envie d'écrire un poème
parce que ça fait longtemps que je n'ai pas écrit de poème
ni même de vers. Pas un vers, rendez-vous compte !
Je me suis enfin débarrassé de cette saloperie de poésie
qui courait sous mes doigts
et me faisait de gros doigts boudinés qui ne pouvaient
si je me souviens bien
plus jouer de rock'n'roll (les deux frères Young ont les doigts fins)
ni de musique subtile
comme une tronçonneuse ou un marteau-piqueur le sont, toujours !
Je m'étais enfin débarrassé de ce revêtement mural qu'on appelle poésie.
Et puis l'alcool, ah ah !
L'alcool est comme la poésie.
Mais la poésie est faite de vers et l'alcool, c'est
très différent, ça se consomme
avec des verres, certes. Mais
Verre et vers ne sont pas synonymes ! Et je buvais encore
jusqu'à hallucigner. Et je voyais des vers de terre
chanter des ritournelles dodécaphoniques.
Je les confondais avec des limaces sérielles qui étaient bien plus strictes :
elles noyaient l'air
de la chanson du potager maniaque, maniaquement. J'ai tout évacué
pour biner et racler de cette terre pleine de trous mais en rentrant,
cela arrive,
j'avais perdu mes dents, je crois
ou l'oesophage. Bref, j'avais faim
et de cette faim naîtrait une véritable déraison
et qui se manifesterait potentiellement en toute saison
et qui modèlerait selon une esthétique inopportune ma maison
accusatrice de tout ce que nous faisons
quand nous faisons
et j'ai eu honte en écrivant des vers
que la terre ne noierait pas (elle ne noie rien, la terre)
et que je ne déterrerais peut-être pas
avant longtemps.