Sans temps
Ici, je perds la notion du temps,
Comme si le temps lui-même s'était perdu
Dans le vacarme des boulevards,
Dans les ruelles trop étroites,
Dans les impasses ;
C'est comme si le temps avait gravi
Les marches de Notre-Dame
Et que, une fois arrivé au sommet,
Le gardien s'était assuré de refermer
Toutes les portes.
Le temps reste là-haut, maître du panorama,
Et voilà que la Seine se fige
-Comme si son courant avait besoin du temps
Pour exister-
En un miroir glacé où Narcisse ne saurait se noyer.
Sans le temps, Paris devient folle ;
Ses artères ne retiennent plus rien
Et leurs flots deviennent torrents !
Les gens s'engouffrent de bouche en bouche
Mais n'embrassent plus que le sol !
Ils n'ont plus le cœur à regarder les mendiants,
Même furtivement ;
Le visage bleu ou blanc,
Les yeux sur des écrans
Rouges de leur propre sang,
Tous parlent une langue que personne ne comprend !
Et les voilà, station après station,
Boulevard après boulevard,
Gare après gare,
Chaque fois un peu plus égarés.
Jonathan Le Sant