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« Poèmes en guerre »


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Posté 28 décembre 2018 - 09:17

Les derniers poèmes de Guillaume Apollinaire sont minutieusement restitués par Claude Debon dans l'ordre des jours, pour cette édition qui est l'événement de la célébration du centenaire

apollinaire--en-guerre_200px-0e234.jpg Lors de sa disparition prématurée à l'âge de 38 ans le 9 novembre 1918, Guillaume Apollinaire laissait à la postérité un nombre importants de poèmes, soit publiés de façon confidentielle, soit inédits en raison de leur caractère épistolaire. Les nombreuses parutions posthumes en volumes qui ont permis l'émergence d'une figure essentielle de la poésie du XXème siècle n'avaient jusqu'à ce jour jamais rendu justice de son évolution créatrice située dans son exacte chronologie.
Nul n'était mieux qualifié que Claude Debon pour offrir en guise de conclusion à l'hommage du centenaire de la mort d'Apollinaire, l'édition de l'ensemble des poèmes saisis du 31 juillet 1914 (date de la déclaration de la guerre) au 9 novembre (mort du poète deux jours avant l'armistice). Entre un premier calligramme aux airs de vacances écrit à Deauville et figurant un bateau « Me voici au bord de la mer » et l'ultime poème-lettre qui s'achève de façon poignante par ce vers ultime : « Mais la vie est cruelle », ce sont plus de trois cents poèmes qui vont jalonner le parcours du poète-soldat dans sa dernière ligne droite.

L'histoire dans l'Histoire

Présenté ainsi dans son continuum, « le déroulement des poèmes donne à lire une histoire, celle qu'Apollinaire a léguée à l'avenir, histoire dans l'Histoire, inséparable de ce destin individuel. » précise Claude Debon. Et quelle histoire !
On retiendra que les deux tiers de cette production ont été composés lors de la seule année 1915, d'abord de son cantonnement de Nîmes où il apprend le métier d'artilleur, puis sur le front de Champagne, où il se trouve pris entre les deux feux, si j'ose dire, de Lou et de Madeleine.

Pour Apollinaire tout est poésie et il s'autorise toutes les audaces. Les objets les plus prosaïques tels que son passe-montagne, son cigare ou son fouet de conducteur changent de statut pour s'inscrire dans une geste héroïque (n'oublions pas qu'il est l'inventeur du mot surréalisme). Et les images de guerre elles-mêmes transcendent l'horreur pour mieux conjurer la peur. C'est ainsi que « la guerre est jolie », quand les Zeppelins sont « de gros moustiques », que les obus « miaulent » que le soleil est « électrique » tandis que les étoiles brillent « comme des éclats d'améthystes ».
Apollinaire est « ivre d'avoir bu tout l'univers » et il ose y fourrer tout son bric-à-brac en célébrant aussi bien le prosaïque de « l'art de mesurer les angles », le burlesque « des pets altitonnants », le vulgaire de celle qui « sent le vieux foutre et non pas le jasmin » et l'élégance des chevaux qui redeviennent « des cavales ». Car, comme il le dit de l'un de ses amis : « c'est un poète en un mot / Sur son beau front brille une flamme / Dans sa main fleurit un rameau ».
apollinaire-3-564e3.jpg Et pour que la fête des sens soit complète, les poèmes se métamorphosent en images calligrammatiques auxquelles il ne craint pas d'adjoindre des notes de musique et des onomatopées. Et le monde déferle cul par-dessus tête dans la prescience d'un réalisme magique : « J'ai reçu d'un seul coup les roses de Sâdi / Un baiser d'Hespéride avec le zest candi »), où les classiques (Bach, Gluck, Mozart) voisinent avec les modernes (Picasso, Cocteau) et dans lequel au fin fond des tranchées où « on brûle de la neige dans l'encensoir des solitudes », on peut rêver à quelque Salomé dont la bouche est un sorbet à la rose.

Ainsi libérés en quelque sorte des catafalques successifs dans lesquels les éditions antérieures les avaient figés, les derniers poèmes de Guillaume Apollinaire minutieusement restitués par les bons soins de Claude Debon dans l'ordre des jours, apparaissent dans leur jeunesse, leur ardeur et leur modernité pour ce qu'ils sont : ceux du plus grand poète de son siècle.

Jacques Ibanès

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