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Myope(s)


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1 réponse à ce sujet

#1 LeGénéralHamilton

LeGénéralHamilton

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Posté 19 août 2022 - 12:39

L'oeil prend la main. Poursuivre. Echouer. Persister à présenter tout cela. Persister, échouer toujours mieux. Langage articulé, signal. Paradigmes, changement de paradigmes. Changer. Persister dans l'échec, revenir. Revenir à l'échec. Subjectivité. Echouer. Revenir dans l'échec. S’abîmer. En revenir. Faire table rase. Secouer les miettes. Refaire. Lire. Apprendre. Objectif. Tout oublier. Revenir. Essayer de parler. Essayer le langage. Sans effet. La main prend l’œil. Des images. Réunir toutes les images. Réunir dans le souvenir les images. Réunir dans tous les souvenirs toutes les images. Réunir toutes les images et tous les souvenirs. Correspondance, correspondre, communiquer. Décevoir : échouer toujours. Un signal. Revenir près du signal. Des années : une seconde. Des images : du temps et des secondes. Cut-up, analogies, symbole, inter-textualité, méta-textualité, métaphysique : langage. Langage : échec. Le langage est la réussite de tous les échecs. Converser. Confronter. Ego. Volonté. Défendre ce que l'on entend. Renoncer à entendre. Renoncer à entendre ce que l'on entend. Un milliard d'images. Un milliard de milliard d'images multiplié par un milliard d'images. Toujours une même image. Un homme. Des hommes. L'humanité. Un ensemble. Des ensembles. Des ensembles circonscrits. Des ensembles comprenant des ensembles circonscrits : c'est à-dire Rien. La langue : du sexe, de la vie, de la mort. Du temps. Oublier le temps. Réussir à oublier le temps et la mort. Faire mourir les images. Voir une seule image. Un seul mort, une seule vie, un seul sexe. Pas de temps. Signal. Myope. Signal myope. Un vivant, un signal, un myope. Un mort. Définitif. Définitif est certainement mourant. Mouvant. Souvenirs : ensemble d'échecs mouvants. Ca parle, ça grouille, tripote. L'ensemble mouvant parle et parle à la mort. La mort écoute. Force de la mort, puissance effective de la mort : le silence, la réussite. Échouer. Tromper la mort. Un voile sur le mort, incinérer la mort, photographier le mort, filmer le mort. Parler de la mort jusqu'à ne plus orthographier la mort, ne plus circonscrire la mort, oublier la mort. Penser que si l'absence de sens donne le sens alors l'absence de mort donne la vie. Signal. Signaler. Peu importe le signe. Cut-up, analogies, symboles, répétitions : disponibilité du monde. Plus il est présent moins il est là. Plus il est moins je suis. Absoudre et discriminer. Discriminer chaque élément. Former tous les éléments. Dormir et rêver toutes les planètes mortes. Tout absoudre. Tout comprendre. Tout échouer. Le signaler. Signaler l'ocre de mars, signaler le sel et l’œil qui prend la main, la main qui prend l'oeil et quand tout devient tempête et quand la mort trompe la vie et quand la mort trompe la vie et quand résonne tous les souvenirs de toutes les images et quand toutes les images sont tous les souvenirs et quand cela est comme une tempête de toute la vie et de toute la mort et de tous les souvenirs et toutes images et quand tout cela a si bien réussi que tout cela a échoué et quand tout devient myope alors que tout cela est si clair mais que tout cela est si flou et que ça devrait être clair alors que tout est flou et que cela a échoué alors que ça aurait pu réussir mais que tout a réussi si bien que tout cela a échoué et que tout est si bien compris dans un ensemble circonscris dans les parties correspondantes à l'ensemble de toutes les planètes et que le temps est à la fois de la vie, du sexe, de la mort et finalement beaucoup de temps. Tout a si bien échoué et si bien réussi et tout est signalé et il y a encore tellement de temps et de mort et que le temps trompe si bien la mort et qu'on pourrait même douter que la vie est un mensonge et que ce qui a été signalé a toujours été signalé et qu'il y a encore du temps pour signaler tout cela et que la mort trouve du sens à faire mentir la vie et que le langage est cut-up, une analogie, un symbole, un signal, une répétition de lui-même et que dans la fin toujours proche il n'y a que du sexe, de la vie, de la mort et du temps et leur disponibilité dans tous les souvenirs et dans toutes les images, dans l'unique image du sel de mars et de tous les mots et de tous leurs échecs et de toute l'humanité et de tous ses échecs qui grouillent, marchent, se meuvent et tripotent et que de tout cela il faut attendre de la métaphysique comme une tempête et que tout cela va venir et échouer et vivre et mentir et tout absoudre et qu'il y a encore un milliard d'images multipliée par un milliard et qu'il y a autant d'ensembles qui vont circonscrire et provoquer tout cela et que tout cela va être signalé et que moins il y a, plus il y aura de toute cette subjectivité et de toutes ces subjectivités et de tous ces oublis et de toutes ces correspondances et de toutes ces communications et de toutes ces correspondances dans tous les abîmes de ce qui est infiniment toujours plein.



