Jeudi 22 août 2014 / 1052
Une chaussette allait de paire en pied, tantôt le gauche, tantôt le droit. Sur l’étendage, elle retrouvait ses copines. Le papotage allait bon train. Je me suis souvent demandé ce qu’elles pouvaient bien se raconter, des histoires d’ongles, de corps, de verrues plantaires ?
Ce jour-là, elles virent apparaître un intrus. C’était une sorte de chose transparente de couleur chair, reliée par le milieu et prévue pour remonter sur le ventre en dessinant des fesses. Un collant paraît-il. Influencées par nos mauvaises manières dès que nous côtoyons un étranger, elles voulurent le chasser. Mais comment faire pour botter le cul de ce léger nylon qui dansait au vent comme un tzigane. Quand on n’est pas habillé par son matériel humain, lever le pied sans la jambe, s’avère difficile.
Accrochées sur le fil, elles décidèrent de jouer de l’épingle à linge pour prendre ce voleur d’orteils en sandwich. Mais l’autre, bien accroché avec des épingles neuves d’un beau rouge vif et gonflé d’importance par une petite brise, se mit à chanter avant même que la manœuvre ne prenne forme.
Notre Caruso de séchoir ne connaissait que des chansons paillardes. Vu qu’on n’était jamais remonté plus haut que le genou, nos chaussettes en étaient restées à des chants de Mars et à de longues complaintes déplorant le manque d’hygiène de leurs locataires et des odeurs qui vont avec. En fait de maisons closes, elles n’avaient connu que les souliers. Bouches bées, elles écoutaient ces mélodies joyeuses qui parlaient d’amants, de cocus, d’extases amoureuses et de bébé dans le tiroir.
Elles se prirent à rêver de menus chaussons et de petites socquettes.