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(Note de lecture) Horizon d'attente, de Gérard Titus-Carmel, par Michaël Bishop


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Posté 07 février 2020 - 10:14

<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"><br /><a class="asset-img-link" href="https://poezibao.typ...bb16a200c-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Gérard Titus-Carmel Horizon d'attente" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e20240a4bbb16a200c img-responsive" src="https://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e20240a4bbb16a200c-100wi" style="width: 100px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Gérard Titus-Carmel Horizon d'attente" /></a>Une des plus grandes élégies que nous offre la poésie française, <em>Horizon dâattente</em> déploie, implacables et émouvantes, ses trois principales suites (<em>Pièces mortes</em>, <em>Tombant à rompre</em> et <em>Ombres</em>) superbement orchestrées, mathématisées, quâembrassent leur prologue (<em>Crayonné de Brac</em>) et leur épilogue (<em>Horizon dâattente</em>). Lâépigraphe pascalienne, â<em>Que lâhomme se regarde comme égaré dans le canton détourné de la nature</em>â, donne le ton de la non-appartenance, de lâisolement, de la désaffection, de ce coincement ontologique que le recueil ne cesse de creuser, la <em>Note </em>qui clôt le poème en situant les circonstances de composition et insistant sur un écart fondamental entre lâémotion qui sous-tend le texte et lâexpression poétique qui le propulse. Comme toute élégie, <em>Horizon dâattente</em> fonde son irrépressible éloquence, la paradoxalité de sa beauté, sur des sentiments de perte, de chute, de mélancolie incontournable â mais ceci tout en soulignant à quel point âseule la langue [du poèmeâ¦] peut se targuer de pouvoir estimer la <em>qualité dâattente</em> quâelle invente et met à vif, jusquâoù la vue se perdâ (109). Câest ainsi que le long poème quâest <em>Horizon dâattente</em> se conçoit et reste, imperturbable, comme le <em>blason</em>, le <em>pur emblème</em> de cette distance, cette différence, cette différ<em>a</em>nce, entre les sentiments dâabsence et dâaliénation et le désir qui, tout aussi impérieux, ne cesse de déplier la réelle intensité de ce que Titus-Carmel a appelé, dans un entretien avec Jacques Darras en 2006 sa âprésence au mondeâ, et que, seul, sera le poème sâétablissant, dira Titus-Carmel ailleurs, dans <em>Épars</em>, en âsa seule et hautaine présenceâ.<br />La logique de lâélégiaque, des émotions brutes quâarticule le poème, ne se replie, pourtant, jamais de façon exclusive sur lâobsession de lâabsence. Plutôt est-elle danse dâun sentiment janique, à deux faces : la lamentation, la complainte, puisant simultanément dans la vision, lâintuition dâun horizon inlassablement scruté de lâimaginable, dâune altérité concevable où le manque deviendrait, on le sent, mais on ne saurait jamais le toucher, site de conciliation, de concorde, de convergence, site, parmi ces â<em>jours coulés à périr [â¦] / déserts alourdis aux épaules</em>â, où, pourtant, sâentend â<em>le bruit dâune source dâeau claire / fraîchissant lèvres / &amp; mots</em>â (14). Voici la face secrète de cette binarité fusionnée qui propulse la logique affective de lâélégiaque : cette idéalité ou véritablement vécue ou entrâaperçue mais vite disparue, jugée même illusoire, dérisoire. Cette âsourceâ qui tinte spectralement, â<em>ton image [gardée en moi ]       et le chant de tes bracelets</em>â (75), âlâécho de lâenfance morte pétrifiéeâ (80), âtoujours le jardin barreaudé par le roncier hirsute où la voix du père sâécharpe et se taitâ (89), toutes scènes dâune grande beauté pressentie, possible ou virtuelle, arrachée, volatilisée, simultanément rêvée comme idéale et vécue comme une cruelle et terrible disparition qui plonge âdans le grand sommeil du non-étantâ (64). Et, câest là quâintervient, mélancolique, quasi tragique, le chant strictement poétique de lâélégiaque, où lâexpérience brute de lâabsence se transmute par le biais de lâimprobable résistance de lâart refusant, comme écrit Gerard Manley Hopkins dans son <em>Carrion Comfort</em>, de âchoisir de ne pas êtreâ, dâacquiescer à lâabsolu de ce néant ressenti.