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(Note de lecture), Jean-Charles Vegliante, Trois cahiers avec une chanson suivi de Sources de La Loue, par Valérie Bravaccio


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Posté 08 mars 2021 - 10:24

 


6a00d8345238fe69e2026bdec27be7200c-100wiLe thème dominant du nouveau recueil de Jean-Charles Vegliante est le temps du travail dâécriture, celui dâune mise au propre de « [â¦] quelques bouts / de quelque chose qui deviendra peut-être / si lâon peut dire ça â un poème [â¦] », et qui, une fois le projet réalisé, sâinscrit « dans une autre attente : de votre lecture » (selon le texte liminaire, repris sous forme de prose sur la quatrième de couverture). La deuxième partie du recueil, Source de la Loue, est effectivement une composition actualisée (1). Les trois cahiers, dont chacun comporte une chanson, sont, par contre, de nouvelles compositions. Ils sont probablement à mettre en relation avec le « petit carnet » qui figure à lâouverture de cette première partie du recueil (2). Le temps de lâécriture, de la composition de lâÅuvre, et le temps de la lecture (câest-à-dire sa réception), sâinscriraient probablement dans la même durée, avec autant dâintensité. 
Observons visuellement lâouvrage. Sur la couverture du recueil une photographie couleur représente une porte semi-vitrée ouverte dans un couloir dirigeant lâattention sur une deuxième porte similaire, plus petite selon les lois de la perspective. Elle donne à voir une autre profondeur de champ, celle du langage poétique. Les trois illustrations de lâauteur insérées dans la première partie du recueil (Carnet chinois, Arbre, Personae) pourraient faire penser à trois marque-pages pour aider le lecteur à reconnaître les frontières des trois carnets. Mais en les observant de plus près, on sâaperçoit quâelles suscitent en nous une nouvelle vision. Par exemple, lâécorce en arrière-plan de lâArbre, laisse deviner les traits dâun visage exprimant la surprise. Ces impressions visuelles peuvent se manifester dans notre quotidien, comme lorsque lâon découvre quâ « Il y a un visage dans le nuage / qui passe plus vite que ton émotion » (deuxième carnet, Habiter lâinvisible).
Dans le domaine de la poésie, le champ dâaction est beaucoup plus vaste : « Si la mer est un ciel couché dans les sables / apprends-nous sa langue dâharpe dâair / pour dâautres voyages [â¦] » (Incipit du Carnet chinois). Prenons en exemple le référent du titre du carnet Mouchoirs, fichus. Il ne sâagit pas seulement de « ce petit rectangle liseré qui garde / les odeurs de ton fond de teint, de tes larmes » (Replier) et de foulards recouvrant la chevelure. Câest dâabord une matière servant à tisser des liens qui peuvent être de toutes sortes. Celui du temps qui a été et qui passe « Sur une photo dâil y a 50 ans, / lumineuse rebelle tu me regardes / tel que je suis hélas après tout ce temps / devenu - tes cheveux sont blonds, les miens blancs â [â¦] » (Images), ou bien celui que lâon a lâhabitude dâappeler le lien intertextuel : « Ce soir la lune fait un étrange bruit » (Sensiblerie â avec Leopardi). Ou encore, stylistique : « Les lieux paradisiaques seront enfer / estival pour vous, invivables lâhiver / [â¦] » (Été fichu) ; « Dans le matin froid le corbeau crie Froid Froid /[â¦] » (Oiseau de malheur). Le poète crée surtout des instantanés auditifs et visuels pour inviter le lecteur à les reconnaître et à les partager en sây reconnaissant.

Valérie T. Bravaccio


(1) Source de la Loue a paru une première fois en 1998 dans la revue « Le Mâche-Laurier » (éditée par Obsidiane) puis, en 2000 chez lâéditeur Belin dans le troisième recueil de poésies de Jean-Charles Vegliante intitulé Rien commun. Entre ces deux premières versions, il y a eu très peu de réajustements. Ici, il sâagit de sa version actualisée car elle a davantage de vers, situés à la fin. Source de la Loue est la deuxième partie du recueil car le poème est précédé dâune page de garde interne où est mentionné son titre accompagné dâune indication paratextuelle entre parenthèses « (hypersonnet avec un envoi) ».
(2) Autocitation extraite dâun recueil antérieur de J.-Ch Vegliante, intitulé Où nul ne veut se tenir, 2016 (Prix Hérédia â Académie Française, 2018).

Jean-Charles Vegliante, Trois cahiers avec une chanson suivi de Source de la Loue, édition de lâAtelier du Grand Tétras, 2020, 64 p., 12â¬


Aux aguets
Quand tout bruit sâest arrêté câest quâil écoute
quelque part dans ce lieu où lâon nây vit goutte
Nos odeurs lui arrivent peut-être il sait
ce que nous faisons suspendus et inquiets
Le soir descend comme une coulée de fioul
(p. 39)

*

Une boule de plumes se pose
à lâangle du mur avant lâaurore
et attend le soleil en silence
puis le salue de brefs pépiements
maladroits. Le chant de lâorphelin
                                     - écoute mieux
                                       il dit Amour
                                       mon dictateur
(p. 32)



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