Je suis là.
Légèrement désaxée.
Calotte glacière dont la rive
N’a pas fini de rire.
Forme emmaillotée dans la nuit
Comme un nouveau-né dans son lange,
Le visage sortant tout juste
Des plis du réel,
Tour à tour congestionné puis détendu,
Selon la furie des vents
Dont chaque souffle sera
Par Morphée repris.
Mon moi extérieur ne me voit plus.
Il ne pense même plus à me porter disparu.
Nulle rixe à ma surface :
La glace s’est déjà fichée en mon cœur.
Ce n’est pas une lance jetée
Par un quelconque dieu colérique –
Rien qu’un aiguillon,
L’un des innombrables aiguillons
Perdu par le froid au fil des temps.
Je suis là.
Immergée dans l’océan.
Ce que vous voyez de moi,
Cette face émergée, clinquante, pure
Eclatante, m’a oublié depuis longtemps.
Caillot arraché au corps nu du Pôle,
J’attends, à la dérive, de fondre
Et de m’écouler enfin
Vers vous, vers la vie.