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(â¦) une paire de mules en plastique blanc et bleu imprimé Adidas sur le coup de pied, elle imagine alors que ce serait une souffrance insupportable de porter ce type de sandale dans la neige, inodore la neige, inodore le sapin derrière la vitre propre, indolore le pied estivalement chaussé, bleui comme le plastique qui le recouvre, lâabsence totale de mouvement ment comme la pin-up dénudée sur une affiche rétro de station de ski, une pépée huppée avec son bandeau soutien-gorge doré et son sourire glacial, qui vous tiraille dâagacement et dâenvie un peu gênante, aussi sûrement que ce couple propre sur lui « wir machen uns stark für unser Kind », soit « vire ma chaîne ou cet arc, furète une sÅur qui ne (â¦)
(â¦) ramasse pas aussi bien que la pelle à neige, qui trouve ici trois formats différents, trois couleurs, tailles et usages, la neige poudreuse et silencieuse nâa pas dâodeur, pas plus que lâargent derrière les vitrines de St-Moritz où vous accueille une nouvelle pin-up bronzée à la colle de lâaffiche, qui ne danse pas, qui ne fait tourner ni tomber aucune tête, assise sur le tire-fesses en trompe-lâÅil du Z de St-Moritz, un peu en dessous du slogan « St-Moritz top of the world » qui ne brille pas par sa modestie alors quâen contrebas le raclement humble et nécessaire de la pelle à neige de taille moyenne, celle de la maman ourse (â¦)
(â¦) comme lâartichaut se décompose à peu près comme les soins que lâon prodigue à un cheval : on le frotte pour en ôter les éperons superficiels, câest le bouchon, on en hume le fumet âcre et vert, câest le crottin, on le regarde nu après en avoir ôté les feuilles basses, câest le curage du sabot, on le déchire de nos incisives basses plantées dans la chair tendre, câest lâétrille, on le caresse, main entre les oreilles comme asinus asinum fricat, câest lâaffection, on contemple un tas conséquent de foin de feuilles et dâépines, câest le flehmen (â¦)
(â¦) la gondole qui parcourt le Grand Canal, câest un poisson noir et blanc, plat et creux, bois peint puis verni brillant ; le frein brûlé du train, câest un caffè ristretto qui ne crierait pas ; les gondoliers à lâentraînement dans la lagune, câest un banc de maquereaux, le dos blanc rayé de bleu flamboyant, nageoires longues et véloces ; les Dolomites câest la crème du glacier, saupoudrée de sucre glace ; « non gettate alcun ogetto dal finestrino » câest la chatte qui miaule pour gronder ses petits ; la fin du poème câest ne pas savoir où on va, câest le voyage pour le voyage, câest la phrase pour le poème et le poème pour la phrase, comme si la phrase devait se suffire à quelque chose dâautre, quoi ? (â¦)
(à suivre)
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