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'Carnet diaphane' / par Loup-de-lune


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#1 Loup-de-lune

Loup-de-lune

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  • Une phrase ::« Je suis la jeune leucémique des lisières, dont l'allure odysséenne et frêle tantôt se coule dans le rêve tantôt repasse le linéament du réel... la jeune érythrophore des confins, la féale étymologie des crépuscules, qu'intégralement la mort est impuissante à com-prendre et que la vie échoue à con-cerner entièrement... »

Posté 06 janvier 2021 - 01:24

C'est le 'Carnet diaphane' que Loup-de-lune appelait aussi 'Journal des spontanéités' que nous publions aujourd'hui, en nous connectant, avec son accord, à son inscription datée de juin 2013. Nous l'avons retrouvé dans ses papiers personnels, parmi tant et tant et tant d'autres écrits... Que toujours vive la Poésie !... ici... et ailleurs !...

Bizheng avait acquis ce carnet au cours d'un voyage dans son archipel natal, c'est la raison pour laquelle nous en plaçons tout naturellement la manière de fraîcheur heureuse qui en émane ici et là, sous le patronage...


... de tous les enfants de Zhoushan



(FG / BeV)




Carnet diaphane



*
Irrangeable


Bornez-moi donc
dans ce tiroir que vos paresses
et vos hâtes ont menuisé

J'y savourerai en félibre
la poussière lactée
par l'angle quint



*
Almus homo


On se persuadait sans osciller, spectateurs de la manière si fragrante et suggestive qui était la sienne, le matin, d'ouvrir et de partager l'orange ou le kiwi, que la lumière du jour révélant, précisant peu à peu toutes les choses, tenait irréfragablement son levant céladon ou safran de ce geste-ciel traversé des éclairs d'une alumelle fée



*
Fenêtres en bande-dessinée


la façade détient des angles angeliciels

leurs silences circonscrits
dans les phylactères des mauves



*
Désir de dérive


au faîte empoussiéré de l'étagère

l'ange
de toute sa nudité de bronze
se prélassant

mire
l'écaillure et la brisure de son vol
dans l'outremer du grand vase



*
Prise


poussière d'eau
dans la lumière froment
de la lampe circulaire

les fils arachnéens
scintillent de l'absence de proies

mais les grandes ailes éployées
que la pulpe ingénue de mon index
dessine dans la buée des carreaux
circonscrivent une imminence d'azur



*
L'ossuaire


Rodolphe, que dans ses taciturnité et discrétion égales nous connaissions depuis le collège, emportait toujours très peu de bagage lorsqu'il nous accompagnait en voyage.
Ainsi l'une des poches de son sac de cuir incarnadin garantissait l'hygiène élémentaire, alors que l'autre enfermait un pantalon de rechange.
Il lavait ses vêtements presque chaque jour, employant à cette tâche une bonne partie du temps, buvotté, jovial, complice, qu'il aurait dû passer en notre compagnie.
Un soir, son regard pers dans le vague, il répondit énigmatiquement à quelques-uns qui se moquaient de ses écartés cérémonials :
- À la vérité, mon bagage paraît léger, cependant il est, je vous l'assure, le plus pesant et le plus écrasant qui puisse être !
C'est le lendemain de ces paroles que le coeur de Rodolphe cessa de distribuer le sang dans sa complexion.
Tout au fond de l'unique sac qui lui aura suffi et qu'il aura transporté partout, on retrouva, d'une blancheur de lys, le crâne de sa femme portée disparue depuis plus de cinq années.



