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(Note de lecture), Guy Goffette, Pain perdu, par Christian Travaux


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Posté 11 novembre 2020 - 05:19

<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"><br /><br /><a class="asset-img-link" href="https://poezibao.typ...2adb3200d-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="9782072894947_1_75" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e2026be422adb3200d img-responsive" src="https://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e2026be422adb3200d-100wi" style="width: 100px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="9782072894947_1_75" /></a>Lire <em>Pain perdu</em> de Guy Goffette, câest reparcourir en zigzags, et par des chemins de traverse, des voies obliques, un grand nombre de ses recueils. Et plus encore. Car, en retrouvant des poèmes écrits et gardés sous le coude, dans un tiroir, en les rassemblant, les classant, Guy Goffette rebrasse et publie des poèmes vieux de 30 ans, de 50 ans. Et ces textes, laissés pour compte, et abandonnés en chemin, sont comme des morceaux de mie de pain, des pierres blanches, des cailloux, des cairns, des semailles, où lâon suivrait en filigrane la voie tracée.<br /><br />11 sections. 67 poèmes, dont certains en plusieurs parties : « Du plomb dans lâaile » (p 41-46), « Les enfants derrière la mer » (p 53-57), « La nappe des jours » (p 67-73), ou encore « Le mur de lâannonce » (p 115-124), comme dans <em>La Vie promise</em>, <em>Un Manteau de fortune</em>. Trois textes en prose (p 99, 130 et 135), tels quâon en trouvait seulement dans <em>Solo dâombres</em>, ou dans <em>Eloge pour une cuisine de province</em>. Et des formes poétiques diverses. Soit des vers courts : 15 syllabes pour 5 petits vers, dans « Tête dâépingle » (p 65), rappelant les textes dâune section de <em>Petits riens pour jours absolus</em>. Soit, à dâautres moments, parfois, des vers plus longs, comme des laisses, comme des versets, regroupés en strophes : distiques ou tercets, septains ou séquences inégales, comme dans le <em>Psaume pour le temps qui me dure dâêtre sans toi</em> ou <em>Le Pêcheur dâeau</em>. Et encore des « Dilectures », sans toutefois que le mot paraisse, comme cette évocation de Borges (p 91) quâon croisait déjà aussi bien dans <em>Petits riens pour jours absolus</em> que dans un poème de <em>La Vie promise</em>. Et « Emily Dickinson, 2 » (p 89) fait écho au numéro 1, qui figurait, dans cet <em>Eloge pour une cuisine de province</em>, paru il y a longtemps. Un calligramme, chose unique dans la production poétique de Guy Goffette, vient surprendre au sein du recueil (p 64).<br /><br />Et les dates elles-mêmes font sens, du moins pour celles que lâon peut lire : 2004, pour un poème écrit à la suite dâune lecture dâYves Bonnefoy, le 29 juin (p 90). 1992, dans « La Chanson des jumeaux orphelins » (p 27), qui rappelle un de ces voyages nombreux quâalors fit Guy Goffette. 1982, le 30 octobre, dans une « Lettre à Roger Lannes » (p 95-98). Et même 1964, pour le poème « Les Cercles » (p 83-84), ce qui en fait le plus ancien texte publié par Guy Goffette, le premier texte de <em>Nomadie</em>, datant de « décembre 70 ». Autant dire que ce recueil reprend ce qui a été écrit, écarté, relu, corrigé, durant toute la vie du poète. Et sây retrouvent les mêmes thèmes, les mêmes images, comme en marge. Les mêmes éclairs.