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Les Diaphanes

Posté par Loup-de-lune, 11 mars 2022 · 856 visite(s)

Les Diaphanes En manière de macle














Anaïs



Les arêtes de l'hôpital
leurs flous reliquats
leurs évagations

Anaïs devient archane

les pas
qu'il lui reste
traversent l'hémi-nuit


alors s'étendre
et jusqu'aux entrailles
la recouvre la cendre du linge
qui eût à tierce recommencé à sécher son corps

le bestiaire sparsile de l'orée lui est un sommeil

luire entre les fûts insoupçonnables
et rayonner converge vers la témérité du myocarde

non plus se lever... translater
en orient le dernier aplomb humain

à la branche
qui la passe d'une fasce d'éclat
elle append le tissu des exécutions

afin que la seule cloison de sa sépulture infinitive

fût cette aube turquoise





Clarisse



D'albes fils, imperceptibles coulures d'oreilles, instillaient en mon esprit le premier mouvement d'une sonate.


Clair de lune.

 

Et la musique allait ailant mes pensées, au lieu que je fusse convaincue de traverser une ville.

 

Elle avait de plus en plus d'empire sur les constructions qui épaississaient jusques aux amauroses le connu de ma déambulation - immeubles, maisons, boutiques, tavernes, cathédrale -

 

De même qu'un métal peut être porté à incandescence par une chaleur intense, de même le ravissement de la musique les portait à diaphanéité.

 

Les portes et les fenêtres s'étaient évaporées. Les façades se décontenançaient par degrés pour se muer en de très minces feuilles hyalines. Les arêtes et les angles maintenaient des lignes minimales, ennuagées d'une indéfinissable couleur où toutefois se filigranait le cyan.

 

Et je pouvais percevoir une lumière, étrangère à l'étoile aussi bien qu'à la lampe, infiniment émerveillante et véritable de son désir de chemin, tout grain cardinal compromis, tout horizon transgressé.

 

Chaque note du piano virtuose faisait ondoyer les lignes en proportion de son ampleur. Il devint manifeste qu'à partir d'un certain volume sonore elles se seraient évanouies...

 

Mieux encore, il était clair, il était incoercible que la musique, émouvant, éclatant, exaltant relais des géométries fourbues, irait subrogeant la ville tout entière où, dès lors, le pas subtil, la cheville étincelée, j'aurais, affranchie des saturnales harasseuses, des vieux spleens, des repères qui étriquent, et de la destination inexorablement recommençante, atteint à l'absolu des escapades.





Arielle pentapétale



l

pour lacuner la route

d'une inlassable étoile vitesses
et passages annuler

luit la trouée soudaine du connu

ces six pas
dardés par le trottoir
cet agenouillement
parmi l'exponentielle avanie

main et rupture
convergent vers l'éclat
où du rose ira en précisant du verre


ll

qu'importe le circonvoisinant
jeux brisés et fades effrois

quand désapparié
impuissant à sombrer son oblique dans les herbes
paraît un soulier d'enfant

son injonction de laine à saisir
la couleur progressive


lll

la cache
aux confins des absences d'eau
dans un presque clos

il reste une aube
et c'est gésir

et c'est allumer anguleuse
de la paume se levant
toute cette façon de gemme

soit atteint le sang


lV

derrière la robe de la fille qui
lente approche
déjà l'effusion
a nuancé le rouge

à sa fixité
puise l'agonie

les yeux s'échangent


V

il n'est qu'un geste
recueillir le fragment

un corollaire du geste
essuyer
puisqu'il déroge à la meurtrissure

et comme elle réunit désormais son regard à cette optique
six pas sont légués
à son éloignement

au travers un monde est trouvé
où rosir a supplanté la larme





Stéphanie



Il lui est encore accordé
un pampre de pouls

accourcissant l'errance
alors que les secouements de sa chevelure flavescent
elle pénètre un village
jusqu'à ce que cette chambre d'hôtel l'enclose

une oblique poudroie
afin que la clef se dissolve

elle abhorre les truismes des voilages
dont elle effondre les fuseaux

pour les suppléer
elle s'empare du linge
un quadrangle
parmi les étoiles liliales du couvre-lit

au déploiement apothéotique
il apparaît que leur lymphe parme effuse

l'album de sa vie réunirait les photographies
qu'inféode cette lumière-là

cette source
qui ne peut plus être visitée
dans le battement limbique
qu'il reste