*
La façade de la musique à sa naissance


au-dessus des
linéaments
noirs


sinue l'évocation d'une guitare

une
tête d'
argent profondément

songe



*
Tempérance


deux hommes que vêt le nacarat
ont émondé un grand arbre

ils s'abstraient causeurs
au milieu des branches
qui débordent sur la voie

coupes claires
couleur de blés en l'aube
et de pains lunes
qui restaurent un ralenti carrossable



*
Statue de prière


de la bergère enfant
devant la grotte
au bas de l'apparition
les mains jointes

cerclées
et ruisselantes de gemmes en suspens

auxquelles la flamme du cierge
imprime le pluriel de cette palpitation sereine



*
Source d'un océan


déployé foulard
cascatelle tricolore
sur la poutre acajou
atlante de la mansarde



*
Carpophanie


lumière effusée
par la porte entrebâillée
de la chambre

verger rose
pour les fruits de bois
dont roule le couloir
où s'absorbe l'enfant



*
Oiseaux et drapeaux


le blanc
et le noir
sont ressourcés au pied de l'arbre

au loin
par-dessus les linéaments d'une ville
le jaune
et le rouge
inépuisablement fluent en étoffes de brise



*
Suicidable


un interstice
dans les pluviosités récurrentes de la cité

à sa ténuité incandescente

ce vouloir de suspension
par la carotide



*
Sainteté bovine


les bêtes qui paissent
sur l'éclat montueux

leurs haleines
lumineuses
en fugaces nimbes



*
Exorcisme


dans la nuit la table de la cuisine s'est couverte
de feuilles d'automne

et vraiment il ne reste pas le moindre petit espace
ne serait-ce que pour la tasse de thé
sédative
ou le petit florilège de pensées diverses
pour aider à la méditation

certaines ont développé le charme chaud de la flamme
certaines sont des gisantes qui ont commencé à se refermer
pour jamais

les chutes intermittentes
de mon cauchemar
jusqu'au flash
le plus insidieux

s'y jettent



*
La belle au bois dormant


le rire de la vieille fée maléfique
après que la princesse adolescente
conformément à son destin
se fut piquée au fuseau

voilà la véritable effusion

le décisif épanchement



*
Théâtre


tellement de cigognes

effarouchées
par mon pas à l'arrêt
elles s'envolent

ravissant l'étoffe prasine des prés
qui est tirée sur l'acte azurin



*
Tendresse


nous liquorisâmes
les pluies des corolles
avec nos sucres affins



*
Ressentissions


une figurine
gisant sur le trottoir
dans les arcanes
de la cassure plurielle

à l'entour
une illumination
pétale le saignement

empathique
un rayon
que zigzague le cailloutis



*
Vanitas


à même la marqueterie
de la ville automnale
exacte flamme
une feuille minime
au bout de mon pas
qui se fige
ira brûlant le simulacre de mon allant



*
Midi sagittaire


clair sommet
de la façade isocèle

prêt à darder
vers l'outre pellucide de la nuée
une flèche imminemment double



*
Par-delà


de toutes leurs couleurs
les enfants font avec la rue
de pétillantes sinuosités
et les perpendiculaires
les plus abstractrices



*
Prolongement


d'abord à l'étang
elle a jeté les vermeils de sa parure


son vouloir de
ne plus être
bientôt

irait se délitant

dans l'exponentiel écho du cercle d'eau



*
Amour asymptote


sur un navire
qui avait noyé son nom

tout au bord d'un étale
qui avait parfilé ses directions

ils furent si proches
leurs lèvres brûlant de
coïncider
prodromes du baiser

moi qui les épiais
de cette cache d'amertume
je ne voyais que les étoiles
qui espaçaient leurs visages



*
Livrées


de l'orée
lumineuses de presque-midi
les feuilles d'automne
se propagent sur le pacage

les bestiaux sans s'en apercevoir
changent de mouchetures



*
Crier


un nom de rue
devenu illisible
et tout autour
ces couleurs en corolles
au paroxysme de l'éclat



