Temps
(zadjal)
Jamais, jusqu’au sommet, la pente n’est gravie
Avant que toute suite, un jour, nous soit ravie.
Le changement, d’abord, s’était montré discret :
Une ride, un cheveu, rien de vraiment concret —
Et l’on a pu garder, quelque temps, le secret
Sur le grand cataclysme au cœur de notre vie.
Comment croire, à vingt ans, qu’un jour l’on va vieillir ;
Que l’être vigoureux, plus tard, va défaillir ;
Qu’il faudra, malgré nous, l’âge d’or accueillir ;
Que l’existence même est, au corps, asservie ?
L’on est un jour forcé de passer aux aveux,
D’admettre avoir trouvé du blanc dans ses cheveux.
Force est de constater que l’on se sent nerveux
Face au chemin des ans, qui jamais ne dévie.
Si, passé la trentaine, on cherche à prévenir
Les ravages du temps qui viendront nous ternir,
L’on ne peut, de la fin, jamais se prémunir,
Car c’est à notre insu que la route est suivie.
Si l’œil et le cheveu peuvent perdre couleur,
L’hiver de notre vie est doux et enjôleur :
Chaque jour, lumineux, a son parfum, sa fleur
Dont la soif d’exister n’est jamais assouvie.
Il n’est point de raison d’envisager croupir
Car, si notre destin commence à s’assoupir,
L’on est bien loin, pourtant, de l’ultime soupir
Et l’on peut vivre encor au gré de notre envie.
9 avril 2021