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Le chien pelé... Un texte de Jean Anouilh


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2 réponses à ce sujet

#1 Victorugueux

Victorugueux

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Posté 11 novembre 2017 - 12:03

Le chien pelé

 

Un chien pelé, boiteux, que personne n'aimait,

Sauva un jour une petite fille

Qui se noyait.Il fut fêté par la famille.

Tout un jour, caressé, il vécut en héros.

 

On lui donna du sucre, on lui donna des os...

La petite exigea que le soir, à l'étage,

Il dormît au pied de son lit.

L'enfant était choyée.
On dit : «Et s'il salit ?

 

Un chien galeux sur un tapis, ce n'est pas sage...

Mais elle était au bord des larmes,

On accepta le chien;

En se promettant bien

Qu'on le renverrait, passée cette alarme.

 

Le chien dormit comme un évêque et fit un rêve.

Une île peuplée de chats,

Dont il était le pacha.

Il cassait quelques reins, le matin, pour l'hygiène,

En se promenant sur la grève ;

 

Puis, il s'étendait mollement,

Tandis qu'une esclave indigène

Eduquée tout spécialement (Gratter un dos est une science),

Venait le gratter en silence...

Aux repas :Os en abondance...

 

Il choisissait nonchalamment.

Mais surtout, despotique et tendre,

sur cette île,Régnait une petite fille,
Qui le comblait de sa tendresse...

 

Il avait de tous temps rêvé d'une maîtresse.

Au réveil, la petite dit : «Il a ronflé.

Je ne veux plus du sale chien, il sent la crotte!

Le chien fut promptement chassé.

 

La queue basse, il fit une petite trotte,

Reniflant les odeurs charmantes du pavé.

Vers midi il revint s'enquérir du menu,

A tout hasard, l'air ingénu.

 

On venait justement de laver la cuisine :

La bonne l'expulsa d'un coup de pied au cul.

Les ouvriers, qui sortaient de l'usine,
Défilaient devant la maison du directeur.

 

Ils portaient des pancartes; ils poussaient des

clameurs.«Plus de salaires de famine ! »

«Assez de travailler pour rien ! »

«Les hommes ne sont pas des chiens ! »

 

Un homme ramassa une pierre et fit mine

De la lancer vers les fenêtres de l'enfant.

Le chien bondit et le mordit cruellement.

Pris pour le chien de la maison

 

Et, malgré sa dégaine triste,

Pour un affreux capitaliste —

A défaut de la direction,

Les ouvriers, furieux, lui firent

Son affaire à coups de bâton.

 

Le chien agonisa doucement sans rien dire,

Langue pendante, sans pouvoir bouger les membres,

Jusqu'au soir, en pensant que la petite fille

Avait été vraiment gentille

De l'avoir couché dans sa chambre...

 

La bonne pour tout cadeau

Lui apporta un peu d'eau.

Il pensa qu'elle était bien bonne, car en somme,

Elle ne lui devait rien.

Les hommes ne sont pas des chiens,

 

Mais les chiens ne sont pas des hommes

 

Animaux Jean Anouilh



#2 M. de Saint-Michel

M. de Saint-Michel

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  • Une phrase ::Je suis quelqu'un pour qui poésie et respiration ne font qu'un.

Posté 11 novembre 2017 - 02:10

Une fable tendre et cruelle...

#3 Victorugueux

Victorugueux

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Posté 11 novembre 2017 - 02:26

Comme beaucoup de fables