretiennent entre eux dans des mariages quelquefois aussi insolites qu'heureux...

Nous avons préféré mettre en valeur les vingt-quatre rencontres et partages importants, parfois essentiels, qu'il aura été donné à Loup-de-lune de faire ici.

Nous n'aurons eu à aucun moment au cours de la composition de ce bouquet l'incongru souci d'une hiérarchie, d'un classement qui eût reflété telle ou telle préférence... Non ! Sa présentation idéale serait à la vérité celle d'un cercle, ou d'un cylindre, d'un kaléidoscope dans lequel chaque personne mentionnée est comme l'un des miroirs le constituant et réfléchissant par l'écriture qui lui appartient sa propre féerie multicolore et cinétique. Nous invitons également à imaginer une présentation horizontale plutôt que verticale... oui, l'horizon... qui annule les concepts de destination et de finalité, puisqu'avec l'horizon, il est toujours question de marcher vers...

Certaines auteures et certains auteurs, représentant d'ailleurs une courte majorité, ont disparu de Toute La Poésie, parfois depuis plusieurs années. Nous espérons que là où elles et ils se trouvent désormais, elles et ils auront à leur manière su continuer la lecture et le partage commencés avec Loup-de-lune. En venant rêver peut-être de temps à autre avec ses poèmes qui sont autant de traces laissées par son esprit, puisque, comme l'a dit le poète français René Char, ce sont les traces bien plus que les preuves qui font rêver.

On nous a demandé si nous voulions faire graver quelques mots sur le stûpa de Loup-de-lune, de Linfabrice et de leur hoir, au coeur de ce jardin du repos, au sein des verdoyantes montagnes de l'archipel de Zhoushan, en Chine orientale. Nous avons retenu une citation de Jean Cocteau. Elle apparaît désormais toute d'or sur la stèle, regardant, surmontant l'océan, en langue française d'abord, puis dans sa traduction en caractères chinois :

«Faites semblant de pleurer, mes amis, car les poètes ne font que semblant d'être morts»

朋友
假装哭
因为诗人假装死



Fabrice G. Di Gabriele
et quelques autres



Vingt-quatre vivifiques rencontres en poèmes



𝔸𝕧𝕖𝕔 𝐿𝑖𝑛𝑓𝑎𝑏𝑟𝑖𝑐𝑒 林 美丽花



Élévation


toutefois aux lèvres du voeu
l'énigme de la survivance
n'avait laissé qu'une vaporeuse lettrine...

ces mains en javelles
jusqu'à l'exaucement
qui ouvre une pulpe encore

dans la faim de cristal
dérougit un organisme nouveau

à l'orphelinat des soupirs
le zéphyr vient se désavouer

appuyé contre la lumière verte
où s'assimile un tremblé d'azur et de tuile
s'aile le rose des épanouies

sur le bord de la fenêtre
un instant triste
l'écorce éparse parodie les nuages

mais le parfum sachant mourir à sa sanguine
lesté de la seule exultation d'Homme
déjà touche aux métamorphoses
où se distribue le reliquaire d'un soleil

⚜️

L'absence


I

Le simulacre de poignard et de cimeterre
chaque trait jusqu'aux plus effilés
se résolvait en ton poème
il ne vint plus que l'eau des prunelles sur le papier de riz
avec sa transparence pour le bûcher des encres
et la dernière feuille a neigé de mes mains sans printemps

puis le grand pays blanc
où je la rêvai ubique
exténue mon vagabondage

la conviction du chemin
repose
profonde

pour doubler désormais mes empreintes
voici vaporeux mon pas seul qui retourne

II

Ce vieux banc de bois réappris par ma halte
un souffle des nourritures en sommeil
ou la bourrasque fortuite
et l'arbre qui le côtoie s'éparpille
en prosternant ses roses faîtières à peine divulguées
ma rémittence habite son calque de pétales

toutes paupières ignées
soir après soir
les soleils fabulent

à l'étal de ma patience
la criée
du fruit

que nul partage n'attend sur la table
où mes mains récoltantes le glissent

III

Quand je m'éprouvai entre le ciel et le champ
comme un funambule d'éther
sur la ligne séparant leurs bleus symétriques
j'inclinai l'urne blanche
et tes cendres qui linéamentaient un phénix
touchèrent au firmament des lavandes

puis s'y étonner encore une fois
toute une après-midi de sud
et de serments sans inflexion

d'un ruban de toujours
je noue
ma pensive cueillette

le même parfum descend des porte-bouquets de l'espace insensé
où le feu imitant mes fièvres te fit impondérable

♡︎

Loup-de-lune


albescente voyelle
de la lune
dans le bleu
qui s'élide

crête
en procession
durant toute l'appétence
d'un ultime orangé

expir si doux
pour des gestes d'herbe
des acquiescements
de feuille

et l'esprit
va s'alouvissant
dans la nuit
qui palpite

🩸

Avec l'arbre mort


éperdue d'aube
la jeune leucémique des lisières
étiolé le rouge
au démasqué d'osséine
dans sa geôle angiologique

rose mémoire qui fascine
bradycardiaque essor qui s'orange
page du bleuir que lettre l'éteinte
un ciel encore ébruite
les couleurs du fragile
le bois se repaît
rassasie ses ramures

sur l'herbe où s'absorbe la robe blanche
la main dolente ira fraîchissant
cueillant la rosée gouttelée miroitante
de la cassure des ombres

💎

cygne


au large des ancres de tulle
des pavillons de vent
des proues qui ne passeront pas l'envisagement
au large des mâtures démentielles
où s'affalent les îliens de la ville

au bord du fugitif
dans le mouillage de sa moelle assoiffée
les scintillations
safranent les câlines vagues

du mitan de cette mosaïque émue
l'épiphanie du cygne
dont la candeur alentie
conseille une sente lactée
sur la plaine
où des saphirs interminablement bercent leur couleur

