Antoine Wauters, qui rencontre un beau succès avec son livre Nos Mères, publie un livre de poésie aux éditions Cheyne, Sylvia.
Maintenant lâun et lâautre, toi et toi, égaux
rendus au minéral et à la forme simple
dâun trou à lâossuaire. Tranchée comme du
cimetière où vous tombez, où vous restez,
par la pierre, en la joie de la pierre.
Avec le lait, la bave, la boue de consolation â
ce qui parle â tu me viens par Ariel, Sylvia. Ou
par, en lâespace de ma vie sans vous et à fleur
de tes mots, par ça que tu plantes, tu déverses,
tu jettes de toi en ma bouche â tes gouffres,
ton histoire de souffrance depuis petite fille
seule. Ariel comme écho à cela, comme voix
née en la mienne, dâune souffrance plus grande
que souffrance. Et je devais, Sylvia, ta langue
lâengloutir.
Une trentième, une quarante et unième fois
depuis le vide que vous laissez béant, la cendre
vient. Me lécher. Comme seconde bouche,
chair de mémoire ou lambeaux de vous en
moi. La cendre qui se veut voir elle, en lâortie
et le pin et tout ce que je touche, chez vous, de
vous : vos meubles, lâévier, le vieux col froid
piqué de crasse marronnasse de vos chemises
lâété, le sucre impalpable de vos doigts aux
carreaux, tout à la fin, quand ils éclatent.
[...]
Et la vie ne se souvient pas, tu dis, ma vie
sâécrit pour sâéprouver elle, comme clarté,
comme calme, rendu à elle. Nouvelle manière
dâêtre heureuse, tu dis que lâécriture peut, dâun
pôle des bronches à lâautre, en lâespace du
mot pôle et bronche, faire passer de la jachère
au plein jeu de chaleur. Au blanc lacté. A la
mamelle dâoù expirer viendrait un jour et
repartirait le lendemain. Nous laissant vivre.
Nous laissant. Nous.
Antoine Wauters, Sylvia, collection Grands fonds, Cheyne éditeur, 2014, pp. 14-16 et 21
bio-bibliographie dâAntoine Wauters
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