... l'intime Odyssée se poursuit... sur la mer du retour... et de poème en poème celle qui traverse s'évertue à opposer l'évidence de leur défaite à tous les monstres, à toutes les tempêtes, à toutes les sirènes, à tous les naufrages de l'oubli.
La sensibilité taoïste lui dirait : les passagères créatures humaines t'ont paru versatiles, décevantes, les choses t'ont semblé insatisfaisantes, discordantes ; tu en as accepté certaines, tu en as rejeté d'autres ; tu as eu la tentation si humaine, du tréfonds de tes dérélictions, de contrôler le monde. Maintenant, heureuse enfant du Tao, tu es fille du mystère au coeur de toutes choses, maintenant, affranchie du bord des choses, tu retournes au centre.
(FG / BeV)
Afin que soit rejointe Mademoiselle LIN : Poèmes
Troisième partie
*
Au seuil du Tao
ombres des carreaux
et des feuilles effleureuses de ciel
créatures fabulées
sur le safran d'un damier
qui va se diaphanisant
la lumière
empoussière les lampes insomnieuses
poudre des craintes et des deuils
dans un exil de rayons
éconduite
la couleur d'un mur
l'angle à peine
plie la page du ravir
la limite qu'il paraphait
s'éploie par deux ailes frémies
où toute silhouette
qui fit vanité de sa tumescence
se confie au mimodrame des métamorphoses
*
L'oiseau du Tao
impérissablement enfuie
des alois infus qui carillonnent
elle accorderait son diaphane
avec le schisme de l'éclaircie
à la tétanie des foyers
les chiasmes talismaniques de la vastitude
et le pas d'étisie
bifurqué en rayon
des flambeaux ont arlequiné l'apyre indigo
cependant que la voie s'origine
dans les moires cendrées du héron
s'éployant sur l'incandescence des céladons
*
Le tableau des caducités
quelle pluie aura gorgé
la vasque que silhouette
la distance de l'aube à midi
et dans l'humide dont s'ombre le sol
une argonaute du repos
découvre une forme d'arbre
urbaine incidente qui feuillole
écarlate rose citron parfaits
n'est dédaignée la moindre nuance
de l'enroulement où s'interrompt la sève
spires des bruns des craquelures
des irrésolutions nervurées
et multiple et continu
malitorne bourrasqué
saison convoyeuse du chétif
le méandre des créatures passagères
tantôt avive tantôt broie
le tableau des caducités
*
Hiver des couleurs
ciseaux du froid
à l'affût des angles
du double estoc
qu'un reliquat de secret paraît désheurer
les solitudes se rencognent
dans la laine triste
des oiseaux d'ombre seront découpés
longtemps
leurs vols dévouent aux lointains
le nuancier de gris
qui ardoise les humiliatrices itinérances
et où s'est naufragé
le dernier enlumineur des lendemains
*
Vanités
Le souffle d'une enfant
adresse à l'océan
des planètes de savon
dans leur besogne peuplante
les mouvements contraires des quais
râpent et lustrent les visages
comme un pourpre inventaire
va s'éteignant
au-dessus des montagnes
aucun des mondes limpides
témoignés par l'enfant qui se fige
n'aura porté son frémissant iris
au-delà de la première amarre
*
Un poème sans titre de l'adolescence de Loup-de-lune
Seule sous la lune
délivrée des sentences
évadée des poncifs
des métaphores carcérales
des cadences fières
et vaines qui vont encore
et encore à la ligne
Seule sous la lune
qui roule lentement
sa réflexion de soleil
dans le silence mélancolieux du loup
une jeune fille si pâle
que l'on dirait un fantôme
joue de sa flûte de jade
mais la durée musicale
la révèle bien davantage
que ne le fit sa séquence corporelle
*
Le péridot des aurores
ta silhouette
esprit funambule
sur le premier fil de lumière
et ce soupèsement déjà
du sens verdoyé
où feuille l'éveil
mais nulle chute
ne le thésaurise
et l'obsessif abîme
sertit le péridot grandissant des aurores
*
L'essor du temps
au clocher d'aurore brandi
par une escale encore
dorent deux acuités
elles délaissent
par degré
la seconde cupide
alors déchiré
un ciel
son vague d'outre dédaignée de l'idéal
son huile d'étoile épandue
qui mue la pupille en sel de braise
et oint chaque signe
si pesant sur la momerie fourbue
*
Réécrite
sur des limbes rouge orange
par intervalles des encres brunes
dépouillent le ramifié
cette diastole pour paysage
embrasements et ponants
y baignent leur commune enfance
la perte allume ses aubiers
et sous la pleutre itinérance
suggère d'incandescentes lettrines
*
Accostage
sur la mer de lumière
et de vent
la carène automnale
touche au rivage
où s'effeuillent les ors et les cuivres
*
Intemporel
sur le ciel
de la marelle
qu'envolèrent
jusqu'à la brune
mille enfants-oiseaux
tombe
une feuille
couleur d'aurore
*
Laconismes
__
Dialogue de lumières
fonte lente des neiges
parmi la retrouvaille d'oiseaux
les voies humides
s'illuminent
ces paroles viennent :
- à l'instant où
par ma propre volonté
ma vie n'ira pas plus loin
que ma lucidité soit telle ! -
__
Ces bandes d'oiseaux noirs
Vous savez...