🎏

Tiananmen


Au seuil du haut lieu des passages, ton premier regard m'élucida


et frôlée chaque muraille gonflait tes bras de fleurs
tu avais des traverses qui poussaient comme des greffes d'aventure
et nos rires étaient mutins devant les mémoires de jade

tu savais ce secret de palais insonore où nos sommeils évinçaient les trésors
et de toute la longueur de nos âmes promises
cette soie volante qui s'en allait figurer des ailes aux frontons graves

mais la rumeur conquit tes sens, et parmi sa multitude
adressée aux métamorphoses, ta main lâcha la mienne.
Ce matin, à Tiananmen, nos silhouettes, à ma craie tremblante


Et l'ombre des soldats qui en déborde déjà la fusion

🏔️

Rouges


Feuille comme fer de lance
dans l'ombre ensauvagée
du fruitier des paresseux

Aux foulées dévolu
alumineux petit coeur
et quelle aortique embellie

Reste de craie
chair de bruine
près du dessin inachevé

Les pierres comprenantes
qui borduraient l'en allée de ta vie
jalonnent ma baguenaude

🌹

Les Mondes perdus : à la recherche de Mademoiselle LIN


🌈 Pavlopetri

Les vitrines thaumaturges auraient beau multiplier les milices de l'effacement

me portait la grande erre encline au rivage
m'entraînait l'imputrescible musette de pensée
vers les quiétudes des eaux artistes

passeur des serments rescapés voilà l'oeuvre des tréfonds
cette promenade de silence entre les colonnes toutes franches
ce mur fol désirant la méticuleuse aire de notre concorde

puisque parmi la merveille ruiniforme des quotidiens
parmi les tombeaux que tenturent
des jaillissements d'argonautes il m'est rendu

de te regarder dormir dans le poumon versicolore de l'éternité


🌼 La pyramide de Yonaguni

Franchis les cimetières apétales de l'oubli déjà s'épand

la mer des ciels fabulant à l'entour de l'étoile séculière
la grâce qu'ils coulent dans leurs déclins ressource mes prunelles
approfondit la présence dans le filigrane des esplanades colosses

mille rocades mutiques pour s'étonner de concert
le brûle-pourpoint des marches en manière de faille
où tomber et gravir ne sont qu'une même retrouvaille

ainsi se pérennise notre sentiment nomade
de faune et d'ineffable l'espace recompose les angles
et sur la pierre infinie des puissantes fois antiques

tu m'apprends encore à déceler les fleurs qui vont abrillant nos mains

💐💖💐

Ciel littéraire


jusqu'à cette apesanteur de la dalle funéraire
voilà rassemblée notre bibliothèque hypogéenne

lisérée par deux volumes de la collection de La Pléiade
pour ce vis-à-vis colonnaire de pleine peau et de filets d'or

et désormais nomade au bagage de légèreté
j'aime d'une chambre à l'autre entendre
éclore de mes façons de silence
L'Anthologie de la poésie chinoise
et L'Anthologie de la poésie française

puisqu'elles vont fiançant leurs vers musiqueurs
en de longs étonnements amoebées
qui éternisent la félibrée
où les étoiles battent tels des coeurs

🇨🇳

Drapeaux de Chine 𝕝


parmi le pêle-mêle du rivage
une étoffe éploie sa déchirure plurielle
ce fanage du rouge arboré
anémiant les étoiles qui demi-cerclaient l'étoile

mais de pilier en pilier
au long de l'embarcadère
s'érige l'imminence polychrome

la ville-brigantine esquissée sur le vent
bracèle par myriades
ses tonitruants chantiers sable et hâlés
de trigones qui fluent en saillances de flammes

leurs aigus de couleurs et ma cadence convergent
vers cette relâche de verre
où s'émeut l'albe enfance du bateau

🇨🇭

Route d'Alle


dans sa recrudescence ce dardement bleu
où robinsonnent les lettres lucides

le dolent point de mire assermente l'itinéraire

l'épanchement thésaurise la distance

des fruits d'ailes
inversement se détachent
et leur récolte-nielle ira pulvérisant la station

des soupirs du ponant
la crueur apprend à exhaler sa lumière

la paille la réunit en son fétu
que parmi la caillasse
à l'orée du renoncement
emprunte et allonge cette allure élytrale

✴️

La Licorne de cire


Pour aucune lueur
même ambulancière à la tempe adverse
pour aucune lueur
ne s'évanouirait le présent que je t'ai fait

tes ciseaux d'or en avaient retranché le coton
et devant la corne torse du chanfrein
devant le sabot de l'illimité
tu renouvelais infatigable ta fixité

de nos mains qui iraient s'espaçant
s'épanouit ton vagabondage


eux
ils me dirent ton corps, ton visage abîmés
ils précisèrent le masque talentueux avant le tissu natal

elle
extraite du papier bruissant que tu lui as souhaité
elle paraît sur le plancher des abandons

par le garrot imperceptiblement creusé
elle a renoué avec la mèche

puisque vient la nuit où j'interroge la flamme
les coulées ravisseuses
jusqu'au galop focal de l'aube

ꨄ︎❦︎ఌ︎

La calligraphe


De l'urne inclinée soudain
par ces mains aériennes à suppléer l'éther
s'épancheraient tes cendres

sans rien ombrer de l'ardeur bleue des lavandes
elles se fondraient dans le sud que nous frayâmes
oh ! cette incandescence du souvenir impuissante à les joindre

mon reflet pulvérisait tous les miroirs
les yeux chers parcellisaient leurs candeurs
et le papier de riz éperdument neigeait la saison de l'absence

j'ai eu si mal
de demeurer
et les vadrouilles
m'ont gîtée

tous les traits
de mon nom
éparpillés
mais s'en saisit le poème que tu aimais

si long temps de pierre sans eau et de feuille blanche
si long temps d'encre que n'émancipe pas son broiement
et de pinceau orphelin des forces exactes

il y a tant à réunir pour se résoudre en geste
les tressauts du myocarde broussaillent les tracés
et l'accolade des langueurs enserre l'équilibre

pourtant, mon amour, à ta voix qui s'escrime à poindre
il monte comme une évidence de ciel
derrière le dragon gauche



