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[zedrik]

LA SORCIERE

Tu parais si fragile sous la lumière blafarde
D'une Lune entourée par une fine gaze ;
L'ombre sur ton visage, dessinée par Pégase
Caresse ta peau fine et de noir te farde.

Chassée par la morale, rejetée par les Hommes
La forêt te protège et te sert de cachette.
Tu fuis là les reproches et les coups de machette
Que les robustes gens font à ceux qui détonnent.

Qu'as-tu fais pour gagner un si vil traitement ?
As-tu empoisonné, envoûté, imploré
Satan et ses armées de succubes damnées ?
As-tu mené des Princes dans tes égarements ?

La pauvresse affolée, traquée telle une biche
Bondit sur les taillis, trébuche et s'écorche ;
Derrière des chiens aboient, rayonnent mille torches
Au milieu des bois sombres, du bocage et des friches.

Soudain un claquement retentit dans le noir.
La maudite s'effondre, balbutie quelques mots
Lorsque d'énormes crocs font craquer tous ses os
Déchiquètent sa chair, écrasent sa mémoire

Les courageux Nemrod s'approchent à petits pas
Redoutant que la fée, usant d'un maléfice
Ne fasse de sa mort un méchant artifice
Qui les emmènerait vers d'abjects sabbats

« Ce n'est qu'une fillette ! » s'étonnent-ils en chœur ;
« Qu'avons-nous écouté la rumeur publique,
Prêté attention à de dévotes suppliques
Et puis crié haro sur un si joli cœur ? »

Ils emmènent le corps ensanglanté en ville,
Exposent sur la place les membres disloqués.
La foule est muette, les mères sont choquées
D'apercevoir morte une enfant si gracile.

Peuple vindicatif ! Toujours prêt à lyncher,
Qui regarde à l'aspect avant même le cœur
Qui souvent se fourvoie, érige en loi l'honneur
Et reste indifférent aux erreurs du passé.