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(Note de lecture), Gérard Bocholier, J'appelle depuis l'enfance, par Jacques Robinet


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Posté 07 octobre 2020 - 12:54

                                              
                                               Si je renonce à comprendre
                                               Câest que tu mâas déjà pris
                                               Dans tes filets de silence
                                               Comme le jour qui sâavance

   
6a00d8345238fe69e2026bde9968e6200c-100wiVers qui oscillent entre incompréhension et abandon ; voix tout à la fois douloureuse et apaisée du poète Gérard Bocholier, dont le dernier recueil : Jâappelle depuis lâenfance, vient de paraître. Je lâouvre et ne le referme plus. Si clair ce chant qui jamais ne défaille, en passant des notes les plus graves aux plus éthérés.
Un homme nous parle sans grandiloquence, de son voyage qui sâachemine doucement vers sa fin. Il ne fut épargné ni par le désir, ni par lâéchec. A lâheure où le soir tombe câest bien lâenfant, en lui, qui appelle encore ; un enfant amoureux qui nâa pas trahi son rêve, malgré tant de raisons dây renoncer. Ayant traversé les heures les plus sombres du désir insatisfait ou de lâabandon cruel, il nâa pas déserté. Si le cÅur avoue parfois sa détresse ou son désenchantement, les mots qui lâexpriment, lâaffermissent et le relèvent. Toujours plus épuré, le chant en trébuchant, monte vers sa cime : Ces folles caresses rêvées / Ces intimes moissons de chair / ⦠Qui saura ce quâelles coûtèrent / De nuits âcres dâaubes navrées. Troublé, on reçoit ces confidences fraternelles qui savent si bien exprimer nos émois, nos attentes, nos peines, mais aussi nos enchantements : Sous les murs du jardin / Les Åillets par brassées / Me faisaient chavirer.
Nos jardins ne furent pas les siens, mais nous savons comme lui â¦quâon reste prisonnier/ De lâenfance et de sa nuit. Il nous rend, ce quâon est en droit dâattendre dâun vrai poète : la source des émotions captives au plus profond de nous. Il fallait, pour que ces vers nous rejoignent, quâils ne dissimulent ni leur douleur, ni leur joie.

Offrir sa gorge au silence / Jusquâà ce que la nuit fende / Lââme dâun grand coup dâépée // Regarder son bien aimé / Disparaître sans comprendre // Ne plus se voir quâau passé

Qui un jour a souffert en son amour, reconnaîtra ce silence déchirant. Pour autant, le poète ne se perd pas dans les gouffres quâil côtoie. Malgré les épreuves, la promesse faite à lâenfant ne sâest jamais démentie. Câest elle que dévoile la certitude confiante des dernières pages de ce livre magnifique :

                                               Bientôt je ne verrai plus
                                               Que les trous pleins de lumière
                                               Où la vie qui mâéchappait
                                               Viendra se rassembler toute

Si éloignée des conventions anorexiques, souvent indigentes de notre époque, la voix qui parle ici ne sâembarrasse pas de précautions, pour délivrer le chant du cÅur et de lââme étroitement liés. Elle accueille, transfigure nos émotions. Grâce à Gérard Bocholier, rejaillit lâhymne universel de supplication et de louange qui traverse les âges. Câest la plus pure poésie.

Jacques Robinet


Gérard Bocholier, Jâappelle depuis lâenfance, La Coopérative, 2020, 140 p., I6 â¬



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