La connivence des ors


l'ample mauve où s'étendre
délasse des blancheurs d'hôpital

l'escalier
pour bannir un dernier fredon
exauçant par degré un long voeu de silence


la chambre conjugue la fenêtre neigée
avec la lampe des nuits transfixées

les huiles alchimiques
nettes des vieux motifs
éclipsant ce qui cèle et les bois négateurs
atteignent aux lumières aventurières

le rouge dolent a troqué la distance contre le rayon
et sur la tranche du florilège
flamboie la tessiture
dévouée aux poèmes à venir



𝔸𝕧𝕖𝕔 𝐻𝑎𝑠𝑖𝑎



L'abîme des anges


Dans la presqu'ombre de la chambre
parmi les florilèges partagés
ils parcouraient du regard
le firmament de nos silences
leurs ailes qui s'éployaient
passaient la porcelaine
le distant abat-jour
s'y réfléchissait en brûlements
attachés aux cires de nos confidences
dans les plis de leurs tuniques
reposait l'obscur
et des notes
élixir des amants
perlaient à leurs cithares
sous les doigts diminués sans nulle meurtrissure


De la voie d'un ancien bisse fabulée par les neiges
tu es entrée dans l'abîme

ton risque avait suspendu notre complicité
mais tu me reviendrais
avec le poème du preux

qu'elle fut d'outre-sanglot la phrase du téléphone
en laquelle se condensa le héraut funèbre


Par-delà coutures et baumes
par-delà portraits au violoncelle
par-delà blanc cercueil et corbillard
cendres et lavandes épousées
mes pas plagiant tes pas
sur l'ancien bisse
tout à la glace étrange de l'été
j'ai grand ouvert le coffret laqué

précipité les anges

descendre encore
et encore
coeur vertigineux
ravin des moelles
profonde la douleur
profonde
jusqu'au mystère
l'essence


Et cet enfantillage entêté
à muer le bibelot
en vol tutélaire
sa flagrance fragile
en essor

et s'il advient
qu'une manière de brisement
m'environne avec insistance
je crois à l'intime visiteuse qui
derrière l'ondulante féerie des rideaux
arpente entre roses et lune aqueuse
le gravier du jardin

🟡

Genèse


intermittentes incandescences
des oiseaux qui enluminèrent

essor d'étincelle

et sur l'alme horizon
le geste de la semaille de cinabre
pour travestir le moment des cendres

atomes d'ailes

dissoutes vitres

un soir fruit des musardises impeccables
lègue la lumière au rose des pétales

y désencombrer le regard
jusqu'au pollen de cristallin

parmi la parturiente du sombre
les distances iront fabulant

le dernier brandon du clos
atteint aux carreaux épars des architectures émues

dans les safrans dans les soufres si frais
à peine des silhouettes
transgressent les traditions des corps
et tuméfient les lignes ennuyées de leurs croix

une à une les verses du noir
confluent vers la vigilance paille de blé
ravisseuse d'abat-jour

et calme
le souffle
qui luit parmi l'épure d'une chambre
toute ouverture insensée
tout angle désemparé
plane au-dessus de l'abîme du poème

👑

Opulence


de cette embellie
l'inespéré

par surcroît
du chat fauve l'inopiné bondir
dans l'arbre de pluie
qui emperle et gorge les carreaux

à ce point étincelé
le remuement
une cristallerie cascade
en manière de bénévolence

et de tous les carats de l'instant éclabousseur
aumône les prunelles mendiantes

🌉

Pulsion du passage


nocturnes incandescences
des poignées

feu de fleurs serpentines

ne va plus à la rencontre des lampes
le geste qui d'un sang miracle et radiant
éteint l'amoncellement des espaces


À travers les tissus
paraît un néphélion d'argent et de lait

et vont s'illuminant les nuances
décombre fabuleux
des prismes du sommeil

turquoise de l'arcade confidente
jaune des poudres de tiare
orangé lévitant
indigo du trémail d'étincelles
rose en murmure
qui ne composent pas d'aurores
beaucoup au-delà des tracés d'oiseaux

les vieux métaux des ouvertures
ont flué tous
rus de photons mutilateurs de fenêtres
et de portes

épiphanie des diaphanes d'ailes
et de paupières
où palpitent des ciels
inconnus des cycles
et de leurs bréviaires

💐

Laconismes

_
tableau

au pied du camaïeu vert
la craie blanche du clocher
dessine le temps sonore

__
douceur nocturne

dans la pâture d'étoiles
profusément
la clarine du ruisseau

__
impulsif

pétales de coquelicot chiffonnés

qui regretta soudain
d'avoir exprimé
le rouge de sa colère
à l'orée des blés d'or ?

__
papillon blanc

le liseron se partage
et floconne
sous la voûte d'azur

__
église

ces flammes de violettes
qui brûlent le vitrail
dans l'ardeur de l'orgue

__
recueillie

au bout de la larme
s'allume un soleil
au pied du vitrail
où le verre devint
sang et contemplation

__
église encore

ovale éblouissant
dans le bois de la porte
supplique du soir

__
pas

à peine une présence de gravier
le passant le long des ogives de verre
disparaît dans le canon des cloches

__
église encore

as-tu vu
la lumière de la rosace brûler
dans le recueillement du cierge
qui s'allume ?

__
clair de lune

disque d'orangé sur le bleu nuit
et l'auberge des cent lampes
bavarde dans des tournoiements d'insectes

__
fenêtre

rose nébuleux
au pied de la croix blanche
partageant le verre

__
gestation

derrière la volute de fumée
couleur de mauve et d'ardoise
que va silhouettant
ce sinueux pointillé de vols ?

