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(Note de lecture), Pierre Dhainaut, Transferts de souffles, par Sabine Dewulf


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Posté 25 novembre 2019 - 09:54

 

6a00d8345238fe69e20240a4a120e0200c-100wiPour qui connaît lâhomme et le poète, il y aurait lieu de sâétonner dâune telle parution. En effet, Pierre Dhainaut a longtemps considéré que son Åuvre commençait véritablement avec le titre par lequel précisément sâachève, en ce recueil, lâanthologie de ses poèmes anciens : Le Retour et le chant, paru en 1980.

Comment expliquer ce désir dâassocier des textes de jeunesse (écrits vers 1960) aux poèmes les plus récents ? Sans doute, dâabord, par une nécessité de compréhension : il sâagit de remettre en lumière les pans oubliés dâune Åuvre étonnamment multiforme, dont les débuts sont marqués par le surréalisme (« Mon sommeil est un verger dâembruns », p. 13), puis par lâexigence intérieure dâune dislocation progressive du langage mimant une crise profonde ; en témoignent Jour contre jour (« toujours des vents qui ne se lèvent plus », p. 101), Efface, éveille (« icilence et demaintenant », p. 115, « coups le sa », p. 122) et Au plus bas mot (« un mot gâte un mot, cible épuisée, cible », p. 131). Si lâanthologie Le Don des souffles (Rougerie, 1991) regroupait des poèmes essentiels, aucun ouvrage nâavait encore tracé de pont entre ces deux extrémités que forment les vers de Bulletin dâenneigement et les tout derniers écrits, rassemblés sous le titre « Perpétuelle, la bienvenue ». Nous comprenons ici que lâécriture se découvre en sâinscrivant à la fois contre lâimagerie surréaliste et la révolte des poèmes suivants, au moment où elle éprouve les prémices dâun abandon confiant à lâinconnu du poème : « au fond de la voix sans cesse en pleine enfance » (LâÂge du temps, p. 192).

Mais lâouvrage a ceci de troublant quâil nous invite parallèlement à ne pas trop durcir les délimitations : Transferts de souffles, ce titre le suggère avec force, porte lâétrange empreinte dâune certaine permanence. Dans sa lecture intitulée « Pourtant câest un poème » (pp. 251-264), Isabelle Lévesque montre avec justesse que la période surréaliste et lâécriture actuelle, malgré leur contraste, sont parcourues de thèmes communs â lâamour inépuisable, la naissance, lâapproche⦠â et que le vocabulaire propre au poète apparaissait dès le début : « « sable, flux et reflux, oyats, aube, éveil, buée, nid, vanneau, naissance, souffle, vent. » » (p. 253)

La lecture dâAprès, paru cette année aux mêmes éditions, nous le laissait pressentir : ces deux extrêmes que sont la parole (re)naissante et la confrontation au silence sont lâun et lâautre de nature à nourrir un souffle vivant, oscillant comme la marée. Transferts de souffles nous le confirme : aux côtés du « noir » (p. 100) et du « non » (p. 119), pivots des années sombres, le « Oui â » (Le Retour et le chant, p. 221) se laisse apprivoiser ; le poème tour à tour se clôt et sâélargit : « lâespace entre oui / et non flux / ou ressac » (Efface, éveille, p. 121) ; « [â¦] avec le dénuement lâespace / et le point, lequel se resserre ou se déploie ? » (Le Retour et le chant, p. 205) ; « [â¦] le silence où se renouvellent, / syllabe après syllabe, les mots, les phrases » (Perpétuelle, la bienvenue, p. 244). Ainsi lâÅuvre de Pierre Dhainaut se montre-t-elle enfin réunifiée dans ce va-et-vient réceptif qui la caractérise, hors du convenu : « écririons-nous sans la lumière et sans la mort / ensemble ? » (p. 207)   

Transferts de souffles
forme un outil dâautant plus indispensable pour la lecture de cette Åuvre majeure quâIsabelle Lévesque nous décrit avec précision les grandes phases de cette aventure langagière. À la lecture de ce recueil, je suis frappée de constater à quel point la parole de Pierre Dhainaut constitue une voix complète, peu à peu libérée par le rythme et lâaptitude à tout recevoir, des angoisses de la mort que nous redoutons à lâémerveillement de « lâenfant qui jouait dans les dunes » (p. 171), dépris du besoin de posséder, né de lâamour de ce monde : « Nul besoin de miroir, envers, / endroit, des deux côtés pour les yeux du souffle / il nây a plus dâimages. » (Le Retour et le chant, p. 212.)

Sabine Dewulf

Pierre Dhainaut, Transferts de souffles, éditions LâHerbe qui tremble, 2019, 276 p., 18 â¬.




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