Je me suis un beau jour égaré dans un rêve, sans espoir de retour. Un rêve labyrinthique en mille dimensions, dont la sphère céleste ruisselait de couleurs silencieuses. Un rêve de vie comme un lit de réel, un songe éthéré de mystère et de lignes diffuses.
Un rêve en mirage, un rêve d’orage,
Un songe lyrique au fil d’une page,
Un songe bercé de ses mots embrasés,
Un doux rêve d’aurore et de cieux irisés.
C’était comme un chemin qui ne finit jamais. Une esquisse de route, indéfinie. Belle comme une illusion. Un morceau de néant à nu, révélant un écho d’abyssal indicible dont les pas s’enivraient de fêlures éphémères.
Chemin d’onirisme
En filin de vers,
À tort, à travers :
Enfant d’aphorisme ;
Corolle de Lune
En folle chimère,
Amant polymère
Aimant d’Elle et d’une.
Puis ce n’était qu’un phare, au loin, dans les ténèbres. Un fragment de lumière à l’ombre énamourée des bruissements sereins dont la nuit se grisait. Le chant d’un oiseau annonçait la douceur du matin à venir, fuyant les indiscernables caprices de l’horizon. Et le vent me disait d’attendre. Juste attendre. Être là. Vivre. Comme si le jour n’était qu’un souvenir.
De ses rayons dorés de rondes séculaires,
Sélène arrose un ciel aux rivages nacrés
Dont les veines d’étoile, en arpèges sucrés,
Me ravissent de cent souvenances solaires.
Ô Muse de la nuit ! Tes sereines colères
S’amusent de l’ennui dans ses gouffres sacrés,
Comme si leur idole aux accents consacrés
Se mirait de mirage et de jeux insulaires.
Je sommeillais ainsi d’assonances feutrées,
J’allais par-dessus l’eau des abimes des mers,
Sur un fil insonore aux ramures ambrées ;
Je m’endormais enfin d’illusoires contrées
Sur un océan d’île et d’arpèges amers,
Comme un songe volage aux ailes délabrées.
Soudain surgit de ma torpeur un mirage de chêne aux feuilles surannées valsant au rythme du mistral. Comme pour échapper au regard de la Lune. Échapper au temps qui sans raison les flétrit. Et l’arabesque folle de ses mille branches esquissait un rayon d’un Soleil éternel, projetant comme une ombre un sentier de montagne où venait s’égarer un instant de passage.
Bordé de mille monts dont les cimes sans fin effleuraient les nuées,
Le ravin se laissait enrober d’une étoffe en lambeaux de Soleil,
Caressait les couleurs de ce jour à venir en mirage vermeil
Comme un fleuve immobile aux remous rayonnants de larmes engluées.
Je marchais d’un pas lent sous l’écorce du ciel,
J’admirais l’horizon d’où l’aurore s’élance ;
La Lune m’inondait d’un feu superficiel :
Lancinant allegro dans ses bras de silence.
Les sommets se paraient de leur épais manteau d’écarlate blancheur,
Illuminant la nuit dont les ombres filaient sous les voutes sauvages
Et perçaient de l’Obscur le voile fabuleux, révélant au marcheur
Un ballet de reflets dont le déferlement les mêlait aux nuages.
J’errais de quelques pas déposés sur ma route,
Offerts à l’inconnu s’élevant devant moi,
Sans but et sans soucis, certitude ni doute,
Comme mu par un vœu invisible de foi.
Une brise légère effleurait l’horizon de teintures oranges
Fleurissant lentement sous l’infime regard que lançait Apollon,
Et son souffle sifflait de sublimes accords imitant les mésanges
Dont les matins fleuris de la plaine bruissaient d’envieux violon.
De mes regards jetés sur le fil de ma vie
Je ressassais l’espoir qui s’en va si souvent,
Je sondais une étoile et la pente gravie,
Questionnait le silence et la Terre et le vent.
Orgueilleuse beauté d’un matin qui s’éveille et déclame le temps !
Au-delà de la scène en océan de nuits de vagues vagabondes,
Tu scelles d’un regard entouré d’irréels et sonnants contretemps
Les abysses de sel en néant d’inouï dont les dagues abondent.
Ô abîme de l’âme ! Ô mensonge sans fond ! Sereine solitude !
Nul amour ne saurait m’arracher à ta main qui me veut retenir !
Et je vois les vallons avilis de ma vie encercler l’avenir
De leurs charmes au nom de promesse volée à l’ocre plénitude.
Fragment de liberté, éternelle éphémère
Que je vis en ce jour échapper à mon cœur
Et filer sur les pas d’une douce chimère
Comme un parfum volé d’une morte liqueur,
Je te livre ces vers, offerts comme un adieu,
Souvenirs d’un instant si fragile et fugace,
Inachevé désir de chercher sous les cieux
Quelque rêve d’un jour dont l’effleure m’efface.