(Note : C'est vrai. Cela s'est passé autour du Soleil, sur la Terre, chez les Humains, en France. Un homme, n'admettant pas d'être quitté par sa femme, l'asperge d'essence et lui met le feu, puis, sans délai, s'inflige le même traitement... Or, cet homme et cette femme ont eu ensemble une petite fille. Elle était présente à ce moment-là. Elle a vu brûler sa mère, puis son père, avant d'aller chercher une voisine. Nous nous souvenons du nuancier de silences que nous avons échangés avec Loup-de-lune, après la découverte de ce "fait divers", comme disent les journaux. Et Loup-de-lune ne pouvait que partir à la rencontre de cette petite fille porteuse comme elle désormais d'une "lucidité exigeante et décisive", comme elle "étymologiquement luci-férienne". Rappelons que la racine très ancienne *leuk- que l'on retrouve dans le mot savant "leucémie" signifie : "être lumineux, éclairer" et se retrouve dans les mots "lumière", "lucide", "luire", "lune" (littéralement : "la lumineuse")... Être leucémique, c'est porter en soi un feu rubescent, un sang lumineux, "une lanterne kaléidoscopique rouge qui éclaire le quotidien d'une autre lumière le métamorphosant". Dans les deux poèmes qui vont suivre, le premier à la suite de cette note et le second plus tard dans la journée, Loup-de-lune rêve "les lendemains" de cette enfant. Plus que jamais le langage rationnel, courant, prosaïque, est inenvisageable, et combien, vous l'imaginez, Loup-de-lune est là "comme un poisson dans l'eau" !... Mais alors quelle parole pour tenter de dire cette "vie d'après", quels mots extraire de la vaste mine des mots, et pour quels mariages capables d'approcher un peu de telles outrances d'Homme ?... Ces interrogations auront été celles de Loup-de-lune tout particulièrement durant l'écriture des neuf "Symphonies de Bruckner" (voir le blog Janvier-septembre 2019) : Pyrophilia 12/01/2019, Mirathea 05/04/2019 et Tuphelya 01/07/2019 sont des meurtrières absolues ; Lysinia 13/02/2019, Fugiensuprema 02/05/2019 et Dikardia 12/08/2019 sont des démissionnaires ou "romperesses" absolues des contrats sociaux ; Leukaima I 06/03/2019, Leukaima II 01/06/2019 et Leukaima III 24/09/2019 sont des leucémiques absolues. À partir de leur acte ou décision, une existence totalement différente, radicalement neuve, refonde chacune de ces créatures, sortes d'idées platoniciennes du subversif, tout à la fois "aliénées et accomplies" après l'abandon pleinement assumé à la maladie, à la rupture, au meurtre. Leurs évolutions "au sein de ces extrêmes lendemains" n'obéissent plus à une syntaxe officielle ni à un vocabulaire commun, ces trajectoires sont devenues de la musique, qui affilie la recomposition de l'être à une complexion de vocables, de la musique "symphonique", de la musique "brucknérienne", parce que c'est la sensation héroïsée, bien mieux que l'idée tiède, parce que c'est le son, bien mieux que le sens, qui s'accordent avec la nature de "leurs organes étrangers désormais aux trop justes et sages proportions entre... aux trop justes et sages répartitions des parties de..." Nous voyons là ce qui peut lier intimement notre "jeune leucémique des lisières" à la "petite fille du fait divers" : la quête existentielle de "cette imagerie musicienne où peut venir fulgorer l'inexprimable.")
Brûlions
Radieuses de papillons les aventureuses
chuchotaient leurs confidences
afin d'attester le foyer commun
à la robe et à l'aile
un souffle
relayant leur soupir éclaireur
les approcherait de l'envol
déjà leur complexion
restituait ses sommes aux humus
... Précédant d'un instant de déploration celui-là
qui a proscrit la rupture
la mère est devenue feu
et s'il advient encor
à l'enfant appréhensive
de toucher par un levant aux ares du pré
continûment l'enceint cet incendie
qui nue d'escarbilles la reverdie
et porte à la consomption
le secret atelier des soieries printanières
Loup-de-lune
LIU Bizheng