__
effusion

morsure de l'aurore
lumière ruisselée
à travers les feuillages tombants

__
semailles de l'aube

dans le sillon
de l'éveil
graines de lumière
à profusion

__
éperdu

bruit de la mer
dans les nocturnes frondaisons
au ciel tant de fanaux

le vivier des rivages
affole ma carène

__
surgissement

moire des blés verts
la rousseur du renard
y fait une île éphémère

__
sonore

clarines dans les pâtures
à l'orée de l'orage
la vallée tintinnabule

__
piétinement

mon ombre
gravillonnée
crépite
sous les pas
du soleil

__
Chopin

le piano
mélancolisait
dans ses flammes nocturnes

__
rencontre

rouge diffus
par intervalles
au milieu du chemin
l'âme des coquelicots en allés

__
blés

bouches de coquelicot
à l'orée de la promesse du pain
qui verdoie

__
complicité

préparatifs de fourmis
sous l'orage des violettes
le passage d'un train
prête un roulement de tonnerre

__
irrésistiblement

cimes
au fort de la nuit
prolongez mes bras
à en étreindre les étoiles

__
la mort au clair de lune

elle avait participé soudain
de cette poudre de diamant
qui dansait dans le ressac

__
douleur

j'entendis l'ombre du tilleul
crier
d'être ainsi foulée
par le pas des hommes

__
fleurs de ciel

ce bouquet
des éclairs
dans le pré mauve
de l'orage

__
renard furtif

soif blonde des blés
cette goutte de cuivre animal
déjà bue

__
instant de conte

lutins espiègles
qui grimpez aux maïs
éclatantes vos chevelures rousses
sous la poussière de pluie

__
étrange feu

incendie des blés
impuissants à ardre
le papier soleil de mes yeux

__
lumière

villas
clocher
éclatants
partage du soleil
entre les languides nuées

__
alcool

ce vide en verre
tu t'abîmes dans les coups
méphistophélétiques

__
alcool encore

matutinale
la flagrance du poison
au geste hyalin

__
infarctus

un éclair cardiaque
à sa lueur soudaine
l'empire menteur

__
résurrection syrienne

l'enfant relevé
le soleil ne savait rien
du bleu de son ombre

__
astronomie de tes cernes

voûte en mon tréfonds
deux lunes y rivettent
leur disque violâtre

__
maison abandonnée

ce carreau brisé
un fantôme et sa détresse
au fort de l'été

__
soir d'hiver

des cimes du crépuscule
un souffle indécelable
neige ses fantômes

__
neige

le vagabond
tient sa route
sous les grands luminaires
qui pulvérisent le monde

__
oraison

au pied des arbres
couverts de neige
l'orangé mystique
du temple

__
mélancolie

longue traversée du cimetière glacé
fracas de mon coeur
à chacun de mes pas

__
idolâtrie

devant la flamme
qui bronze ses doigts
le poète
un instant
devient le dieu qui l'enthousiasme

__
tombe

ce coeur bordeaux
gorgé de pluie
au pied de l'adieu

__
toi

le monde
ce soir
est une bougie
qui fond
et tu danses
dans la flamme

__
moi

cette note
de rouge pétale
dans ton jardin musical

__
souvenir

le vent
s'approche
de cime
en cime
comme un ami cher
qui n'a pas reparu
depuis longtemps

𖧷

Le poème devenu proie


Comme un fauve
l'azur
infiniment bondi
au cri de la persienne

un fauve
l'azur
et soleille l'inassouvi
qui le médaille

et la vitre imagière déjà du souffle
sur l'antilopiné sans sommeil
dont la course
à travers la page de savane
est cet alphabet dérangé
enclin à l'effaçure
autant qu'à la stupeur

💠

Église


Et j'eus soudain besoin de vous
vitraux
qui dominez et cernez les apaisements

qui muez
le rébarbatif soleil
en paraboles polychromes

en assombrissements
fidèles
au coeur patient et vespéral

J'avais soudain besoin de vous
vitraux
qui prenez tant de part à la cendre émue
de la dernière silhouette en prière



Ciels étoilés


cette poussière de diamant
qui raye mon extase
jusqu'aux sillons en pleurs de la boisselée contente


cette délinquance heureuse des étoiles
qui graffite son cri de lait
à la porte de l'infini

🩸

Vol d'oiseaux

dardée par la cime du chêne
cette flèche
aux mille pointes d'argent
aux mille empennes de neige
innocente de la cible



Communion


chaque jour
mais l'heure varie
un homme s'approche des arbres jumeaux
blancs et comme éternels
aux abords de l'église

les yeux fermés
il caresse doucement leur écorce lisse
son coeur empli d'une prière vaste
s'épanche sur l'écho des lèvres
effaçant l'âge qui eût pu être le sien

la folie
lui est attribuée
des anges erronés
avec leurs grandes ailes de dérision
volent tout autour de lui

nul n'aura reçu les pupilles sans appétence
pour voir cette main de sang
serrer la main de sève



𝔸𝕧𝕖𝕔 𝑆𝑖𝑙𝑣𝑒𝑟


𓁹Le recueil des quatre 'mers' dont une édition révisée a été publiée ce matin dans ce même blog est intégralement dédié à Silver et à Michel Conrad. Que soient saluées cette manière d'affectueuse profondeur et l'exceptionnelle fidélité de leurs rencontres avec Loup-de-lune.



