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Enseigne du guérir


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#1 En hoir de Loup-de-lune

En hoir de Loup-de-lune

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Posté 11 juin 2020 - 12:50

(Notes : 1. Nous avons grand plaisir à dire quelques mots ici de Clément Velluet, pseudonyme Clémouchka. Cet auteur a écrit plusieurs lettres-poèmes à Loup-de-lune, à la suite surtout de ses lectures des "Symphonies de Bruckner" (voir le blog Janvier-septembre 2019), mais aussi de celle de "Caravane idolagète" publié le 20/04/2019. Pour savourer pleinement les textes de Clément Velluet, il faut oser gagner un lieu adéquat, une grande clairière, par exemple, où lire à gorge déployée, tel un aède, ces ampleurs phonétiques, sémantiques et syntagmatiques. Au retour de l'une de ces sonores lectures, Loup-de-lune confia : "Les textes de Clément Velluet sont des cascades-continents où les mots s'alliancent pour prodiguer une musique nonpareille, véritablement, étymologiquement "inouïe". Aujourd'hui, alors que la clairière semblait plus vaste que jamais, parce que les ombres et les lumières y composaient le nuancier frémissant de l'infini, j'avais la sensation de me trouver au coeur même de la pulsation originelle de la création, où toutes les voix et tous les langages, tous les chants et toutes les paroles, sont en puissance en cette énergie de la plénitude ignorante de l'animale et corruptrice compétition..." Nous pensons également que Loup-de-lune aura tout naturellement apprécié la prodigieuse santé qu'insufflent ces écrits, ce sentiment de force inextinguible d'une vie créatrice qu'ils ont le don de communiquer !... Le pouvoir d'être d'authentiques euphorisants !... Nous souhaitons faire de Clément Velluet le dédicataire du poème proposé ci-dessous, d'autant plus qu'il peut être considéré comme la dixième "Symphonie de Bruckner". Loup-de-lune s'abandonne à l'une de ces errances qui lui sont indispensables, dans un morceau de ville que "l'état de leucémie incante sans cesse". L'un des premiers mots du poème est "venelles" et l'un des derniers "translations" : la ville est une grande métaphore de la circulation sanguine, parsemée de l'indicatif futur antérieur de l'hypothèse et du doute... Et la jeune leucémique parvient au bas d'une enseigne qui la fascine parce qu'elle est comme un négatif de l'hôpital. Elle lui donne ce nom de "précis", du latin praecisus, participe passé du verbe praecidere "trancher" et "abréger". L'enseigne, pur symbole, semble en effet véritablement détachée du réel, "suspendue dans la prononciation nocturne de l'espace". Le précis désigne le "sommaire de ce qu'il y a de principal dans une affaire, dans un livre..." Que pourrait-il y avoir de plus crucial, de plus "quintessencié", pour la jeune leucémique, que ces caractères chinois brillants d'une lumière rouge sang dans la partie supérieure de l'enseigne, et que ces lettres latines quant à elles éclatantes d'une lumière blanche dans la partie inférieure. "L'explorante ininterrompue" a trouvé "l'analyse vitale", c'est-à-dire la "séparation du tout malade en ses constituants" : le rouge et le blanc, l'érythropoïèse de la vie et la leucopoïèse de la mort. Le mouvement de séparation est exprimé par les mots "translations cycnéennes" : bien sûr, il y a traduction/translation du chinois en français, mais l'opération linguistique est transcendée par le regard leucémique. Qu'importe le sens littéral, le nom peut-être d'un café parmi tant d'autres, où assouvir pour quelque temps une soif organique qui n'est plus la soif, une faim qui n'est plus la faim de la voyante... Le précis est "étranger aux récurrences des commerces obvies". Le passage au syntagme français n'est qu'un "prétexte", et symbolise ce doux glissement vivifique d'une blancheur de cygne s'éloignant du sang sur "l'enseigne du guérir"... Nous pensons à la légende de Lohengrin, mise en musique par Richard Wagner, et dont la découverte avait tant marqué Loup-de-lune, tout particulièrement, cette troisième scène du premier acte de l'opéra, lorsque descend du ciel le chevalier, debout, appuyé sur son épée, dans une nacelle tirée par un cygne, transportant tableau de la vigueur et de la pureté. 2. Chaque strophe de "Enseigne du guérir", à l'exception de la première, comprend un futur antérieur de l'indicatif avec sa valeur modale telle que nous l'avons décrite dans la troisième de nos notes au poème "Planasthai" publié dans le salon Sans commentaires le 05/06/2020. 3. Nous retrouverons plus tard, dans cette saison de l'hoir, à l'occasion de la publication de ce qui est peut-être bien notre poème préféré de Loup-de-lune, ce mot très ancien "luisel" présent ici dans la deuxième strophe... Pour aujourd'hui, il sera suffisant de savoir qu'il signifie "cercueil".)





Enseigne du guérir




À Clément Velluet




vers le soir
de venelles sans nul code
en exponentielles lenteurs
explorante ininterrompue de l'analyse


... elle aura failli s'unir
à la fontaine
entre deux degrés d'obscurciscence
de ses arcelets de corolles
aux fins de s'y faire le foyer des aurorales
d'y attendre le sortilège de la convalescence
en le luisel de transparence


... d'une façade
qui citrine et qui safrane les absences
aura perlé l'adagio brucknérien
et les hématies rebondissent
insaisissables
mainte naïve
acanthe déchirant sa candeur
approche l'orient patrial
mais les plus lucides vont se grumelant
en cet allegro con fuoco
dont un feuillet de verre déjà scelle l'infirmité


... parmi le surréalisme de la vitrine
elle élit une lame
des chandeliers tout alentour
auront tendu en bleu glacier ou en rose
à cette flambe
qui peut décacher un décisif abandon de sourcière


... sur sa descente
suspendue dans la prononciation nocturne de l'espace
étranger aux récurrences des commerces obvies
le haut du précis calligraphie le sang
tandis qu'au-dessous de ses sinogrammes
les lettres latines prétextant le syntagme
auront convoqué l'éclat des translations cycnéennes



Loup-de-lune
LIU Bizheng