le mélodique charme de se dénuder

telle une veine d'or
le bracelet s'enfuit
à travers la lenteur

Stéphanie effleure du visage la thermie informe

puis à gésir
s'offre parmi les étoiles légères

à l'instant du systaltique finale
glisse la fenêtre improvisée

et le corps
jusques au sein tu
devient gisant d'albâtre





Cassandra



enfin
sur la table transparente
elle a déchiré le filet mince
regardé rouler
s'alentir
se figer les oranges

son dernier semis de perles
gravé sur les carreaux
la pluie se tait

calmée
l'haleine
filigrane
la pénombre

hurlée de la lampe
son jour qui bluffe

elle attend les mains moins disparues
calligraphes des partages de jadis
encres broyées sur la source du poème
pour écorcer les fruits d'ombre
qui parsèment le tapis couleur de paille


après le sommeil et ses saccades
allumement des oranges
avec l'or qui nomme les florilèges
les jus cèdent aux aurores

le tranchant
qui rayonne l'arôme descellé
s'irréalise à ces soleils propices

et ce n'est pas s'éteindre
ce continu sillage du luire
océan du mur
récif de l'angle
périssoire de l'aquarelle
où se rose encore ta jeunesse


et cette heure
qui fiche des aiguilles coureuses
dans la mire de l'éternité
réfléchissement des oranges
dans le profond de la table
spectrale cueillette
pour le sang devenu spéculaire


ce qui repose comme demain
à l'intérieur des paniers tressés
sur les sommets inatteignables des armoires muséales

oiseaux des premiers ciels
échos des blés d'enfants
baies à même l'émeraude plurielle des évadés
gestes parmi la vigueur dévouée
aux gibiers du jardin

sur ces passerelles exquisément arquées
en lesquelles se sont muées leurs anses

voyez-la traverseresse de ses dernières faims





Roseline



le souffle oiseleur des pensées
quelle autorité échoit à la lucarne !

ses angles regorgent d'évocations

le frappeur et la minute
en opportunes maladresses afin de tout épandre

ces voyages d'encre à même le cyan
leurs subtiles rencontres
ont favorisé la façon rameuse

preste une croyance
sait désemparer les yeux

cette créature de vêpre
où se quintessencient les robustesses
décache l'agent des rayons

à une distance si heureuse
du verre qui n'eût qu'étanché
et encore promu l'approximation
le rose allumé considère





Marianne



À ce point de l'épilogue de la flânerie bucolique
Marianne a fixé les yeux sur l'ombre
du drapeau qui est la proie du vent

c'est au pied de la fontaine léonine
dont l'ocre de la pierre
laisse sourdre un clair arqué

à maintes reprises
elle en emplit la conjointure de ses mains

et s'en délouve

 
à peine la porte de la chambre franchie
on la gourmande
de ce qu'elle module de la sorte le temps

elle a ri en s'élançant vers le bain
où lyser les dernières heures strictes

 
nue et mouillée
son émaciation s'est figée devant la fenêtre

étrangère aux métaboles du jour
c'est juste toute la ville qui arde

 
alors que l'on déploie un linge vaste
à travers lequel la consomption
se mue en bleu pastel qui flamboie
elle ne veut pas d'autre vêture
ni aucune autre contingence d'aube

 
et la voici
dans les rhombes dédaléens du tapis
souffle et systole en exil qui poudroie

une diagonale de sang née de ses lèvres
se tait dans la gorge de lys

puis va rutilant d'un pli
à l'autre de son emmaillotement





Annabelle



distributive et bleu de nuit
couleur des chronométries anémiées 

et ce lent évanouissement 
qui safrane la sentinelle 

parfois tout à cette définition 
qui sacre le bibelot
des silhouettes tutélaires
gracient le tamaya

du poids des ailes 
s'effeuille le navrant vitalisme 

lignes et bandes par myriades
vivier de la verticale et de l'horizontale 
des insistances comme des sources 

de sa luneuse angéiologie 
le sang s'exile
pour se relier au noir
par-delà folklore et symbole 

je suis ce legs à
sa métamorphose en l'encre
qui carrelle les transparences incunables





