Dérive de bleu sur un feuillet d'Iroise,
sous des lueurs nacrées, fin d'après-midi morne,
page après page le bateau tangue ;
le vent s'est refusé à nous.
Fantaisie du Fromveur babillant nous égaie
au gré de ses ardeurs - errance de récif,
impudence de roche ambrée, noire,
faible fierté des hommes.
Lentement l'horizon s'abreuve de lumière.
Ce qu'il en reste pleure sur nos voiles étarquées.
Le crépuscule soupire en volutes sur la mer.
Tout est calme, figé.
Et soudain le silence s'arrache à nos mains :
long hululement d'une corne de brume,
frisson des safrans dans leur écrin d'écume.
Dans son regard une ombre.
Sur le front du veilleur la nuit a pris son quart,
entre ses doigts l'écoute fredonne un chant d'ailleurs.
Il sait qu'à son amure dans le repli des vagues
ou aux lèvres des raz navigue la mort.
Psalmodie dans un souffle.
Accostera-t-elle ?
Son corps vibre à la nuit...
et au large Ouessant.
La bruine tombe comme un songe,
au loin glapissent les brisants.
L'air et l'eau simplement se confondent -
étoffe primitive. Il reste calme et droit.
Et debout sur le pont elle offre aux ténèbres
des pétales,
au veilleur sa prière profane -
serment d'améthyste.