Sur le bord de la fenêtre


orient des paupières
confuse bande jumelle
à même l'espace languide de la chambre

ouate frémie d'un rayon
un gris sans morose
ira se prononçant jusqu'au lactescent

y baigne l'anaphore des diaphanes
jaunes bleus orangés carmins
l'alliance d'une oeillade encore
avec les oiseaux des tapissières

dans le croissant incendie de platine
se raffine le geste qui ouvre

ô main de la couleur exacte des choses qui cèdent

pour la transgression des lois de la cendre
toutes les couleurs d'ailes
les imminences du vol nué
confluent
vers le fluide tremblé du rose
où la transparence sacre sa corolle

🩸

Thyrse


des hurlantes farandoleuses qui sacrent l'excès
et enclosent les lacunés de la vengeance
jaillir avec la fraternité de l'éclair
dans la firmamentielle viole

une opiniâtreté de tendreur se dévouant à verdir
parmi la fantasque crête d'angles
jardin d'iguanes où se désabuse un sanctuaire
reçoit l'arme affranchie de la plaie

partourdisseuse lenteur
comme le pampre roule ses spires
son mime galactique
effleurant le bris d'un visage
un impromptu de coupe se désensable

à la colonne obliquée
qu'échancre la morsure foimentie
aspire l'accolade du lierre
et déjà l'aède où claire son feuillage
couvre le poudreux balbutieur de la parole gravée



Passiflore


l'évanouie des négoces
sa grâce célère
passant les centiares s'anonymisant

une tératologie de pervenche
ne sait croître en la roseur immaculée qui nuage

l'escale herbue
ne corrompt d'aucun grappillage
son cinétique gobelin de clair-obscur

la soif n'a pas d'empire
sur les réfléchissements scintillorhéiques

outre-ouranocardie la fortune des pas
à en étoiler l'agenouilloir
où perdre l'exigu des cueillaisons

à travers la limpidité du souffrir
promesse de la chair au retombé de la gaze
les pistils noient leurs clous dans la poussière anémophile
et le tremblé des feuilles graffigne le silence



Complétude


azur minutieux
pierre à aiguiser
les angles de la ville

le silence des repères
la poudre des tours
les oiseaux des ailleurs voleurs de cristallins
pour étincelles

le lendemain s'arroge la coupure
le cher dessein s'épanche
c'est l'innocence des diamants roses
qui coagule

et nulle géométrie ne fabule plus
par-delà le sfumato des montagnes



𝔸𝕧𝕖𝕔 𝑃𝑖𝑔𝑙𝑜𝑜

♡︎

Leucémique errance


jais de ses cheveux indomptables
lys de sa robe impondérable
elle compose avec décision l'horaire et le chemin

encore une traversée de fraîcheurs herbues
un bonheur d'enfoncements légers
parmi pierres et bêtes
pour éteindre la morose ardeur
qui aura vitré l'hôpital

des fondrières de lave bleue
consument le dernier repère
et par son fredon s'égaillent
les phonèmes de l'artifice qui la nomma

sans le tranchant des effusions
offrande du sang qui défaille
du rouge enténébré
par l'esquilleuse craie des astres regrettables

tutélaire
le vent silhouette
comme un frisson-miracle

et renverser son regard
aiguière de la liqueur lucide

l'azur et le vert
que par intervalles
enclosent les arches d'un pont
oublié du transitoire

continûment tombent
et bien après tout le réel
transfixé

continûment filent

allongée sa chair a part au monde
en lequel se ficheront leurs ogives

deux grands pétales
sous l'arbre d'avril
un ange à l'étourdie
l'exquis
de la sieste de ses ailes blanches
où flambe le fantôme du rose

🦢

Passages


dédaléennes
les ruelles
m'auraient vaguée à l'égard d'un bateau

son aussière
si pesamment nattée des absences du large

les échos d'or et de cochenille
dans le désormais de son inaudible nom

le viride de sa coque tailladée
saigne un gravier fauve
dont seul un vrombissant horizon de mégalopole
sait exténuer la ligne flexueuse

de sa grand-voile
une part pétrée fossilise le vent
tandis que le demeurant de toile
drape le bouffon du temps

obliquant
son beaupré va rayant
les barreaux noirs de la grille en chantier

aux mains boucanées des hommes bleus
écoulements
ruissellements d'étincelles
et de navrements

sur le trottoir du passant myriadaire
tombe et s'éteint et se renouvelle
et tombe jusqu'à la moindre étoile
cosmopolite consoeur des nuits traversantes

💮

Transparences


I


d'aquarelle
ou d'éprouvé faisceau d'aurore
ses portraits enceignent la chambre

cette bouche où se neutralisent
le sourire et la nostalgie

ces gemmes noires et fluides du voir

cette dentelle des épaules sable
sous les cheveux de jais prodigue

et titubée la décision
parmi le dégradé de ses âges
elle va de l'enfant
à la femme
de la femme
à l'enfant
toute machinale inculcation du temps
égarée

ses lèvres parfois frémissent
de la syllabe d'un sortilège

fabuleux un paysage de cire encore
dévoue une flamme
à son voyageant regard

ses doigts effleurent les cadres
soupirent après la poussière
son toucher flâne aux angles
la pulpe déférée à l'écorchure


II


après le sûr transpercement
du diaphane de la peau
la lame ira longuement
s'éloignant du poignet
malgré l'incandescent fardeau
de son dernier reflet

ainsi bifurqué le bleu des vaisseaux
mêle l'abandon à l'effusion

le poids pourpre du sang qui s'enfuit
délivre
et déferle les tentures du soir

et les images se brouillent
atteignent au fourmillement
muettes explosions des contingences de cendre

nulle considération sélénienne
nulle jouvence de safran
d'une source de ciel ou de rue
ne sait plus s'y réfléchir

mais dans l'exhalaison de la chandelle épuisée
s'inscrit un souffle encore
la silhouette bruie qui prénomme
un rire de créeur sous le loup des minuits


