Le sens demande-t-il de la logique ?
Rien n'est moins sûr. Car le sens comme demandeur n'existe pas tout d'abord mais surtout car le sens, si on le conçoit comme une chose figée, n'existe guère plus. Le sens, "paraphrase sémantique" si on le rapproche de ce qu'est la définition (celle du dictionnaire, par exemple) n'est pas une chose inerte que semble présenter l'amas des caractères qui instruisent la mise en équivalence quand elle est figée en le texte mais une action plurielle, composée d'une à n émissions et de deux à n réceptions, lesquelles fréquemment s'entrecroisent, pour dégager une série d'opérations transindividuelles, transtemporelles, qui donnent son existence à un sens donné, qui n'est donc jamais une paradigmatique au repos mais une syntagmation réitérée, reformulée, variée ou non, un exercice dynamique donc.
Voici le sens. Il circule. La paraphrase sémantique d'un poème en est un possible, dont la fonction élucidatrice ne peut être que très partielle. Chaque chapitre d'Igitur commence par un résumé de l'action, condamné on le sait à la perpétuelle diffraction. De même, Jean Racine rédigeait-il, je crois (je ne les ai jamais vus) des résumés en prose de ses pièces qui sont le vers, lui-même. Nous constatons donc la possibilité de la paraphrase sémantique du poème, au grand dam d'André Breton. Mais nous en voyons immédiatement les limites. D'une part, dans son insuffisante sémantique. Le sens définitoire, est unaire. Le sens poétique, qui n'est autre que le sens réel (au sens où l'on parle d'économie réelle) est par principe mutlipolaire, contradictoire, déséquilibré, antagonique, ce qui explique qu'on ne soit jamais satisfait d'une interprétation car elle impose un arrêt, une statique, une cloture que dénie non seulement le poème mais également le sens lui-même.
Car le sens, s'il ne demande rien, sait dénier.
Ce qui explique par ailleurs qu'il y ait si peu de mots dans nos dictionnaires dont "la" définition ne soit au mieux sujette à d'infinies discussions, au pire soumises à de véritables guerres sémantiques.