<br />âTo Love, and Griefe tribute of Verse belongsâ, dit John Donne, dans son poème <em>The Triple Foole</em>. Le recueil, toute lâÅuvre, de Titus-Carmel lutte incessamment avec cette déclaration que Donne lui-même conteste â inutilement, en fin de compte, car la main du poète désirant lâemporte, comme ici, comme partout dans lâÅuvre de Titus-Carmel â en trouvant ridicule sa propre folie qui le pousse à puiser, dans les grands sentiments qui nous déterminent, une espèce de transcendance, un au-delà de lâhorizon que serait lâart, ses nombres, ses éblouissants rythmes, des musiques, ses formes tracées. Le poète, âtriple fooleâ dont se moqueraient déjà lâAmour et le Chagrin, comprend lâironie de sa propre démarche qui aboutit au âVersâ. Cercle vicieux de la folie, dirait-on, au mieux ce âpis-allerâ, ce palliatif, ce âbouche-abîmeâ dont parle Reverdy. Titus-Carmel sây reconnaîtrait sans aucun doute, mais <em>Horizon dâattente</em>, sâil doit se considérer comme ce que son auteur a appelé ailleurs un âmonument de chutesâ, reste un monument, un immense et superbe témoignage des vastes forces de détermination, dâaspiration et de créativité quâil a eu le privilège de vivre. <br />Ce qui, manifestement, ne bloque nullement <em>lâextrême tension</em> qui inhère à lâaccomplissement du poétique carmélien, en fracassant la solidité de la stèle dans le geste même qui lâélève et lâinscrit. â<em>Juste frôlé la vie</em>, lit-on dans lâépilogue de ce grand poème,<em> mais sans regrets de lâavoir seulement frôlée : une caresse, un souffle, le passage rapide dâune aile reconnaissant les tempes, les éventant et dispersant tous les âges sédimentés dans le même leurre dâun demain sans hier, les os enfouis dans lâinnocence du corps où je ne fus que rarement présent, déserté de longue date, un froissement de lâair, le poing fermé sur son ombre, gardant en creux ce que je me méfiais dâêtre mon histoire et le long ruban de salive pour le direâ¦</em>â (88).<br /><br /><strong>Michaël Bishop<br /></strong><br />Gérard Titus-Carmel,<em> Horizon dâattente, </em>Tarabuste, 2019, 112 pages, 13â¬.<br /><br /><br />Deux textes dâ<em>Horizon dâattente </em>:<br /><em>Pièces mortes</em>, sonnet 8 :<br />déclarant  sans se heurter à  lâépaisseur du monde quâà<br />cette  enseigne  de la forme  impeccable   il  cherche  « à      <br />susciter le maximum de correspondances avec un  mini-<br />mum de  contact »      (lâair et tout le ciel  engouffré sous <br />les ongles)         précisant  quâil  veut  cela dans la pléni-<br />tude gagnée du vide quâil entrevoit sans nausée ni vertige<br />car  lâévidence &amp;  la beauté sont  précipitées  dans  cette<br />seule image         lâespace béant en ce lieu de  pesanteur<br />et de reflets         comme  lâêtre  tout  entier  dévoué à la<br />langue  afin de définir dâun mot  la cendre impondérable<br />&amp;  grise et  à ce titre  réduisant la  durée  à  cet  instant<br />où  renonce  le  dernier  brasier            autrement  dit le<br />corps  noyé  dans  le courant  du monde  sans  la parole<br />quâil aurait fallu prononcer pour garder les lèvres hautes<br /> <br />Extrait de lâépilogue éponyme :<br /><em>Sache-le : le temps coule sur nos épaules, cher, il noie chez moi les dernières paroles que je pourrais prononcer pour dire mon infini dédain de passant, tel que jâai su lâêtre sans broncher, pourtant nanti, paraît-il, de tous les outils pour inventer une forme à soustraire du néant ; mais il était chaque fois trop tard pour tenter de donner sens à cette matière dâhistoire, une argile à cuire au creux des paumes, tout devenait lumière sans chaleur dans un paysage flou &amp; indifférent, des taches plus claires, par endroits, mais rien sous mes pieds, sinon ces indistincts ronds de blancheur posés sur le sol en manière de stèles ou de socles, attendant une quelconque présence à venir Car je suis absent, cher, je te lâai dit cent fois, définitivement détaché du récit dâun monde dont jâai toujours douté des origines ou attendu je ne sais quelle fin hors de la délectation de quelques moments rares et brutaux, entre les pois de senteur, le chant des bracelets et la tôle fracassée, mais sans enseignement à retenir de tout celaâ¦</em> (104-5)<br /><br /><br /></span></p><img src="http://feeds.feedburner.com/~r/typepad/KEpI/~4/gWLZBpX1euM" height="1" width="1" alt=""/>

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