III


avec son allant de principe
ce matin-là

au tamis des voilages
l'ennui visqueux du sang

et s'épand la transparence d'une lumière rose


un sommeil qu'a bercé la meurtrissure
jusqu'à la carnation des clairvoyances
porte la plume veinulée des paupières

et sur les murs
les visages d'une vie humaine
indéfiniment balancent
entre la chimère
de leur suspension
et la galactique candeur
des rayons qui transhument l'infime



La rose de soie s'allume


météoriques lampes en semis du plafond
car s'y dévouent les rayons
que vont allouant les voilages

si minces leurs arcs
afin de se joindre et d'évincer le cercle de métal
par le cercle de lumière
montrent l'ahan de fluides tendeurs

las de leurs mille élans
après avoir mimé le feu du filament
ils tombent sur le rose de la rose
asile et consolation
dans sa marcescence éludée
et le gracile outremer de son vase
où boire n'a plus part à l'eau des contingences



L'appel


fleurs d'ambre et fleurs de vermeil
s'entrelacent
sur la vapeur bleue des voilages

dans une telle distance du bouquet
s'enfièvre l'imagier des corolles
s'exalte le calligraphe des étamines

parmi la cité bourdonneuse
un hiatus en manière d'oiseau
a dardé son ramage

éveilleur des parfums d'altitude
il traverse
en vain appel

la si mince aile de rose
tout le demeurant du savon
a mué l'essor
en ce coquillage de verre
que paillette un mica d'arc-en-ciel



𝔸𝕧𝕖𝕔 𝑐𝑎𝑖𝑙𝑙𝑜𝑢 𝑐𝑎𝑖𝑙𝑙𝑎𝑠𝑠𝑒



La nuit guérisseuse


le rose et le blanc
ont suspendu leur ruissellement de linge

renversée jusqu'à la trouvaille
une ampoule dégorge dans l'angle

le lavis
enténèbre ses énigmes de cercles et d'arceaux

le verre
qui a étrangé le verre
d'une neige soudaine
abonde
et chaque carreau renonce son inchoation

mais déjà le gris-bleu
a restitué

l'arbrisseau fige ses oiselles
devant l'inexorable éteignement

ce qui safrane à peine les croisures
leur cède sa quiddité de source

une brume faramine
dévore le cyan des divisions

de part et d'autre
d'un corps qui repose
ces épanchements d'ombre
avec ces rus de mauve laine

🌀

Drakkar


à travers les os thésauriseurs
onde et pousse la partance

les angles hissés s'ouatinent
recomposant le carré qu'enfle le soupir abscons

au risque s'épanouissant d'une mer innomée
par les intermittences de l'étonnement
oeuvre l'aiguadier troubadour


les derniers photons vont solfiant
le linceul du sombre serein

en spirales se livre le vague
en parturientes arabesques
où se diapre le témoignage des rémiges

un regard taillé dans le paroxysme du trépas
propose au dragon son foyer gemmal


sa foudre satellise la lyre originelle
et continûment au-delà de leurs formes
les lignes silhouettent le charme explorateur

d'angelicielles ailes
ajourent ses abordescentes verticales

s'étoilent les transparences
dont l'orage lisère l'hémérocalle



Le sagittaire féerique


pour arquer sa balustrade
un balcon
provoque le bleu marine

de leur bondissante récurrence
par-dessus l'étoilement qui sille
des dauphins l'ajourent

enclosent la liqueur nauséeuse
houlée par un corps lacunaire

ravissent
les oiseaux voilagés qui neigeaient leur essor

une nageoire de drap
blessée d'entrebâillure
affirme la plongée

et déjà découpeurs de la vitre
qu'un globe safrane
ils ne s'éteignent pas
ainsi dardés dans l'abysse nocturne



𝔸𝕧𝕖𝕔 𝐹𝑙𝑜𝑟𝑒𝑛𝑡𝑀

🥀

Le peintre apocalyptique


À mon sang
j'eus le pouvoir encore
de dérober le rouge
afin de peindre la dernière rose

Alors nous allâmes elle et moi
au confin du regard et du parfum
nous confondant dans une même marcescence
pendant qu'un dernier vent du sud
gorgé de ma toile fluide encore
glissait comme un jardin sur les ruines fumantes

🎶

Clair de lune


Au paroxysme du déni des fêtes aliénantes
cette solitude que définit l'ahan
tandis que les masques des jours vains
de loin en loin désavoués
envisagent la distance parcourue

Un dernier cri s'éteint piédestal du silence
Elle troque sa simple science
contre l'ombre en croissance
les yeux à l'âme n'impriment plus les mille soifs
et reposent comme des onyx hors de l'écrin des sens
les voyelles s'exhalent de son nom
et vont soupirant pour la voix qui rebaptise
son souffle où loge enfin la pensée
se dissipe en formes hautes et vagues
l'humide reconnaît le sang
le minéral l'os

Elle croit participer de l'herbe et de la roche
depuis les commencements
quand s'allume un carré de safran
qui délinéamente une manière de refuge
et son silence supérieur

Si dense
une note paraît alors
et dans le temps qui l'isole des suivantes
s'épure un désir inconnu au corps ancien

Un esprit doux et sans tristesse
planant au-dessus d'un piano
lentement compose une lune
après l'éternité de nuages

mais elle
elle-même étrenne la naissance
après toutes les années
mues par le fil pusillanime

Et se redresser sous la musique des jouvences
et confier l'air à ses poumons de chrysalide

Bien que le sombre ait ressaisi la lucarne
estompé les lignes ascétiques
épanché dans le songe les mains démiurgiques
la lune pleine désormais
comme une soeur intense
accompagne celle dont le pas déjà bruit
sur le chemin frayé
dans les retours qui poudroient



La jeune passante


L'éclaircie
vole les moroses

et tout à coup
dans l'hymne ruisselé de la ville
sur les barbes lucides
d'une plume perdue
ce pas
gracieux
et complice
à en recomposer l'oiseau
qui préludait au premier ciel