ces bandes d'oiseaux noirs
sur le bleu
ou le vélin du ciel
ses longs cheveux
dans le vent
de nos promenades heureusement imprécises
__
Tréfilage
lièvre
sur la ligne des confins
mes pupilles confidentes
jusqu'à leur ténuité
__
Déréliction
tu vacilles dans la déréliction
mais il n'y a pas un espace entre les branches
que ne féconde une étoile
__
Vernale arantèle
ainsi tous les chemins
auraient convergé là :
plonger le florilège
au profond de l'arbre mort...
et sous la main
qui peut-être hésite
à se retirer
sentir comme une gratitude
effiler
du titre le demeurant d'or
tisserande de la lumière
__
Ressenti
ombres d'un hiver
en partance
foudres noires
où s'allument les verts
où s'enfonçant à peine
mon pas renoue avec l'humilité
__
Papillon
cet instant de mes yeux
juste au-dessus des ailes soufrées
tous les désamarrages coalisés
avec toutes mes décisions
__
Ravissement
un papillon effleure
et qu'emporte de moi
son vol soufré qui
indéfiniment s'éloigne...
qui déjà fait
palpiter la lisière ?
*
Le fouet de Chopin
alors que le demi-trajet
précipite du pont
sa flexueuse mercuriale
hurlement
un enfant puise
à l'acéraine pointe
du fond de son linge en émoi
des notes noirement sur les vitres
aiguës leurs hampes
et s'y accrochent
des lambeaux de cinétique ville vieille
et s'y déchire
le minéral mué en basilique rouge
et tout le verre de mille étagements
avec leurs réflexions de lapis
brochées de foudres et de vols
dans l'oppressant répit qu'éternise
chaque intervalle où le souffle est repris
les linéaments d'un nocturne
jusqu'aux étouffoirs
fouaillent le palissandre du piano pusillanime
*
La sans-lumière
la pupille est trouvée
par l'aubaine de la naissance
cet irruptif blanchoiement
concilie les sources du penser
en débrutissant une lymphe
qui procure des lignes
si proche de l'angle
leur affirmation se coalise avec l'aboi
la ténacité sylvestre du sombre
s'arroge leur ondoiement
et la passée d'une proie infinie
égaille la lucarne déniée
pour graduer sa suggestion
une lampe assagit leur fugacité
mais dans l'élégance herbue
qui adorne son cylindre
l'affût allumerait l'imminence
*
L'esprit de Brueghel
La neige
sur la terre bienveillamment inclinée
prodigue des aventures aux enfants
leurs cris étoilent l'imminence du soir
avec la vigueur des sangs de délivrance
les glisses inépuisablement remontent
en s'appesantissant sur le temps qui vacille
emplie de corps minuscules et courbés
de bonnets sans visage qui fabulent
parmi le blanc caresseur des foyers
et pendant que les luminaires troublés
contiennent encore leurs décrets de safran
la fenêtre avive un tableau de Brueghel
*
Extinction
le dernier dragon
bleu
vient de brûler
dans les flammes
du crépuscule
*
Arrivée en gare
la pluie
emperle les transparences
qui divisent le défilement
animalcules d'eau
territoires de verre
leurs itinérances
embellie et néon
se disputent le butin d'étincelles
une toiture déjà
exaltation des forces qui freinent
supplée au ciel
lampe réfléchie
asile de tous les rayons
sources jumelles qui safranent
la fluente obsidienne des multitudes
*
Lumière
Sur le bord d'un chemin où la cité renonce
à travers les roses qu'inépuisablement
l'affliction ou l'espérance ou l'indicible
amoncèlent alentour d'une pietà
une flamme jamais ne s'éteint
Tantôt palpitante dans les corolles rouges
dans un prégnant effluve tantôt immobile
elle est semblable à ton dernier regard
qui demeure en mon respir
et dont mon sang s'étoile
*
Noirs
la ténèbre
irrigue
les cultures
d'étoiles
à l'aube
un plein grenier
rayonne
la mélancolie des prunelles d'eau
*
Élucidante
le souffle oiseleur des pensées
quelle autorité échoit à la lucarne !