#2 LeGénéralHamilton

LeGénéralHamilton

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Posté 25 août 2022 - 12:12

Cher ami,

 

Je ne compte pas plus de deux ou trois choses communes. Les portraits que vous m’avez récemment envoyés n’ont aucune unité. Je me suis permis d’ajouter sur vos portraits des dessins à main levée de sphères à ensembles, étant trop paresseux ou trop conscient de la vanité de toute chose pour me consacrer à mon magnum opus, ouvrage qui aurait pourtant un intérêt poético-anthropologique majeur.
Vous vous dites triste de mon désintérêt total pour la publication, poussé à l’extrême jusqu’à ne chercher ni lecteur, ni spectateur. C’est une pensée qui a en effet du sens étant donné qu’elle semble partagée par un grand nombre de morts et de vivants. Je vous renvoie alors à mon texte intitulé “Prix”*. La littérature et l’art en général sont comme un iceberg. On voit ce qui émerge, on peut imaginer le reste. Disons que je suis un animal marin des profondeurs. Disons que dans l’underground il y a un sous-sol, que dans ce sous-sol il y a une trappe et qu’en ouvrant cette trappe on peut me voir discourir tout seul. Je pense qu’on me pardonnera cette forme d’exhibitionnisme car elle est désintéressée, que mon fanatisme abruti est voué à l’échec et que mon scepticisme angoissé est finalement inoffensif. 

Je ne suis pas revenu de mes positions sur le lyrisme depuis que je l’estime décourageant car vaniteux, et dangereux car séducteur mais je suis revenu de mes positions sur le style. Je ne reviendrais pas sur l’universalité et ses conséquences sur l’art, c’est un paradoxe beaucoup trop riche et beaucoup trop important. Je ne compte pas plus deux ou trois choses communes. 

Travailler les symboliques de l’univers mental contemporain est passionnant. C’est un moteur. Il faut pousser plus loin la parabole de la tour de Babel et voir dans une même langue la présence de langages différents ou les mêmes mots ont pour chacun un sens différent. Les mots sont aussi isolés que les hommes, ils partagent autant de contresens intimes et privés. Leur emploi est comme livré au hasard.
Le projet fictionnel contemporain abonde de ressources mais pour l’accomplir il faut une subjectivité particulièrement formée. Vous trouverez dans 2666 de Bolano tout ce qu’il faut faire et tout ce qui se fait de mieux. Si vous pratiquez le cut-up ou le collage avec réussite vous constaterez que l’aléatoire finit par évoquer tout ce qu’il y a de plus personnel. Dérouler les associations d’idées et provoquer des chocs esthétiques. Contraste, dérision, absurde, beauté, amour, sympathie, horreur, terreur. Une surface étendue ou distendue selon le regard, un prisme, un procédé artificiel qui se nourrit autant du mensonge que de la vérité. Chercher l’effet du rêve sans endormir.
On peut mener un travail poétique qui aboutit à une absence de poésie. Faire tout ce que la poésie n’est pas et la voir de l’extérieur. On peut mener tout un travail poétique à statuer sur ce qui ne change pas mais s’altère et finir par ne considérer pas plus de deux ou trois choses communes. On peut ne rien faire, ne rien tenter et être vu poète. On peut laisser l’Univers réel aux physiciens et exiger qu’un poète authentique soit un physicien complet. On peut placer la poésie sous la direction du progrès ou se placer soi tout en haut de la chaîne alimentaire de l’édition.
Il existe un problème impossible à résoudre. On ne peut résoudre le problème de sphères closes et mouvantes à ensembles interdépendants. Lumières comprimées, libérées, plates, ouvertes, rondes. C’est ce que j’ai ajouté parmi les deux ou trois choses communes sur les portraits que vous m’avez envoyés. Voilà ce que je pense : il était là, il a fait cela, il voulait faire cela. Il a réussi, il a échoué. Nous nous moquons, nous l’ignorons, nous le félicitons. Il est flatté, il est déçu, il est méfiant. La question de l’objectivité dans l’art est finalement la question de l’objectivité tout court. Objectivement : rien n’est là, rien n’a été là, rien n’a été voulu de la manière que tout est là, tout est fait, tout a été voulu. J’espère que ces quelques précisions vous ont été utiles.

