10 réponses à ce sujet

[Cyraknow]

Voyageur immobile

(acrostiche)

A Joë Bousquet, auteur carcassonnais

 

 

 

Au milieu des vapeurs d’opium__

Je suis le rêve de mes rêves__

Œuvre le poète aux nuits brèves ; 

Ecrits à plume d’iridium...

 

Blessé, abusé dans son corps,

Offrant sa jeunesse à la guerre,

Un paralysé__ pauvre hère__

Subit sa vie jusqu’à la mort...

 

Que d’heures au fond du grand lit !

Un jour, un mois, la vie s’écoule,

En un ruban qui se déroule,

Tourment de l’homme qui faiblit...

 

Ecrits semés dans la douleur,

Crissés d’une plume nerveuse, 

Révèlent sa vie souffreteuse,

Immobile vie en longueur...

 

Voyez l’auteur de « Poisson d’Or »,

Aux longs écrits épistolaires,

Immortels, poignants et solaires,

Nouant les mots entre eux, encor...

 

 

 

 

9 novembre 2015 

Joë Bousquet, revenu de la Grande Guerre physiquement diminué, passa le reste de sa vie dans sa chambre d'invalide, à écrire, notamment ses « Lettres à Poisson d’Or » , oeuvre dont est tirée la citation du v.2

 

 

[goutdemiel]

La plupart de tous ceux qui ont donné quelque chose, pour l'art ou pour leur pays

s'en vont sur la pointe des pieds...

C'est ainsi !

Un destin immuable...

 

Tu viens de lui rendre justice...

 

Merci pour le partage !

[Jped]

Bel hommage à l'homme foudroyé ( et dans son cas, il ne s'agit pas d'une figure de style ) :

"Une balle, une balle dans la colonne vertébrale, ma moelle épinière coupée, mes jambes paralysées, une unique balle mettra trente-deux ans pour me tuer. "

De ce malheur, il a fait sa raison de vivre :

"Survivre, surmonter, passer par-dessus, vivre en creux, savoir dans sa chair que tous les feux, sur la mer, chantent qu'un homme est seul, après tout, et seul avec ce qui le mène, mais ne pas s'isoler, être plus que jamais parmi les hommes, un homme très différent, un homme-chien, plus qu'un homme, moins qu'un homme, le dernier des hommes et le meilleur des chiens."

On ne visite pas sa chambre, dans la Maison de la mémoire, au creux de la ville basse de Carcassonne, tous volets clos comme autrefois, sans une grande émotion : on y sent sa présence et celle de ses amis ou visiteurs illustres, de René Nelly à Aragon, réfugié dans le sud pendant la guerre.

[M. de Saint-Michel]

Joël Bousquet est l'archétype de l'écrivain qui sait extraire de sa douleur, de son manque, de sa "mort", un trésor poétique... (On peut penser à un autre cloîtré: Marcel Proust.)
Merci de nous rappeler ce poète, hélas, trop méconnu!

[Cyraknow]

Merci à vous trois de vos commentaires éclairés et si intéressants:

 

Goutdemiel: Oui, tu as raison, ceux qui nous donnent tant de leur vie, de leur personne, sont trop souvent oubliés, et nous quittent "sur la pointe des pieds". Heureusement qu'il y en a, comme Joe Bousquet, qui nous laissent des traces de leur passage.

 

JPed: C'est suite à une visite à la Maison Joe Bousquet (dite Maison des Mémoires) que cette idée de poème m'est venue.

Merci de tous ces extraits dont vous avez émaillé votre propos. Il écrivait délicieusement, n'est-ce pas?

 

Saint Michel: Des deux, je préfère nettement Joe Bousquet. je n'ai jamais (et ce n'est faute d'avoir essayé! ) pu finir Du côté de chez Swann !!

Il est vrai que Joe Bousquet n'a, à mon sens, pas la réputation qu'il mérite.

[Anwen]

Oui, un bel hommage.
Je reviendrai développer un peu ce commentaire banal.

[Anwen]

...à moins de cent ans d'ici, descendons sous terre encore, la terre toujours maternelle, accueillante, protectrice, tandis que le ciel tonne à nouveau, entre dans une colère comme jamais le père céleste n'en a déclenchée, c'est un ciel gris d'acier qui vole en éclats, qui tombe de tous côtés comme un mauvais plafond de plâtre, une mauvaise peinture au plomb, qui empoisonne, et la vie au premier chef. Et que fait la vie sous cette semeuse de mort ? Elle se protège, mais pas plus que ça, un trou de deux mètres de profondeur suffira. Pour le reste, elle tue le temps. Elle parle, elle boit, elle fume, et puis elle donne de ses nouvelles. Au monde ? Non. Ce monde-là se résume à une bande de terre qui tient entre la tranchée adverse et la seconde ligne. Et les nouvelles du front, chacun les connaît. On peut dire qu'ils ont le nez dessus. Inutile de se raconter des histoires. Cette vie coincée comme entre les mâchoires d'un étau et qui publie malgré tout un journal se contente de cette seule nouvelle : ceux-là qui l'écrivent sont en vie. (...) La vie se réduit à l’essentiel qui consiste du fond de l’horreur à narguer la mort avec les moyens du bords, du bord du gouffre où elle se tient en équilibre précaire : elle rit et elle rime, c'est-à-dire qu'elle tient à rire, ce qui s'entend comme une plainte inversée, une attitude bravache et détachée, et elle s'applique à rimer, comptant sur ses doigts moins les syllabes du vers que les heures arrachées à la mort.

Jean Ruaud, Eclats de 14.

[Cyraknow]

Merci, Anwen, pour le partage de ce texte puissant et émouvant que je ne connaissais pas.

Un texte saisissant de beauté intense et vibrante, pour illustrer un propos effrayant; un texte vigoureux.

 

J'ai relevé les références, et vais essayer de le trouver en rentrant au bercail ( au Canada, ça risque d'être moins évident).

[M.KISSINE]

Merci pour ce puissant hommage.

Il est rare qu'un poète encense un pair

[Dad Allaoua]

Merci pour ce magnifique poème

Amitiés

[Cyraknow]

Merci, Kissine et Dad, de vos commentaires.

 

Kissine, vous avez malheureusement raison...