Aller au contenu

Photo

(Note de lecture), Marik Froidefond, Oyats, par Ludovic Degroote


  • Veuillez vous connecter pour répondre
Aucune réponse à ce sujet

#1 tim

tim

    Administrateur

  • Administrateur principal
  • PipPipPipPip
  • 5 689 messages

Posté 03 juillet 2019 - 08:55

 

6a00d8345238fe69e20240a46c70eb200c-100wiCinq parties, chacune ouverte par un dessin de Titus-Carmel, constituent ce premier livre de poésie de Marik Froidefond, Oyats â plante vivace à la fois fixe et mobile qui compose et recompose les dunes, au gré des courants et du vent, comme un recueil de poèmes traverserait et fixerait des moments de la vie. Les deux premières parties sont ouvertes sur lâextérieur (la Mongolie, un monastère italien), les deux dernières plus personnelles et intimes (lâenfance, lâamour). Au centre, un poème seul, sans chercher à faire transition, glisse des « déserts et tous les continents » à un amour décliné au passé : « (...) câest dans le grand vent que je me reconstitue // loin de toi » (p. 65). Si les deux premières parties comportent des éléments descriptifs que les motifs des lieux justifient, ils ne sây bornent pas ; le regard porté sur les mongols dessine des paysages multiples - humain, ethnique, géographique, etc.  â qui proposent une image de lâauteure, par un mélange de termes savants et dâincisions lyriques modérées. On retrouve cette modération au cours du recueil, de façon croissante, avec une écriture dont le lexique et la stylistique se simplifient encore à mesure que lâon approche de lâintime. Lâévocation détaillée du « claustro do silencio », dans son architecture comme dans ses détails, devient une sorte de miroir, forme et fond : les vers justifiés de certains poèmes les géométrisent, le silence que porte le lieu libère autant lâimaginaire de la poétesse avec les gisants quâune interrogation sur sa propre présence qui pousserait à « oublier lâimpatience dâexister » (p. 48). Le titre de la quatrième partie, « Les grandes salaisons », rappelle la conservation, ici celle de la mémoire ; à un premier ensemble au beau titre, « Laisses dâenfance », succédera « Et le mal » : la joie possible de certains souvenirs personnels sâefface : « car la suite de lâhistoire est dangereuse » (p. 84) ; « effondrement » et « naufrage » (p. 86) ouvrent à la maladie et à la mort avec une pudeur que renforcent des images sans effets dramatisants, nourrissant ce lyrisme modéré, et donc maîtrisé, mentionné plus haut. « Lâinvention du poumon », qui clôt le livre, touche à un amour fini ou quâil a fallu finir, dans la complexité dâun passé vivant et dâun présent qui doit sâen préserver, ainsi que le porte un vers qui aurait voulu disparaître entre ses parenthèses, « (je ne cherche rien dans ce poème sauf à dénouer ma gorge) » (p. 109). Le poème développe cette trace ambiguë entre passion et raison: « je guette aujourdâhui / les mots neufs qui pourraient / préparer lâoubli » (p. 112). Autant de paysages intérieurs que modèle et remodèle une écriture poétique comme les oyats font des dunes.

Ludovic Degroote

Marik Froidefond, Oyats, LâAtelier contemporain, 2019, 128 p., 20 â¬, sur le site de lâéditeur.


usJ9zFHTUXM

Voir l'article complet