Quand, devenu adulte, j’eus quitté la maison où j’avais passé mon adolescence, lorsque je retournais dans cette maison pour rendre visite à mes parents, la première chose que nous faisions, mon père et moi, c’était de visiter son jardin. Le jardin était son Grand Œuvre, pour lequel il se levait, l’été, invariablement, à quatre heures du matin. Un jour de grand soleil, en été, mon père cueillit l’une de ses tomates et me demanda de la goûter : sous l’effet de la chaleur du soleil, son arôme fut inoubliable.
Aujourd’hui, dans les magasins, j’achète, souvent, des tomates : issues d’une culture hâtive, intensive, sous des serres chauffées en hiver, elles ont la forme, la couleur, le toucher de cette tomate d’autrefois, mais, dès qu’on les porte à sa bouche, on comprend qu’elles ne sauraient mériter ce nom. Le jardin de mon père n’existe plus : dans l’espace qu’il occupait, on a construit des maisons, de celles que l’on construit en toute hâte, sous la formidable exigence des « villes tentaculaires ».
17/6/17