*
Mourir au myocarde


le soir
après que sa voix
a exprimé tant de fragments lyriques

l'ombre de sa nue poitrine va
et vient sur la tapisserie de la cloison

le tremblé des quadrangles de safran
qu'insuffle la fenêtre en mansarde
a esquissé des métamorphoses
puis s'est évanoui

une corolle épanouie
ou un oiseau serein
relaient son coeur
dépensé entièrement



*
Parcimonies


il avait su apaiser sa soif
en recueillant avec la pulpe de son auriculaire
la goutte de pluie
qui était demeurée sur le pétale rose

et dans un seul ruisselis rose
il aurait le pouvoir d'exprimer sa douleur
et d'en porter le pleur
à l'extérieur du regard



*
Iridescence incendiaire


à l'angle urbain
à ce point repassé
à son résidu ténébreux

un pigeon
fulgurant
s'égorge



*
Déverrouiller d'oiseaux


ce quartier de la ville
ses ruelles aujourd'hui
sont un parsemis de plumes
diverses

en recueillir quelques-unes
parmi les indemnes

les glisser discrètement
par la pointe
à l'intérieur de quelques serrures
parmi les plus obscures

et suggérer
le possible de l'envol

à l'omnipotence acéraine de claustrer



*
Goniokinésie de l'automne fluvial


L'angle
infatigable
que refait l'oblique sud
des foisons de feuilles décidues
avec l'horizontale du courant où elles nordissent



*
Impassible


à l'intérieur d'un lanterneau
au pied de la madone écailleuse
une bougie brûle
son semblant d'éternité

morceau de marbre où du rose trémule

ce serait le parangon
du vent qui agite
le long lé de la mer
en traversant les cimes
où sombre ma prière



*
Les corolles lustrales


bicolore orée du chemin
le mauve et le rose
j'y saute à pieds joints

le champ d'automne
sous le ciel
indécis
fait couler son bain
indéfini
pour mes boueux croquenots



*
Avoir retrouvé sa tessiture


c'est un soir à l'oblong duquel les géométries et les toponymies
du village

soupirent plus que jamais pour se fondre dans les nuances prodiguées par le ponant

et tout particulièrement le clocher de l'église dont la prodigieuse résonance a reçu dans l'après-midi les fragments lyriques de la voix, paraît vibrer d'un désir aigu de rose et de rocou

or voilà qu'à l'évident de l'assombrissement, seule demeure sa verticale qui va réunissant en son étoffé les liliales escarbilles disséminées au firmament



*
Deux phrases pour Anaïs


La tempête vespérale a brisé deux grands arbres, précisément le premier et le dernier de cette longue file sinueuse où venait se mêler presque chaque jour la musarderie de ma promenade. Le bois ainsi éventré laisse voir comme une immémoriale ruine de safran pâle où féeriquement égarer ses illusions. Il manquera désormais de la musique dans le vent graduel des feuillages,
il manquera désormais Anaïs, congédiée par le goujat, parmi la symphonie de l'hôtel où écrire son lieu intime.

---

À quelques mètres de l'orée, d'harmonieuses suites de hauts arbres suggéraient des allées que j'empruntais souvent. Entre deux de ces troncs, un vouloir de cercle proposait un bouquet de papillons et de fleurs parme, blanc, soufré, rose, turquoise, orangé, mauve. La brise agitant les pétales, et les ailes remuant, voletant sans cesse d'un épanouissement à l'autre, le bouquet paraissait être le continu de l'imminence d'un départ munificent, tout en sollicitant infatigablement sa composition idéale.



*
Robe


le vert a distribué ses nuances dans les cimes
le ciel a éparpillétoilé ses morceaux de bleu

en vols furtifs de vivantes coutures
s'évertuent à vêtir l'adolescente matutinale



*
Reflets


les vitraux ont pleuré
deux flammes

elles sertissent une gemme d'humblesse
dans l'extase de la bergère

et creusent le bois fauve du banc
jusqu'au principe du rouge sang


***



Loup-de-lune / LIU Bizheng

Modifié par Loup-de-lune, 31 janvier 2021 - 04:25 .