Silence d’or et cri de plomb
« Very noise about nothing… »
W.SHAKESPEARE
«… Toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien »
J.RACINE
Au mauvais lecteur qui lit sans revers
« Vous qui lisez trop vite et de travers ! »
Alors adieu plaisirs des vers !
Ainsi qu’aux mortes âmes du Léthé
Dormantes –l’œil morne et vide –
Puissent-elles dés l’été
Se délecter de ces beaux vers d’Ovide
L e repère d ’ un leurre environné de bruits
D’échos lointains et lourds tombant comme des fruits
Secs ! Morte saison ! Mois de mes secrètes plaintes,
Bordé des vents creusés au doré de mes plinthes,
A craint d'une lueur de ce crane rusé
Que je ne sorte voir contre ton mur usé
D’où provenait ce cri ! Qui croyait sans me craindre,
Insoucieux de mon gré, se plaire à pleurer, geindre,
Se plaindre –et pire !– oser périr de mes douleurs ?
Douleurs de jais peut être … Etrangère à des pleurs
La neige n’y prêtait qu’une douleur moins tendre
Car la puissance lente est lasse de m’entendre
« Qu’ une femme aussitôt , le visage défait,
Apparaisse vaincue et sans le moindre effet ! »
Toi , l’éclat qui repose à peine près des rives,
Tu sonnes, rose, un glas, ce glas que tu dérives
Car imitant ma lyre !
Ô rires doux d’ enfants !
Vois-je luire, abreuvoir, au lieux d’élégants faons,
Le carmin d’une joue et l’essaim qu’une femme
A cousu de ses seins ? Etant nu je l’affame
De charme et de caresse, ô si chaste pourtant,
-si chaste étant ma chair, mon cœur chéris par tant !-
Mon cœur murit encor, ma voix se voile et mue…
Femme aux seins m’affolant qu’elle remue émue
Femme ainsi se remue au bord de l'abreuvoir,
Le fleuve se murmure, à l’envi, que peut voir
Le moins vivant qu’elle a, sans forme, l’azalée
Et d'ombre sans talent , des flammes s’ étaler,
Ton ombre qui formait, lasse amorphe affalée
Sein bronzé, sombre et fin : le feu : fleuve salé !
Serait-ce d’un murmure à cette heure les roses
D’une morsure morte où vous heurtez moroses,
Pour éteindre du moi -sentiments d'horloger !-
Du pleur que je sentais ce qui sentait, logé ?
Glissant en mon endroit nos ombres singulières,
Lestant contre mon cœur leurs vagues régulières,
Serait-ce, instants maudits, folles âmes, les temps
Où je devais t’aimer ?
Le sais-tu, tu t'étends
O troublante et peut être un peu moins ingénue,
Ce qu'un ciel sait corrompre à l'oisiveté nue?
Amour habilement vise un creux souterrains
Quand du désir présent d'un plaisir sous tes reins,
Ruse, brise ce corps de vains noeuds et de flêches,
Du venin de l'amour, de ses brulantes lèches,
Coule un poison qui dit " tu ne t'appartients plus
Cet homme qui te plait c'est à lui que tu plus
Atteinte en ce détour de l'étreinte tintée"
Ton coeur n'est plus à toi ! Ton âme, l'empruntée
D'un destin de tisons ou d'un dangeureux voeux
Chuchote à la beauté: "je t'aime et je te veux !"
Rien !... Rien n'éteint ton coeur atteint (pas même l'arme)
Frappé d'une eau fatale et d'une intime larme
Ton parfum féminin si finement félin
Quand ce claquement calme et sombre de vélin
Où tout de toi s'immole ! Informe comme l'âme,
Est l'ombre, est ce bûcher, parfum de toute flamme
Teinte, est de bronze et d'or discrètement rouillé,
J'y discerne du cri du sombre et du souillé
De ma nuit d'infécond cette lune ravie.
L'horizon noir, lilith, des confns de ma vie.
Des secrets de mon être il ne reste qu'un fond
Il s'y creuse en ce corps, se tord et se confond,
Comme un silence craint au coeur de ta tempête !
**************************
Serais-tu sourde aux mots que l'écho te répète,
Cette folle influence au flanc de mes bas mots
Quelques mots sous le vent, soulevant des rameaux ?
Elle ne me voit pas mais seule après ses roches
Proche de mon pas (belle et faible !) ses reproches
Des poignards longs et froids élancés sous des seins
J'en connais l'avenir, j'en hûme les desseins !
***********************
Mon coupe gorge est là pavé de guillotines !
Mon coeur qui m'a lutté, mutilé tu mutines
Contre ton corps, ce corps où tu contraint ton bras
C'est par un cri de lèvre embrassé de cobras
Que la molle âme agit dont le baiser me frôle
Ta lèvre enlève-moi ! N'est-ce pas la ton rôle ?
Je jette sur ta chair mon geste souverain
Cher pour son éclat, cher, je suis LE pellerin
Ô ma femme aux traits francs qui ne sait qu'elle m'aime
Je te relevais tant que j'ajoutai bien même
A tes eclats du mien ! Ne suis-je ta beauté...
Par tes vers par tes pieds ce rocher, bot, botté ?