𝔸𝕧𝕖𝕔 𝑌𝑒𝑜𝑠

🏵️

S'éteindre


embué délai
à la fraîcheur vitrée du couchant
l'orangé le soufre le rose
languide noblesse de l'évanouissement
d'écho en écho
le bleu vaste
vers le sombre
et le tressaut qui s'étoile
et jaillissements
veinures noires
l'arborescence hiémale du fruitier
à en irriguer l'apparaissante nuit
les luminaires
échouent
s'esquivent dans le geste malingre
par lequel s'épanchent les rideaux

ainsi quelques pas
trajectoire de l'aigu
afin que se safrane la lampe
planète du sang brûleur
météore de la déprise
les ailes de l'oiseau fier
qui la domine en l'ornant
se ferment d'ombres

et de paupières
le regard
qui oeillade son dernier ciel



Matinales


I


Musique du dernier moment de lune


des vieilles pierres de safran tigré de sombre
s'exhale une voyelle comme météore
candide vélaire et lyrique
pour ajourer le bois brut des alphabets

dans l'orphelinat des batailles
je demeure sans plus d'oraison ni de haro
et les prononçants qui croissent à l'entour
n'ont plus de clair que cette tessiture des aurores


II


Armistice


pour traverser l'ardoise pluviale des prémices
carquois et traits s'arquèrent
dans le poids émerveillé des sept couleurs

et vaguement sagittaire encore
un nuage abandonne la cible
au lilial vivier de sa métamorphose



𝔸𝕧𝕖𝕔 𝑏𝑎𝑐𝑐𝑎𝑙𝑎



La visite


béance
meurtrissure pierreuse
et noire

au saisir du fidèle arrosoir
éprouver à nouveau le poids des enfances

et l'eau va diamantant de sa stérile courbe
le premier solstice de ton absence


Arraché l'accueil
des syllabes qui te nommaient
mais le bleu de leur encre
a poudré le frisson de mes lèvres

saoule de reflets
la mordorure de la poignée lavique
et la clef fascine
à ouvrir ainsi sur ces volumes sourds
le pas s'étonne
à franchir le seuil saisissant d'usure

dans la chambre de nos galaxies
les angles plient la lumière de vanille
où se mue le vivier des ombres

évanouis le mutique tendre
du lit pastel
et les armoires de nos affublements
et le chevet des florilèges
avec l'abat-jour propice
au papier étoile du poème

dans l'espace de mes yeux cillant
ces blancheurs d'hôpital
linges et visages
chemises et draps
flocons secrets du sang
qui vont t'ensommeillant

timbres de nos voix
à nos gestes mêlés
poussière de pigments et de mica

la pulpe de mon doigt sinue
sur les tableaux qu'on a décrochés
pour ce fébrile amoncellement

mais en cette jumelle vigueur
se métamorphose ce qui se souvient
et de leur étalement docte
notre jardin vient à refleurir

passerelles de pollens et d'ailes
sur l'abîme de l'azur

albes sentiers
cordonnets des longues robes tissues de verts
que dissout le repos des charmilles

les corolles déploient
leurs camaïeux de rose et de mauve
dans le vent de jais qui nous échevelle

parmi la roseraie
où la neige et la pourpre s'harmonisent
des effluves de tulle
vêtent encore nos présences mythologiques

où donc ta porte
ton interstice
monde d'huile et d'aquarelle
polychromies ressuscitantes
des journées qui adieusent leur déclin

pure minute
cristallise mon passage
derrière le simulacre d'une démente

oh! mes mains ont glissé
sur l'image des miels
qui repaissent les angles des cadres


Ma supplique devient la coupe de soir
liqueurs soufrées safranées des fenêtres
l'obscur tempo de l'homme s'y grise

la leucémie te silhouette
sa craie va constellant un ciel

ces voix de luminaires
tout voilés d'ailes et de toiles
aux confins de l'instant
j'écoute sans apprendre
les noms des rues qui
du jardin
me distancent

son vieux bassin longtemps blanchoie
de sa pendante larme de pierre



𝔸𝕧𝕖𝕔 𝑥𝑖𝑎𝑜𝑦𝑢𝑙𝑖

🌈

Ors nués


La faim et la quête éperdues de bleuisons
aux confins députées les plus claires
quand même l'harmonie prétériterait étapes et lointains
en faveur de l'imminence un fil a résigné les moissons


Le trésor fut épeuré par la puissance
idéées les mues éreintaient son phosphore naïf
il quit un tréfonds dans ces intermittences
qu'à leurs valeurs concèdent les lilas et les violines


La paille et le soufré qui illimitaient l'enfant
partagent de leur inéteinte ligne le volet
de brun en sang et de sang en incarnat se retisse l'écart
et le passage des ans est persuadé par l'escapade


Jusqu'à la si nette cueillaison de verre
une cathédrale se coalise avec un feu
aliforme s'y prend et le file une soudaineté
à l'aube pollinique des torpides fusains


En la ténuité de la superbe se réunissent
l'évadé des brocarts et l'angle d'arantèle
pour l'ondinélie où elle persiste
les attritions du rose graduent la nuit exspectante


Les céladons des vergers acquis à la taisance
colonnaire y radie l'alchanne des phonèmes
le clair de filet immanent à l'oracle
ne passe pas le préambule que diapre l'ineffable



Le thé de la mer intime


parent de l'abat-jour
qui ne se sera pas éteint
à même les intermittences de la nuit
le thé
se coule
dans la patience transparente d'une tasse

à travers son ambre sobre
où se ramifient les timidités du rose
le papillon qui éploie un coffret laqué
enfle ses ailes

voiles
dont le voyageant parfum
afin qu'infime par infime
se déconsidère le vieux cap
détisse les fastueuses ocelles
sur une étale sans partir
donnée à l'instant clair