Raphaëlle



En fauve
en flavescence où par intermittence
paraît l'irisage errant
la lumière de la nette après-midi
cascatelle sur les mirabelles
qui dans leurs consécrations de vannière
adorent le rassasiement

depuis de longues minutes
les yeux clos
la saillie des genoux
oedématiée par les poings
Raphaëlle est assise sur le lit
à côté du linge qu'a déposé
l'infirmière numineuse des aurores

le rose pâle colore toutes ses images de vaillance


avec une foi de boîte fée
ses mains l'ont saisi
pour le déplier

pour qu'il aoûte devant la croisée

que son coeur grandissant soit limbé par des allumements


le soupir pour la nudité
aux fins d'en emmitoufler
les amoindriements médullaires





Le triptyque de Xiaoyuli



1️⃣

d'aquarelle
ou d'éprouvé faisceau d'aurore
ses portraits enceignent la chambre

cette bouche où se neutralisent
le sourire et la nostalgie

ces gemmes noires et fluides du voir

cette dentelle des épaules sable
sous les cheveux de jais prodigue

et titubée la décision
parmi le dégradé de ses âges
elle va de l'enfant
à la femme
de la femme
à l'enfant
toute machinale inculcation du temps
égarée

ses lèvres parfois frémissent
de la syllabe d'un sortilège

fabuleux un paysage de cire encore
dévoue une flamme
à son voyageant regard

ses doigts effleurent les cadres
soupirent après la poussière
son toucher flâne aux angles
la pulpe déférée à l'écorchure


2️⃣

après le sûr transpercement
du diaphane de la peau
la lame ira longuement
s'éloignant du poignet
malgré l'incandescent fardeau
de son dernier reflet

ainsi bifurqué le bleu des vaisseaux
mêle l'abandon à l'effusion

le poids pourpre du sang qui s'enfuit
délivre
et déferle les tentures du soir

et les images se brouillent
atteignent au fourmillement
muettes explosions des contingences de cendre

nulle considération sélénienne
nulle jouvence de safran
d'une source de ciel ou de rue
ne sait plus s'y réfléchir

mais dans l'exhalaison de la chandelle épuisée
s'inscrit un souffle encore
la silhouette bruie qui prénomme
un rire de créeur sous le loup des minuits


3️⃣

avec son allant de principe
ce matin-là

au tamis des voilages
l'ennui visqueux du sang

et s'épand la transparence d'une lumière rose


un sommeil qu'a bercé la meurtrissure
jusqu'à la carnation des clairvoyances
porte la plume veinulée des paupières

et sur les murs
les visages d'une vie humaine
indéfiniment balancent
entre la chimère
de leur suspension
et la galactique candeur
des rayons qui transhument l'infime





Vanessa



la poignée
en dépit de son brandissement lacté
dissoute
dans l'ombre téméraire

une liqueur de bleu diaphane
gorge les carreaux

ramures du reverdir orpailleur
ivresse des dehors

et ne demeure au verre
que le malingre embuement
de la désenchanteresse

qu'un vieux noir de cadre
ses lignes se croisant
ses angles démultipliés
pour sa prétention au terme

puisqu'il arrive que le vent
et la pause de l'oiseau de moire
concernent le tamaya
qui visite l'aquarelle
et qu'arque la sanguine

prestidigitatrice détresse
et la transparence est ce va-et-vient
d'un sentiment de ciel





Daphnée



foudre platine 
sur le fol hyalin
pour muer la brisure 
en dendrite noëlle

versicolore anthologie du jour métabolique 
sa capillarité émonde la contemplation 
et congédie le porphyrocyané lacis des vaisseaux 

outreretour et transapôtre 
le myocarde chemineau

et le liquide désapprend la viscosité 
en compliciant l'ulysse leuçalgique

à même la jachère des alcools
des chemins germinent leur pas lucide 
là où la soif émancipée de l'araire 
afin qu'abonde-aure le saisonneur
disjoignit de pellucide en pellucide
ses commissures jusqu'à la transparence





Extrait de « Leucémique errance & Autres Poèmes de Loup-de-lune 月狼 » par LIU Bizheng 劉 碧峥, Éditions d'Autre Part & Leukaima, Fribourg, Neuchâtel, Genève (Suisse), Zhoushan Zhejiang 舟山 浙江 (Chine 中国), 2022 二千〇二十二 (printemps 春天). Tous droits réservés.



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