Le petit ange

Aujourd’hui, je ne me suis pas levé du lit.
Je suis reste couché, sans bouger, très longtemps,
Dans un drap de lin froid, un drap froid et tout blanc,
Au fond d’un lit tout noir et un peu trop petit.

J’ai entendu des gens marcher autour de moi,
Clac-clacs de talons hauts, tap-taps de mocassins ;
J’entendais mes parents, des amis, des voisins,
Et puis un vieux monsieur qui parlait de la foi.

Il parlait de Jésus, ce vieux monsieur Mompert,
Du Ciel et du Bon Dieu, et puis de moi aussi,
Il disait que j’irai là-haut, au paradis,
Et que j’échapperais aux tourments de l’enfer.

C’était exactement ce que disait Maman,
Que si j’étais gentil j’irai voir le Bon Dieu,
Que je serais un ange au milieu du ciel bleu,
Et que c’est en enfer qu’iraient tous les méchants.

Mais alors, si j’y vais, là-haut, au paradis,
C’est que je suis mourru ? Mais c’est pas juste, ça !
Les gens qui sont mourrus, ils sont plus vieux que ça !
Moi je peux pas mourir, je suis encor petit !

En vrai, d’être mourru, moi, ça m’est bien égal !
Car j’ai été gentil, et ma Maman m’a dit
Que si j’étais gentil j’irai au paradis !
Et j’ai été bien sage, j’ai jamais fais de mal !

Alors j’irai au ciel, j’aurai un rond doré
Au-dessus de ma tête, et j’aurai sur mon dos
Deux ailes blanches pour pouvoir jouer aux oiseaux,
Et je serai un ange et je pourrai voler !

Alors ça y est, je suis mourru, tout est fini
Je suis prêt à monter tout là-haut, et j’attends.
Oui mais j’attends déjà depuis très, très longtemps…
Maman, ma maman, tu m’as pas menti, hein, dis ?