Mon amour vient de plus loin que moi, comme les vagues qui se brisent sur les falaises ont traversé, elles aussi, bien des mers, bien des océans. Mon cri vient de mes désespoirs d’adolescent, de tous ces rêves, qui sont encore les miens, et qui sont semblables aux papillons Monarques qui, dans leur migration, parcourent quatre mille kilomètres entre le Canada et le Mexique. Mon désir vient des déserts où des silences supplient le ciel, où la lune éclaire les dunes, il vient de la soif que rien n’étanche, que rien ne comble, des feux que rien, jamais, n’éteindra. Ma parole vient des confins, où l’on manque de tout, où l’on attend l’aube comme une chance, elle vient des fontaines intarissables qui donnent à entendre au voyageur la complainte du temps qui passe. Mon poème vient du geste de ceux qui construisirent ces églises où retentissent, désormais, les prières et le pas des hommes sur les dalles, comme, à Florence, où un sculpteur a inclus, dans le marbre blanc, avec je ne sais quel onyx, une tête de mort, en guise d’avertissement solennel, de « Memento mori ». A aucun moment je n’oublie, à mon tour, qu’en écrivant, volens nolens, nous disons notre souhait de vaincre la Mort et de dire cette grâce incommensurable d’aimer et, hic et nunc, d’être vivant.
24/9/19
"La rivière, soleil couchant" (21/9/19)