A l'aube du monde, à son commencement,
les nombres étaient là qui n'étaient pas méchants.
Ne pesaient , ne mesuraient pas, ne comptaient rien,
ils se suivaient tous gentiment, les bons enfants
de l'Astronome, libres du temps musicien,
du métronome et s'en allaient sans aléa,
tout bonnement là où personne jamais ne va.
Les éléments pour un instant étaient cléments
Un homme qui jouissait du luxe de l'ennui
cherchait à tuer le temps pour se sentir en vie.
Il eut pu savourer la magie du moment,
il préféra faire son malin, de l'esprit,
combien surpris de pouvoir ne penser qu'à lui !
Alors les brebis entrèrent dans sa rêverie,
prirent le gîte et couvert au cœur de sa raison
et je ne sais pourquoi, encore moins pour qui,
notre berger se mit à compter les moutons.
L'harmonie des sphères doucement l'envahit.
Les nombres ainsi flattés pressentirent l'infini.
Le pâtre dont la tête à l'expansion limitée
menaçait d'imploser, crut pouvoir arrêter
la crue des nombres, l'inexorable montée,
en traçant un cercle, pour la faire chuter.
De ce vide parfait, les nombres en campagne
se firent compères et notre homme des montagnes
se perdit dans son piège en créant le héros :
Lui, que les chiffres nommèrent sans prétention
l'Unique, le zéro,offrant l'Infini à l'imagination !
Notre apprenti sorcier, pris dans le tourbillon
comme les médecins qui saignaient leur patient
voulut en béotien semer la division,
de son couteau, décimer les nombres fuyants.
En une fraction d' instant, les voici des millions
s’empiffrant des nouvelles infimes portions
s'enivrant des sommets comme des profondeurs
virant vers l'infini en toute dimension,
un cancer se nourrissant de sa propre ardeur.
Les voilà qui se glissent dans le moindre interstice,
emplissent la place de l'âme à l'estomac,
du corps au portefeuille et jusqu'au pancréas !
Délaissant seulement dans leur monde factice
le cœur et sa raison beaucoup trop excentrique.
Le fier berger en extase métaphysique
sentit la présence du loup de la finance
longtemps après que lui et sa douce folie
servirent à remplir la panse de la bête,
rien n'est plus délicieux que bonne intelligence
Les moutons trop contents de n'être de la fête
avaient soufflé au loup l'idée de son repas
provoqué de l'oisif candide, le trépas
Le répit des bèlants fut de très court instant
Ils font maintenant le service et le plat
aux appétits infâmes, ont livré du monde
l'ordonnance, abandonnant leur âme et leur science.