𝔸𝕧𝕖𝕔 𝑎𝑚𝑒𝑡ℎ𝑦𝑠𝑡𝑒

☯︎

Arachnéenne


Volets
atteints

traversés

ô syndrome des confiances après une nuit

paillettes et rayons
follets

éphémères
de lueur

surpris
dans l'hyacinthe légère
des rideaux

Une aube
proie
de mon indolence

proie
du songe
insurgé
contre l'intermittence

une aube
proie
des pupilles
qui désapprennent
les au-delà des lambris

proie
des membres
qui désavouent
l'aorte fantôme de Sisyphe

proie
des renonciations sans invectives
aux paraphes qui obligent

Sans plus être le sujet du verbe
tisser une chaude lumière
que perle le serein d'un crépuscule des orgueils

toile rose
des aboulies heureuses
l'essaim métallique des clefs
s'y résigne

cocon de soie
tranquille souffle
le moindre volume
s'y enferme
avec la dernière mesure



𝔸𝕧𝕖𝕔 𝑀𝑖𝑐ℎ𝑒𝑙 𝐶𝑜𝑛𝑟𝑎𝑑


𓁹Le recueil des quatre 'mers' dont une édition révisée a été publiée ce matin dans ce même blog est intégralement dédié à Michel Conrad et à Silver. Que soient saluées cette manière d'affectueuse profondeur et l'exceptionnelle fidélité de leurs rencontres avec Loup-de-lune.



Un hiver en tercets


Voilages
éberlués oiseleurs
d'une neige rémige


Notre sibylle en flocon
rémittentes tesselles
de l'essor rebroussé


À travers la serpente de brume
une aquatinte vitale
délinée l'intermède des aubiers



La métamorphose des deux moitiés de l'anneau brisé


de l'élan qu'inférèrent
les funérailles de ses épeurements
elle irait se défublant
le long de la seconde démaillée

devant l'ineffable toponymique
s'exsanguinent les moyeux

adieusé le diablant poumoneur
dissémine le poudroiement des bornes

un croissant sillé par le premier enfant de craie
épanche le bleu
qui rien ne comble
ni ne naufrage

et parmi le rapiècement des pâtis
au-dessous des profilés
où s'acière le soliflore de la rose des vents
une arcure gîte la muabilité des soirs



Vernale


avec sa cambriole d'incarnat
s'enfuit la neige féline

l'instant désaliéné
va roborant l'escapade

cette convalescence d'un sud
dans la reverdie pétillée
où le bris considère

le prélude à la corolle
aune le pas d'effaçure

et susciteur des mille ajours
ondoie le soufré des lisières



𝔸𝕧𝕖𝕔 𝑀. 𝑑𝑒 𝑆𝑎𝑖𝑛𝑡-𝑀𝑖𝑐ℎ𝑒𝑙

💠

Église nouvelle


Otages
du soir qui bruine
les vitraux vont cendrant leurs anges polychromes

Titubante
une vieille femme
après un temps comme un siècle
s'éloigne de l'étagement des feux épars
qui frissonnent au pied d'une madone
elle se retourne une dernière fois
d'un air de pardonner à l'apathie du bois
elle incline le vague lunaire de son visage
sur sa vêture noire
et y résorbe les lignes de ses mains jointes
De sa répétitive prière
il reste quelques chuintantes d'or
qui s'accrochent au tabernacle
aux huiles peintres des calvaires

Demain
après mon voyage
à travers l'hôpital des lumières languides
je serai
sur les éminences de l'aube
par ma veine la plus bleue
rayon parmi les rayons premiers
pour raviver la sollicitude
dont les excellences de verre
entourent
les tristes de cristal

☀︎︎

Le verrier


Au milieu de la table entre les mains inertes
avoir pleuré des nuits enfle un morceau de verre
à travers lequel jusqu'au lilas du parfum
transparaît celle qu'il navra
et dont la détresse s'est ceinte de rochers

Car son art fulgurait au plus fort des mémoires
et l'oeuvre sacrée portait l'homme défait
On vint le conjurer de rêver un vitrail
qui dominant la nef saurait éterniser
de la martyre du lieu l'exemplaire assurance

Les pigments scrupuleux partagent le remords
un pinceau lapidaire illimite la sensation d'absence
puis jusqu'au souffle
il rend le visage
avec les yeux de jais qui regardent un dieu
il peint l'effusion de la tunique blanche
entre le flagellateur et le lion

Et chacun s'amuse ou s'émeut
de ce ton fraternel ou familier
quand tout gesticulant il parle à la sainte que
rallume désormais le soleil des aurores
et qui chamarre la pierre des piliers
de ses brisements versicolores

☯︎

Les baguenaudeuses


I


Aviaire


le verre a musiqué
sous le pas élusif

à mi-pente de fièvre
depuis la brisure éveillée
s'aile le multiplicande

toits de délitescences
oiseleurs volutés

un inespoir mordoré
détrousse l'habitude
du timbre de sa voix

orphelin du péremptoire
le temps s'interloque

et ces mouvantes figures d'un ciel insaisi
soudain se renonçant
en l'humblesse de la ligne de cendre


II


Cycnéenne


opulence des lisières
elle affleure diaphane
à vos portes d'aubiers

en la turbulence des possibles
s'étranger du myocarde

le demi-mensonge de la louve soeur
a crû parmi la carence des fusains
et féconde le délai frêle

les carmins exsangues
épuisent la fluence des minutes

et ces ramilles amoncelées
qu'enneige l'inattendu
crayère des nages étourdisseuses de sombreur


III


Claire

d'un demi-exode encore
le fond des bois larmés
et partout sur la braise
soudaine des mousses
aux confins d'un geste diamantifère
pétille l'augure consolateur



merci merci merci

 

je collecte...

 

(voir 2/2)

« Son art :

son acuité

dédiée à l'expérience

de la Vie

avec son âme somptueuse

d'une  exigence

rare

pour l'Ouvert

de la beauté


hasia

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