ses angles regorgent d'évocations
le frappeur et la minute
en opportunes maladresses afin de tout épandre
ces voyages d'encre à même le cyan
leurs subtiles rencontres
ont favorisé la façon rameuse
preste une croyance
sait désemparer les yeux
cette créature de vêpre
où se quintessencient les robustesses
décache l'agent des rayons
à une distance si heureuse
du verre qui n'eût qu'étanché
et encore promu l'approximation
le rose allumé considère
*
Jennifer n'avait pas quinze ans
Parmi la foule, par intervalle, il y avait l'éclat de leurs mains jointes
Ô l'implacable voie de jeunesse sur laquelle ils s'éloignaient
Dans un formidable envol d'anges brûlait ma propre main, vide, ouverte de toute la distance
Ainsi, c'était détenir, tacite, hors de toute vérification, hors de toute certitude
Ô fille d'eau qui t'enfuis pour l'alliance avec le fleuve rêveur de mers porteuses d'îles
Ô fille d'eau, comme je ressentis mon étanchement
Va, va vers ton histoire acolyte, je sais que tu baissais les yeux sur son préambule
J'ai marché sans alcool dans une ville d'astres et de feuilles d'automne. Chaque foulée gorgeait de galaxies craquantes la différence entre mon regard et voir
Derrière le verre, à la lueur de safran ou de soufre de l'ancienne boutique, les marionnettes n'ont plus d'aventures heureuses
De la bouche du dieu de pierre, qu'une espérance trop meurtrie rive à la fontaine, l'eau coule sur des bouteilles vides et des papiers sans énigme
*
Poète
J'y marchais soudain sans savoir
si j'avais bifurqué
J'y marchais sans peser
la séduction des délinquances
Il s'était fait cet interstice
pour distancer sans axiome
la soif du liquide érosif
qui change la coupe en soif
Parallèle à mon souffle
une musique infime
des voyelles des consonnes
mes empreintes sur la voie
que neige la retrouvaille
*
Ravissements
l'ombre aurorale
du tilleul
s'est prise aux pointes
de la clôture
elle s'effile sous mes yeux patients
mes yeux qui font songer ma moelle
mieux qu'un sommeil profond
elle s'effile
par l'escalade d'une étoile
jusqu'à l'exhibition
de midi
*
Mésaventureuse
aux lampes thalassiques
la chambre a offert son comble d'indolence
des carènes silhouettent la connaissance
pour aller sombrer au fond des angles
cinéraires les ombres enclosent les axiomes
il naît un geste paisible et sûr
qui en parsème le progrès récifal
le crépi va se dépossédant
et par tant d'arcelets qui saillent
s'esquissent des dauphins
mais le tonique rappelle son rose
son pourpre mural le fétiche
dans les fraîcheurs intermittentes de la lucarne
se diffluent les linéaments
sans que rien jusqu'à bondir ne se fût achevé
et l'atrophie d'un océan
crépite sur l'enténèbrement de son inclinaison
*
Noirs
la ténèbre
irrigue
les cultures d'étoiles
à l'aube
un plein grenier
rayonne
la mélancolie des prunelles d'eau
*
Pluie
une étoile pleure
à l'épais
d'un exil de plomb
qui s'opiniâtre
depuis le point du jour
et les sources
que son chagrin féconde
