Aux confins du soir
vient l’heure tardive et ses brumes propices.
Le monde se tait.
La conversation des étoiles,
imperceptible chuchotement étouffé par l’épaisseur des murs
amplifie le silence des constellations.
Il se livre alors sans retenue
dans la profondeur d’un moelleux fauteuil,
à une absolue et bénéfique inactivité.
La torpeur s’installe,
s’intensifie
et bientôt un léger vertige l’invite à basculer de son socle vigilant.
Il entend bien le malaise et les protestations
de son dehors stratifié de préventions ancestrales fossilisées par le temps.
Mais non, bizarrement ce soir-là, non
il n’essaye même pas de secouer la tête
et se laisse glisser.
Il entame une lente plongée dans son dedans.
Les plaintes de sa jointure s’éloignent,
reviennent à la charge
puis s’atténuent
et finalement s’éteignent.
Il se sent presque séparé de son dehors,
comme exempté de sa carcérale cuirasse.
D’ordinaire si rigoureux, si méticuleusement ponctuel,
le temps se mue en une matière improbable et élastique.
Chaque instant semble apte à rassembler la conscience d’une heure, d’un siècle.
Il commence à percevoir une étrange présence,
inhabituelle et pourtant si familière.
Il ne le sait pas,
mais il est en compagnie de tous les possibles de son être.
Au loin, il devine avec peine la vacillante lueur d’une petite flamme.
La descente s’accélère,
la lueur se fait plus précise,
la flamme grandit,
semble se multiplier
et soudain,
alors qu’il sent approcher la plénitude d’une immensité,
son dehors le réintègre dans un brutal sursaut.
Hébété,
il essaye en vain de retenir cette sensation de proximité d’un absolu.
Elle s’évapore dans le réveil de ses muscles engourdis.
Saisi par le froid,
perdu dans les heures,
il se traîne jusqu’à son lit
et rumine la déception
qui se dissout dans un rêve.