Nouveau-né
Tes yeux glissent sans but sur les ombres du temps,
Tes mains tressent le monde au rythme de ton sang.
Tu réveilles la vie avec ta voix cassée,
Un enfant, un vieillard toujours recommencé.
Sur tes veines si bleues j’ai déposé mes lèvres,
C’était doux, un baiser d’écume sur la grève.
D’où viens-tu ? De quel astre antique ou flamboyant ?
De quel enfer pavé de nos désirs brûlants ?
De quel vert paradis où ce vieillard surpris
Par la mort se demande avec des yeux meurtris
Si c’est hier ou demain qui enfonce sa porte
Balayant ses regrets comme des feuilles mortes ?
Lorsque la nuit se fond sous mes paupières closes,
Dans le triste hôpital qui se métamorphose,
J’entends surgir de toi un chœur vibrant de voix
S’échappant de l’oubli comme un grand cri d’effroi,
Se frayant un chemin dans ma mémoire d’homme
Pour transmettre un message aux vivants que nous sommes.
Mais quand j’ouvre les yeux le front couvert de sueur,
Dans le petit berceau qui m’a volé ton cœur
Je ne vois qu’un bébé qui s’agite et qui pleure.