viennent dire aux terres
dans une voix de torrent
la promesse
des mille fleurs de feu
de son retour
*
Parallèles
après que leur jet de métal eut capturé l'éclat
chacune des clefs s'absorba dans les corolles
son corps dardé par le sagittaire éteint
la mélancolieuse nuance de sa robe comme empenne
elle traverse l'épilogue des faubourgs
et par intermittence afin de fustiger l'acquis
un haut-le-coeur empoigne le jais de ses cheveux
le serment déféré de longtemps à la veine exsangue
accorde sa ligne à son évasion funambule
son espièglerie fermant les paupières de l'azur humilie
l'abîme et le hasard tandis que son lucide engouffrement
allume les mille verts du tombeau qu'elle a décidé
sans ignorance son poème souffle les fruits casuels
malgré le perlant sortilège des aubiers
dans l'eau du ruisseau elle a reconnu
la transparence de son sang qui flue
sur le fantôme minéral d'un coeur sans vaisseau
la lame glissée de ses phalanges écloses
carmine la pente légère
puis si mince miroir oblique des occidents
dans une foudre rappelle aux poignets qui se pénombrent
le rose des onctions et l'orangé des baumes
avec deux voix liquides un canon parmi la nuit
musique les sources en brume et les deltas illusoires
*
Cynaurore
un aboiement
apeure la lucarne
et s'enfuient ses angles noirs
le cylindre en rinceaux safranés
s'étoile d'une nielle
une volute éperdue de fuligine
dévoie le rai premier
avec le pourpre effrangé du talisman
se coalise la tesselle du corbeau
même ineffable une ombre enfin
s'origine dans le sourire de verre
doctes jusqu'à la sympathie les angles
pour un orient de la lucarne
vont se réunissant en un aboiement clair
*
Confondue avec le soir
près des blés
qui s'estompent
je m'assieds
l'imagination aiguë
l'orangé
palpitant
gemme
la vallée
saillie
dans la cendre de l'à-pic
et de la mémoire
la braise safran du clocher
à la blandice qui souffle
je livre de ma songerie
le tulle et la percale
couleur d'étoile naissante
*
Errance
ce grand vent nocturne
je le connais
ce vent de la solitude opiniâtre
ce vent de l'allure
qui devance la chair
ce vent qui émeut
jusqu'à l'effroi
les géants de pierre
juchés
sur les édifices
il souffle
à l'instant apothéotique
de l'humain silencié
sa fraîcheur
rappelle
les premières lunes
de l'affranchissement
et dans son serment
de ruines
errent des lueurs mendiantes d'aurore
*
La fresque de la gare
Sur l'escalier
parmi ceux qui montent
et ceux qui descendent
ceux qui lanternent
et ceux qui courent
ceux que le mouvement souffle
et ceux qu'il allume
ceux qui murmurent à leur coeur
et ceux dont la voix porte
je m'immobilise
désengagé du temps
le mur en face de moi
tout entier un tableau
et le présent m'est retiré
comme une robe de fatigue
par la ferveur d'un amant
le lointain pourrait m'emporter...
oiseaux et nuages
même matière ouatée
triangles des voiles blanches
escamotant le bleu
dévolution méditerranéenne
soleil invisible et ubique...
