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(Note de lecture), Guillevic, Ecrits intimes, par Michaël Bishop


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Posté 03 août 2019 - 09:41

 

6a00d8345238fe69e20240a4c04082200b-100wi« Carnet, cahier, feuillets », comme lâexplique le sous-titre de ces Écrits intimes des années 1929-1938, câest-à-dire les trois dossiers dâune traversée du quotidien, accompagnée de réflexions sur la créativité ; mais ce qui frappe ici, tout en présageant la foisonnante force diversifiée des grands recueils à venir, câest sans doute la puissante énergie expressive â à bien des égards inattendue si on tient compte des autres textes et fragments poétiques que ces cahiers nous révèlent de temps à autre â comme le très beau poème Van Gogh, écrit en 1935 (Guillevic avait vingt-huit ans). En effet la plupart de ces pages montrent une hésitation ressentie face au poétique, certes une détermination et le sentiment profondément vécu de sa profonde nécessité, mais des doutes aussi et une frustration par rapport aux textes personnels produits, jugés largement insuffisants devant la vigueur et la beauté de lâÅuvre de Rilke, de Claudel, de Rimbaud, ceci malgré des réserves à leur égard ou une conscience de tout ce qui fermente lentement mais sûrement dans son esprit et, viscéralement, dans tout son corps.

Comme tout carnet ou cahier intime, ceux de Guillevic lui permettent de mieux sâausculter, dâécouter et méditer la jaillissante abondance, cette « multiplicité », de sa vie psychique, à peine admise, secrète, mais quâil sâefforce dâanalyser même si « on nâ[en] consigne que la surface ». Persiste, constante, mais évasive, car le moi ne se livre pas si facilement, la recherche de sa propre authenticité, la mouvante vérité dâune ambition qui sâaffirme imperceptiblement, au-delà des théories, fondée plutôt sur lâexpérience, elle-même en perpétuel devenir. Les influences et les tâtonnantes imitations doivent céder la place à ce besoin absolu de « chante[r] ce qui me plaît, comme il me plaît » â ce qui, manifestement arrive en écrivant spontanément, plein dâune passion à la fois aveuglante et révélatrice, son vigoureux et tendre Van Gogh â car la folie, Guillevic reconnaît quâelle lâaurait frôlé à certains moments de souffrance physique et de quasi-désespoir face à sa propre créativité. Sâinterroger en interrogeant lâautre sâavère ainsi pour celui qui se dit « quâil importe seul de créer », et malgré les moments dâinsatisfaction et les doutes, la voie qui risque de mener vers ce quâil appelle « la vraie vie, la vie profonde ». Et, en effet, il apprécie, ce que beaucoup comprennent mal, à quel point « tout profite au poète », les doutes, les incertitudes, les obstacles, les tentatives inabouties, tout ce quâon aime et tout ce quâon déteste. Mais ces Écrits intimes, si bien présentés par Michaël Brophy, offrent finalement à Guillevic plusieurs autres aperçus riches de promesse et de haute pertinence : la sagacité dâune attitude dâhumilité, dâhonnêteté qui reconnaît à quel point le poète, comme disait Jaccottet, restera toujours « lâignorant »; la nécessité de lier dans un faisceau spirituel subtil lâart et ce quâil appelle « la bonté »; le bonheur dâune « jouissance » purement poétique sâoffrant comme antidote dâune gravité trop fastidieuse face aux tourbillonnements du monde; ce besoin, instinctivement reconnu comme essentiel à toute son entreprise poétique, dâ« aller davantage en la vie, en la matière, en les choses ».

Un livre de traces richement méditées, mais également le site oublié mais redécouvert dâun de ses grands poèmes.

Michaël Bishop

Guillevic, Écrits intimes. LâAtelier contemporain. Édition établie et présentée par Michael Brophy, 2019, 144 p., 20â¬.
Sur le site de lâéditeur.


Extrait (choix de la rédaction)

11-8-35 â Tandis que les poèmes de Rimbaud, surtout les Ill., sont une exploration, ceux de Cocteau sont une construction.

Autre projet â Homme et les Bêtes dans la nature.
Le fond de lâÅuvre de Cocteau : la peur

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Lu La vie tragique de Van Gogh de Piérard â Pas d'autre intérêt quâanecdotique.
Van Gogh devient un thème facile pour mauvais littérateurs.
Il me semble que lâon peut rapprocher (équivalence) Van Gogh et Trakl (celui-ci sans le feu).
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Toujours le désir de tout lire : Michelet, la Bible, Taine, Carlyle, Toulet etc. Allons ! du calme. Il faut bien quâil y ait toujours des choses nouvelles à lire.
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Nature, grand organe lent, puissant, plein de sève et de vie â avec toi, en toi â
        Mais les villes te cachent
Être peintre et peindre les céréales avant la moisson â les saignées des carrières
        Ah ! exprimer tout cela dans un poème grand et lent.
        Mais cela ne peut être donné (réussi) quâà un très grand.
(p. 78 et 79)


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