c'était un Gazagne,
un nom bien oublié, aujourd'hui,
Joseph, je crois, de son petit nom,
Martin, ç'aurait été bien aussi,
comme dans la chanson
on le voyait passer sur son âne
ses pieds traînant sur le sol
tant la pauvre bête était chétive,
un Sancho Pansa aussi maigre
que son Don Quichote de maître,
et si dégingandé, si bizarre
qu'au passage, depuis toujours,
les gens le regardaient en riant
. . . . .
les vieux du pays racontaient
qu'un jour, il piochait dans la vigne,
quand il voit à ses pieds un ver
tout blanc, plutôt une grosse larve
bien grasse, bien molle, ridicule,
se contorsionnant en tous sens,
comme si elle le narguait elle aussi
alors,
d'un coup de pioche bien ajusté
qui le vengerait enfin de tout,
des mots, des rires, des humiliations,
il frappe d'un coup sec et rapide,
et il se tranche le gros orteil
Pauvre Martin
c'est ainsi que,
plus que jamais paria, boiteux
pitoyable, trahi par les dieux même,
il claudiquerait pour le reste de sa vie