Dialogue 8
"Je meurs de faim.
- Tu meurs de fin ?
- Oui.
- On a tous une fin, mais je pense que la tienne n'est pas encore venue. Tu m'as plutôt l'air en bonne santé.
- De quelle faim tu parles ?
- Aucune. On ne sait pas ce qu'il y a après la fin.
- Après la faim il y a la famine.
- C'est aussi une forme de fin en soi.
- Enfin bon tu n'aurais pas quelque chose à manger quoi ?
- Ah mais si bien sûr ! Il fallait le dire avant. J'ai failli entamer mon dernier sandwiche.
- On va rester là longtemps à mendier ?
- Mais on ne mendie pas.
- On dirait.
- Ah bon ?
- Regarde la boîte de conserve que tu viens de finir ! Elle gît par terre. Et nos habits de manants alors !
- Cela ne sert à rien de s'habiller chic pour discuter.
- De toutes façons tu n'as pas d'habits qui font habillé.
- Je fais déshabillé ?
- Non c'est une expression...
- Je parie que le prochain passant est pour nous si je lui fais les yeux doux.
- Comment ça ?
- Regarde."
Fais les yeux doux. Quelque chose tombe dans la boîte de conserve dans un cliquetis métallique.
"C'est magique !
- C'est l'art de mendier.
- C'est un travail à plein temps ?
- Pour ceux qui n'ont pas le choix oui.
- On peut continuer ?
- Oui. Tu as juste à faire semblant d'avoir froid et de regarder tristement les passants.
- Pourquoi tristement ?
- Parce que.
- On obtient plus de choses avec le sourire non ?
- Oui mais là tu es malheureux car tu n'as pas d'argent.
- Non je ne suis pas malheureux car j'en ai un petit peu.
- Bon, de toute façon, l'argent que l'on récupérera on ira le donner aux vrais mendiants.
- Il y en a des faux ?
- Ben oui ! Nous par exemple.
- On le fait bien pourtant.
- Oui mais l'on n'est pas dans le besoin. Les vrais mendiants sont ceux qui ont réellement besoin qu'on leur donne de l'argent pour vivre. Mais malheureusement il y a de vrais mendiants qui dépensent leur argent dans l'alcool ou les cigarettes.
- Comment les repérer ?
- On ne peut pas vraiment à moins de faire leur connaissance ou alors de regarder s'ils ont une bouteille ou un paquet de cigarettes à côté d'eux.
- Pourquoi ils ne travaillent pas ?
- Soit parce qu'ils sont trop faibles, soit parce qu'ils ne trouvent pas de travail qui leur conviennent ou qu'ils n'en ont simplement pas envie.
- Regarde moi ça toutes ces crottes de chiens et ces fientes de moineaux ! Ils devraient recruter des personnes pour ramasser des crottes.
- Celui-là est un vrai fainéant.
- Hein ?
- Le mendiant là. Je le connais bien. Il passe sa journée à mendier et à s'acheter de quoi se saouler. Mais... Que fais-tu ?
- Je reviens."
Quelques minutes plus tard les deux amis se retrouvent enfin sur le même banc.
"Mais qu'as-tu donc fait ? Je t'ai vu lui parler et il s'en est allé par la suite. Explique-toi en vitesse.
- Eh bien je me suis pris pour un vulgaire employé de la mairie et lui ai fait croire que le président de la république allait passer dans notre ville et que la mairie lui proposait de ramasser toutes les crottes de chien de la ville contre cinq mois de salaire.
- Tu es excellemment ignoble ! Bravo !
- Tu crois qu'il va les ramasser à la main ?
- Ce serait le comble !"