Le phare
Le phare s'allume,
S'éteint et s'allume.
C'est un fort de brume
Que mouille l'écume.
Et cet insoluble,
Le néant l'affuble
D'ombres, d'aurores australes,
Antarctiques, glaciales.
Un certain sort nimbe
Les obscures limbes
D'un verdâtre trouble,
Sous des strates doubles,
Fluorescentes eaux
Que réfractent les flots.
Près d'un glacier brut,
Se façonne une butte
De givre et de fer
Que recrache la mer.
La pleine lune adule
L'étrange monticule
D'une lueur de plomb.
« Mais comment peut-on,
Aux enfers de givre,
Au naufrage survivre ? »
Susurre-t-elle, coite,
À la plaine en ouate
Où gît un jeune mousse.
Enneigé, il tousse
Le sang, la maladie,
Ses souhaits d'Arcadie,
Son misérable sort.
Il maudit le port
D'où appareillèrent
Ses rêves et prières
De voir de vierges mondes.
À présent il sonde,
Tel un creux bouchon,
Le plat moribond
De la planisphère.
Mais que peut-il faire
Face aux stridents airs
Qui poinçonnent sa chair,
En nuit délétère,
Quand sans cesse opère
Borée sa colère ?
Soudé à une vergue,
Salivent les icebergs,
Saigne le jouvenceau.
La peau en morceaux,
La sève crispe l'écorce,
Le navire s'écorche,
Sous ses yeux de verre.
« Adieu drakkar de fer,
Feu espoir de terre,
Fin mets pour la mer
Dont suis-je le grouillot.
Adieu ô vaisseau
De mon infortune.
Pardonne le pauvre sot
Qui, d'âme opportune,
Le zèle au galop,
Par soif de fortune
Jusqu'à l'épiderme,
Préféra les eaux
À la terre ferme ».
Le phare s'allume,
Soudain, se consume.
FIN ALTERNATIVE
Pardonne le pauvre sot
Qui, d'âme opportune,
Le zèle au galop,
Sans noblesse aucune,
Tua les matelots,
À coup de marteau !
Des langues communes
Vibrèrent à propos
De précieuses runes
Mon cupide ego,
Des conques et des dunes
D'or, pierres indigos...
Je n'en voulais qu'une,
Ils la jugèrent trop.
Par les cieux, la lune !
Je suis capitaine !
Voici mon bateau
De glace, mon domaine !
Pauvre vécus-je aux plaines,
Mourrai riche dans l'eau ! ».
Le phare s'allume,
Soudain, se consume.
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