pourtant plus près
le vrai voyage
par les yeux clairs de cette femme
sentinelle sur le quai
Ses yeux qui rendent
nos signes de la main à mon retour
nos accolades silencieuses nos baisers
ses yeux qui les ont vus
et où ils sont retrouvés
leur mémoire fidèle
sans le fard de la séduction
sans les paupières de l'oubli
ressuscite nos rendez-vous
*
Méconnaissable
loup de lumière
pour le bal de l'aurore
et la mélancolie
ne m'identifie plus
*
Briquet
entre les déchirures et les rubans spiraux
au bord des chiffonnements
cette aventure d'étoiles
le présent qu'elles enveloppaient
désormais requiert la moindre des ardeurs
afin de varier son épiphanie de cire
mais le geste engagé
s'interrompt
le despotisme des évidences
paralyse la main lâche
et se fond dans l'iris
même si par intervalles candidatent les ors
luire échoit
au framboisant
à l'écarlate
au vert énigmatique
à la fraîcheur constellée du papier soir
qui réfléchit les filaments fidèles
*
Train liquide
vitre ce ciel
donné aux comètes d'eau
le reflet à bout d'incandescence
les drapeaux parmi la rosée galactique
ondoyante insularité des couleurs
qui recelaient sangs et vergers
il suffit d'un foudre de cendre bleue
pour que coulent à nouveau nos larmes aviformes
jusqu'au sublimatoire solaire
son bris sans plus d'orient
inlassablement sillonné
par le semis des pluies qui se divulguent aux vitesses
*
Profanation
île glacée
je foule ton inconnu
de lys
et ce cri du soleil
dans son puits
de platine
*
Abondance
à travers
la vitre du four
dore
le pain
à travers
la fenêtre
neige
la farinière des cieux
*
Muée
filiforme feu d'argent
dans la chambre à l'inconsidérée
la mesure balbutie
timidités des nuances
émergent
un demi-regard de jaune d'or
une amande de turquoise
un arc de rouge sang
un rose d'élixir
un triangle d'orangé
plus radieux de son pénétrant
pour des fièvres d'envol
les sillons de l'éveil
vont semant tant d'oiseaux
les angles
flèchent les ciels virginaux
le fossile de l'obscur
cicatrise les vêtements pagailleux
d'un corps si étrange
*
La poétique du Café de la Gare
ainsi multiplicateur des contre-lumières
le verre qui a quadrillé le comptoir
étoile sa contention réceptive
la variochimère
du rubis
de la chlorode
de l'oréocyanée
sergentes planétoïdes et arlequin
afin que le mur fût compromis
l'angle mué en vitaille
le cristallin fait parangon des myriocentèses
ira évacuant ses langueurs
S'allume
une animale colonne
vaporeux billard dont l'entrebâillure
résèque le dardement vert
et des globes sans origines
roulent leurs prégnances-bolides et
tout nombre lové jusqu'au foetus de l'abaque
ricochent du côté des amauroses qui terminent
dans l'éruptive raucité
des silhouettes lacuneuses
comme une cosmogonie
d'écho
en écho
aura dégermé son progrès
*
Automne intérieur
incandescentes
nervures
des feuilles
découronnées
en regard
de mes veines
qui brûlent
de surseoir
*
Cantonnier des vanités
Cette flambe de confins
et comme le premier homme
L'aurore faite ciel
réverbère son habit
Il rassemble
ce qui fut abondamment vidé la veille
toute la veille vacante
et tonitruante
sur la grande place
ce qui chahute fixement sur les tables
ce qui se rue sans élan sur les sols
dans une dérisoire rébellion de verre et de carton
L'arbre vaste parcellise
l'orangé mûr de l'orient
Les sublimes épaves nébuleuses
vont hissant la lumière éclatante
Encore
cet homme
comme le premier d´un monde
comme le protagoniste de la seule trame vaillante
et franche
distance
les esquisses de pas et de machines et de voix
Et même
au surgir de la multitude adolescente
par son geste égal
puissant pivot des mille choses vides
il a l'autorité des sûrs engouffrements
*
Sublimatoire du besoin
foudre platine
sur le fol hyalin
pour muer la brisure
en naissante dendrite
versicolore anthologie du jour métabolique
sa capillarité émonde la contemplation
et congédie le porphyrocyané lacis des vaisseaux
outreretour et transapôtre
le myocarde trimardeur
et le liquide désapprend la viscosité
en compliciant l'ulysse leuçalgique
à même la jachère des alcools
des chemins germinent leur pas lucide
là où la soif émancipée de l'araire
afin qu'abondaure le saisonneur
disjoignit ses commissures jusqu'à la transparence
*
Érythréenne
il n'y aura plus d'eau
pour leurs corps
pour leur marche
sur la terre
où ils sont nés
et devant son enfant
cette mère
réprime la larme
qui lui vient
de la prunelle intime
elle a lui
ravisseuse
d'un fragment de soleil
avant de glisser
à l'épais rouge du coeur
diamant
qui coupe les artères
sur toute la longueur
de la vie
cette vie
à porter nonobstant
à marcher encore
*
Métaphorique
comme une canine
noire
la cime
du sapin
avec sa réticence
à percer
la chair liliale
de la lune
*
La jeune leucémique à la fenêtre
un grand arbre séjourne dans le transparent
pantomime des ramures
sans autre scénario
que le vent par intervalle
envols soudains de vivants noirs
météores de cette encre
qui vaticine tous les poèmes
au profond d'un doute ardoise
s'est recroquevillée l'étoile
une nostalgie musiquée
s'opiniâtre
son filigrane d'orient
parce qu'à la lueur hématique
on répute le regard magicien
les carreaux partagent
s'intervertissent
recomposent
et parmi les croix qu'ils continuent à dresser
arlequin bouffonnant leurs angles droits
un instant de ballons de couleurs
diverge de la radiale leucémique
*
Aux prémices de la fenêtre
orangés
et flambes soudains
en lamelles
s'aventurent
les stries
relèguent l'évident
parmi la troncature
pour prodiguer ses oiselles suspendues
le tamaya s'origine
dans les encres croiseresses
qui carrellent la persuasion
d'une géométrie de la mordorure
*
Question naturelle
l'arbre
se souciera-t-il
de la consécration du fruit
dans son constant ouvrage
de racines
de sève
et d'aubier ?
