Nuances des couleurs du voyeur
Ma pensée est colorée
Toute de nuances
Je ne vois ni le noir
Comme le charbon dans la mine
Ni le blanc pur
De la neige au soleil
Ni le gris triste
Des pavés dans les rues
Mais je vois le vert anglais
Comme ce gazon qui est tondu
Ou les vapeurs évanescentes
Des ciels gris bleutés de paris
Je vois aussi le chant des rossignols
Dans le clair obscur des petits matins
Je vois les lointaines étoiles bleues
Dans la profondeur de mes nuits
Les plus sombres
Je vois encore les vies
Si fragiles des bambins
Sur les seins rosés de leurs mères
Je vois aussi l'éternité et la mort
Dans le sang rouge
Des damnés de la terre
Je vois les soirs d'antan
Les rêves roses
Des grands espoirs
Je vois ce presque-rien
Du philosophe
Je vois la subtile nuance
Je vois le balancement calme
De la rime et je pressens
Les infinitésimales tonalités
Et j'aime cette nuance
Encore et encore
Je vois l'alpha
Et je pressens cet oméga
Je vois la pureté dans l'eau
Je vois les cieux d'orages
Je vois ce ciel bleu après la pluie
Je vois tes yeux
Ceux que mon cœur honore
Je vois de l'or dans ces yeux
Et je devine les sept couleurs
De ce bel arc-en-ciel
Je vois la vérité irisée
Dans la lumière sur la perle
Je vois les certitudes taillées
Dans les facettes
Du même diamant
Je vois l'éternité
Comme un secret espoir
Je vois ce Dieu
Dans sa création
Et toutes les créatures
Je vois ton désespoir et cette peur
Dans le frémissement inquiet
De tes regards
Je devine et je pressens
Cet amour qui te vrille
L'âme et le cœur
Je vois mon regard
Dans la glace
Je vois mon visage si familier
Et je me regarde
Longuement vieillir
Je te vois et je me regarde encore
Et mon regard se porte vers ces ailleurs
Que sont les rêves qui luisent
Dans les sentinelles de ton âme
Je vois cet encore et j'aime à te voir
Bruno Quinchez (Morsang sur/orge mai 1992)