<br />Des voyages, où ce qui est vu lâest à travers le prisme clair de la rêverie, ou dâun songe. Epernay, où la gare devient la plage dâun pêcheur en ciré qui ramène et tire sa barque (p 15). Massalia (et non plus Marseille), où Homère et trois Pénélope surgissent au Jardin des Vestiges (p 19-20). Le lac dâOhrid, en Macédoine, où les gens viennent « tremper leurs larmes, leurs jours gris », devant une table (p 27). Et Hoëdic (p 26), un mur (p 117-124), une balade à vélo (p 16-18), une prairie bleue (p 104), qui bêle, et qui appelle à lâaide (p 108). Toutes choses vues, croisées, et qui â dans le philtre lointain de la mémoire et des images â viennent paraître, et disparaître, reparaître sous un autre jour, dâautres lumières, qui clignotent dans lâocéan noir de lâécriture et du poème. <br />Les saisons, aussi, sont saisies avec lâintensité des heures lumineuses qui les font naître. Le printemps, dont le poète note le chant tenté comme à tâtons dans la gorge des passereaux (p 17). La goutte de pluie sur le fil dâune branche qui ploie (p 32). La canicule, quand « parler dâaoût / brûle (la) langue » (p 33-34). Ou lâhiver, lorsque le pays se plie à « lâordalie des glaces / et des froidures » (p 35). Et, dans les saisons, câest ainsi le temps, le temps, qui est surpris, ressaisi, senti et touché du bout du doigt. Ce temps que le poète appelle « lâor du commun » (p 16) â en reprenant le titre dâun livre dâYves Leclair (1) à qui un poème est dédié â et dont « lâor » est « lâunique trésor de nos vies pauvres » (p 18), selon Goffette, « lâor inusable des jours perdus » (id.). <br />Pour lui, nous ne possédons rien, nous nâavons rien que « lâor du temps » (p 18). Et câest pourquoi tout ce recueil est tant pétri de références, de réminiscences, de souvenirs, comme jamais, peut-être, Guy Goffette sâest autorisé à en faire. Evocation rare de son père, une « perle roulant sur (sa) joue à son dernier moment » (p 133). Allusion aux « photos jaunies » dâun album (p 56), ou au rétameur, dont le cri lui revient soudain, comme son cÅur bat (p 60). La vie resserrée dans ses poings (p 69) est ici, avec ses accrocs, ses trous, ses plaies, ses silences, restituée. Et câest aussi le soir qui vient (p 77), la vieillesse qui avance, la mort, la fatigue sur le dos, qui se trouvent dites (p 55).<br />Ressuscitées. <br />Car câest par la langue des images, par le chant, les mots du poème, que le langage revivifie ce qui fut et ce qui nâest plus. Guy Goffette sait (dans ce recueil, encore plus, peut-être) détourner les clichés, entasser images sur images, et vues sur vues. Il sait redonner au réel tout un lustre quâil nâavait plus que dans la mémoire et les yeux. La poésie est chose étrange quâil nous faille son existence pour que nos vies ne sâamuïssent pas, ne se taisent pas. et quâen elle, en elle seulement, nous puissions retrouver un jour un peu de la saveur amère, douce-amère, des jours dâantan. <br /><br /><strong>Christian Travaux<br /></strong><br />Guy Goffette, <em>pain perdu</em>, éditions Gallimard, 2020, 160 p, 18 euros.<br /><br /><strong><br />Extrait p 32 :<br /></strong><br />LE TRAJET<br /><br /><br />Dâune branche sur lâautre, la goutte de pluie<br />tombe et la feuille en dessous ploie ; le jour<br /><br />se creuse affaibli par les crues du printemps,<br />comme nos joues et nos épaules et notre joie.<br /><br />Inadaptés, voilà bien ce que nous sommes,<br />nous avons beau gémir, plier le genou, caresser<br /><br />les statues, le temps nous use. Cette goutte<br />qui tombe, cette autre qui la suite le long<br /><br />de la branche, comment ne pas y voir<br />le trajet de toute vie, comment ne pas poser<br /><br />la seule question qui tremble au fond des yeux<br />comme une prière : la feuille qui nous recevra,<br /><br />si elle existe, sera-t-elle douce comme une main<br />amie, douce assez pour ne rien regretter ? <br /><br /><br /><br />(1) Yves Leclair : <em>LâOr du commun</em>, éditions du Mercure de France, 1993.  <br /><br /><br /></span></p><img src="http://feeds.feedburner.com/~r/typepad/KEpI/~4/DWJD-oHse6U" height="1" width="1" alt=""/>

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