*
Portrait en aube
une braise
venue ligner le mur
le vieil aubier des renoncements
à son incandescence
confié
puis les minutes
cursive des soleils
délinéamentent l'ombre
noirs d'alinine à leur jaillir de croix
délicatesses d'un feuillage
muées en vivants fantastiques
mais dans un clair de rectangle
du tableau leurs approches
leurs effleurements
leurs aguets
continûment les taillent
jusqu'à l'insaisissable
vanillée d'aube
la page de leur théâtre
franchit l'angle et se plie
à l'intérieur de notre cadre
sur sa gracilité de métal
où le reflet flambe la limite
le cuivre qui t'échevelle jeune femme
a des évidences d'effusion
*
Promenade hivernale
entre les branches sans nombre
des cimes
dans chaque interstice
que tracent leurs recoupements
ton absence profonde
et bleue
jusqu'à la douleur d'un ciel
*
La fille Siegfried
recouvrés les fragments de lexies
elle recompose sa flamberge
l'alumelle élit
parmi vaillances et ardeurs
tranchés
les angles du tableau
à même l'équarisseur saoul
excroissent
comme s'épanchent
les couleurs
un prince d'air
se décèle
gibecière des mirances
la lame coule en platine
le mur acquis
à tel bénéfice de transparence
et décavitre
et bâillante récidive
annule
*
Lever de la constellation rouge
Comme une ravisseuse
la mélancolie
aux abois de minuit
sa rôderie darde
des peurs félines
d'anachroniques essors
sur une once de croisées
sa rêverie souffle
une lueur puis une autre
où donc s'exilent
braises et safrans
ainsi cédant à l'obscur ?
l'adamantine grenaison
des mythologies
la nuée flegmatique l'ensache
parmi la ruine des lucres
je me coule
parmi les tombes
parmi les fanaux doux
l'illusion de river
la minute et le zéphyr
pellicule alentie
des marbres
qui prénomment
des ellipses dédorées
où s'obstinent
les prunelles
des anges lacunaires
des roses
traverseresses de solstices
résolue
en un ressaut
de la nuit
la mélancolie
délinée
sa figure d'étoiles
cette constellation rouge
qui frémit
dans le ciel des morts
*
Comme un mouchoir blanc
Invariables
la rencontre infime
de ta filandre
et de mes vanesses faillies
ta psalmodie
qui ôte
Pluie
tes simulacres hyalins
qui de tes chocs
enflent et s'évaporent
mes pusillanimités
s'y dénombrent
À mille mélancolies
de mes semelles
un mouchoir blanc
du repliement exact
et du volume
de mon coeur
Mon coeur
son sertissage
dans le respir
des paix
son apanage
son battement
sa couleur
en exil
sur les ruissellements du monde
*
À l'abandon
j'aime les cimetières
d'un profond amour de vivant esseulé
je prends soin des tombes
que personne ne visite plus désormais
et qui timidement
reflètent ma présence débonnaire
cette gerbe de mes jardins
je la proclame mon partage
et ma rencontre
au-delà des fleurs qui fanent
et ce lumignon de mes incendies
je le proclame ma chaleur
et mon évidence
au-delà des flammes qui s'éteignent
*
Lux
il a neigé
tout un drap de lys
sur la terre
passée du soc au songe
un arbre soudain
aux confins du lâcher
comme un flambeau d'ambre
*
La couleur des blés
le poudroiement du matin
a dissous ma destination
mon sang s'attarde
à la croisée des vaisseaux
mon souffle guette
l'exemplarité du vent
une faim décisive
réinvente mon corps
le vert des blés
si clair dans ses moires
que la blondeur du pain
s'y repose déjà
*
Maladie
elle était assise
sur le drap bleu de lune
