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(Note de lecture), deux livres de Brigitte Gyr et Marilyne Bertoncini, par Jean-Charles Vegliante


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Posté 20 août 2018 - 08:59

 


Le vide et lâinfini

Deux petits livres de poésie (75 p. lâun comme lâautre), accueillis par deux vrais éditeurs indépendants, loin de Paris, impeccablement présentés, touchant lâun et lâautre à la mémoire et donc à lâélégie, selon une sorte de mouvement perpétuel dynamique, à lâopposé de ce que nous pourrions savoir dâun éternel retour « ressemblant » selon Nietzsche.

6a00d8345238fe69e2022ad3aa565d200b-75wiLes bruits du monde parviennent jusquâà la scriptrice de le vide notre demeure à travers les frontières fragiles â vitres, murs, grilles â dâun lieu habitable, comme son titre lâindique, où lâon ne tient que par le souvenir dâun soi ancien, gorgé de choses passées dont il aurait « absorbé / la boue », pour ne plus transparaître que par de rêches aspérités poussiéreuses, blanchies, « bientôt /dissoutes »â¦ Ce qui là survit aux incendies ravageurs dâun vécu obscurci, au « parfum calciné » que menacent des cendres encore, des « fours [â¦] où lâon jetait les petits enfants » (p. 32) est peut-être la foi en lâécrit poétique. Sans illusion : « lâapproximation mentale / du chantier de la mort / est une tâche ardue » (p. 47). Le mot « boue » sigle à la fois lâincipit et le début de la section annexe, friperie, p. 63. Le tri des restes, des « chiffons », est une manière de résistance, baudelairienne peut-être, contre « la bouillie de la vie » : jusquâà lâabandon, mais créatif du livre même, au « chant de mort pour survivants » (p. 73), jusquâà lâétonnant « faire Åuvre régénératrice » (en italiques) dâun provisoire excipit.

6a00d8345238fe69e2022ad3aa5662200b-75wiPour Marilyne Bertoncini, dont le travail exemplaire à la tête dâun site de poésie est connu, il y a dâabord lâéblouissement de ce quâil faut bien appeler réminiscences ou remémorations, dans le flou et le « vague » que Leopardi déjà attribuait systématiquement à la recherche du beau, même si le fil conducteur suggéré a la rigueur dâun anneau de Moebius. Ou faudrait-il dire âanneau de la poésieâ, ici, tant le travail dâallers et retours entre rêve, lectures, réalité ou restitution mémorielle tisse une autre vie possible â ou vécue ailleurs â, en une découverte sans fin, correspondant à la pensée complexe et ubiquitaire du fait littéraire (et de sa vraie fruition). Ainsi de la rivière rimbaldienne, et aussi dantesque (quant à la rime), qui me semble singulièrement riche dâallusions secrètes :

La Deûle coule grise
entre ses berges bises
des rêves se reflètent
parmi les herbesâ¦
(p. 20) 

Ainsi les résurgences dâun vocabulaire étranger, italien surtout en lâoccurrence, prétexte à de peu nostalgiques rebonds. Difficile de démêler le rêve (parfois en « pensées nuagées », p. 43) du souvenir â plus ou moins reconstruit, certes â quand câest lâacte dâécriture qui les exprime, à la fois. Câest bien le sens que nous donnons à complexe, idée du poème « flottant dans les grands fonds où le rêve / le porte » (p. 39, À lâombre du mûrier). 
Jean-Charles Vegliante

Brigitte Gyr, le vide notre demeure, suivi de friperie, La rumeur libre, 2017, 80 p., 15â¬
Marilyne Bertoncini, LâAnneau de Chillida, Lâatelier du grand tétras, 2018, 80 p., 12â¬



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