devant l'ondoyante croisée
son dernier chant
me fut un grand oiseau
de l'envergure de la nuit
qui l'emportait
dans son battement d'astres
elle demeurera assise
sur le drap bleu de lune
devant la croisée sans dehors
*
Survivance
j'ai tant marché
dans la nuit d'hiver
j'ai coupé mes veines
avec la lame de la lune
mais
la cloche obsédée par l'heure
pour unique saignement
ô quand viendras-tu m'affranchir
des aubes orphelines
de ton éveil
*
Solitudo
D'inextinguibles fêtes épaississent la rive
des panaches de fumées s'enchevêtrent
dans sa prison qui brasille
l'orangé s'aliène l'horizon
des chairs de bronze conglomèrent un levant avide
des musiques en boîte
aventurent des trémoussements
le pain myriadaire plaisante
le vieux rompement multiplicateur de l'évangile
aucune voix n'atteint à la rencontre
aucun baiser ne distance l'aspect
Mais
sur les frissons pastel de l'eau
un geste
cygne exact
sa lenteur
la limite
outrepassée
détisse ma présence
en noue
le fil
au glissando du soir
*
Ta tombe
pleine du soleil d'hiver
cette larme si pure
impuissante au rallumer
du photophore couleur de chair
*
Entre les bleus
Sentir les fiertés
couler hors des fibres
avec l'eau du ruisseau
en grâces de chevreuils
les peurs atteindre
la lisière dissolvante
la transposition du coeur
dans les battements d'ailes
figés par la corolle
à ce point dépris et ténu
occuper l'espace des sereins
entre les bleus
versants comme vapeurs
qui nuancent le soir
*
Évanescence architecte
des nuages croisent
leurs actualités filamenteuses
pour le sortilège de l'angle
ainsi partir l'altitude
augure de la translation
jusqu'au matériau d'azur
immaculé partout
au-dessus des bâtiments
ce voeu qui volute ses fumées
*
Vespérale
carreau pastel
soleillade en cheminée
un air de château
donne une tour onirique
à l'imminence du couchant
si lucide geste qui ouvre
par la main diaphane
et voluté parmi la fraîcheur
le parfum du thé de rose
croise la gorge musiquante
de l'invisible
*
Intervalle
Étique et paisible cet homme
dont les yeux réunis aux pensées
font un camaïeu de jais
Sa barque le porte debout
Dans ses mains boucanées
une épuisette s'arque
Il va épurant un seul geste
à l'émondoir de l'allure idéale
patient fouilleur de sa voie
cet intervalle de corolles et d'eau solaire
entre les chantiers qui tapagent
*
La bourse
Entre les poèmes que nous partagions
pour nous dire l'un à l'autre
un peu mieux encore que la veille
s'immisçait quelquefois l'argent
tout sonnant de ses servitudes
jusqu'aux larmes j'exprimais devant toi
ma peur que bientôt il faillît à notre concorde
les flammes de nos chandelles
grandissaient dans ton silence
Ce matin tu vois
je recommence le voyage
qui traverse le monde
pour m'amener à ta tombe
encore une fois tu vois
je m'escrime sur le dénombrement des montagnes
même si le pêle-mêle des empreintes de la vitre
détient la transparence
encore une fois
je voudrais chiffrer les distances
de sorte que nos tendresses n'en soient plus effrayées
Rien n'empêchera ta mère
de tout m'offrir encore
en puisant
et repuisant
à sa galaxie de pièces
parmi les roses sans nombre dont tu m'as couverte
et qui sont brodées maintenant sur sa bourse pansue
Loup-de-lune / LIU Bizheng
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Modifié par Loup-de-lune, 13 mars 2021 - 10:32 .