 

Bien à vous,

 

Le Général Hamilton.

 
 
*
 

Il faut passer à côté du danger, voir un livre dans le danger, un danger dans tous les dangers, tous les dangers dans un livre. Je n’ai pas d’avenir en passant à côté du danger. Un examen approfondi de la poésie contemporaine à partir de ce que je sais de la poésie et de ce que j’en pense, à partir de la poésie contemporaine que je fais, me fait comprendre le danger de ces livres édités de façon contemporaine et dynamique, de leur avenir. Une simple phrase de Peguy, car Peguy dans sa vie si courte n’a écrit qu’une seule phrase et cette phrase est son style, cette phrase m’a très bien fait comprendre qu’il n’y a pas d’avenir. Mais cela c’est ce que je pense, et il y a une infinité de Péguy dans l’universel. Et dans tous les dégoûts, mais cela n’est pas de Péguy et cela n’est pas Peguy, il y a de la rancune et combien d’avenir à la rancune. Et combien est rancunier peut être celui qui accuse quelqu’un de rancune. Combien est orgueilleux peut être celui qui dans son bon droit croit accuser quelqu’un d’orgueil. Dans la catastrophe du Nobel de Beckett, combien y-a-t-il de lecteurs de Beckett et d’écrivains lecteurs de Beckett qui aspirent au prix Nobel ? Et dans les lecteurs de Rimbaud et les écrivains lecteurs de Rimbaud combien y en a-t-il qui espère vendre leur recueil ? Il y a cet écrivain ou ce poète qui écrit son recueil, qui le publie, et l’écriture de son recueil ou de son roman, et la publication dynamique et contemporaine de son recueil ou de son roman, c’est l’écriture et la publication de ce recueil ou de ce roman qui se lève pour récupérer son prix, lui le lecteur de Beckett et de Rimbaud. Et ce prix est peut-être le prix le plus prestigieux du monde. Et quand il récupère ce prix et ces lauriers, et quand il sourit en le récupérant et qu’il se met à discourir ensuite d’un air grave et profond en citant Artaud et Lautréamont, pour les plus ambitieux de ces champions, que fait-il ? Il remercie tous les hommes d’avoir été et il les encourage à être, parce qu’il parle d’avenir, parce que dans tous les prix il n’y a que de l’avenir. Parce qu’il n’y a rien de plus commun et de moins universel que l’avenir. Il n’y a rien de plus dangereux qu’un livre primé comme il n’y a rien de plus triste qu’un écrivain orgueilleux et rancunier. Voilà que l’écrivain primé de son prix prend sa revanche sur l’universel, voilà qu’il en appelle à l’histoire de la littérature, voilà qu’il dit qu’il y prend sa place, qu’il la mérite. Et voilà que l’écrivain orgueilleux et rancunier dit que son absence d’écriture, son absence de publication lui donne toute sa place dans l’histoire. Tous ces dangers forment l’avenir et l’avenir des livres, tous ces dangers tellement dans l’histoire. Et dans l’histoire il y a ceux qui creusent, et qui creuse trouve. Et ils trouveront dans l’histoire, comme il leur est permis dans l’avenir de trouver dans l’histoire, celui qui mérite un prix. On donne un prix aux morts, on donne des noms de morts aux prix et on dit : cela est l’histoire, cela est l’avenir. Mais voilà un grand danger, voilà un danger qui a vécu, qui vit et qui ne meurt pas. Voilà un danger qui ne tue pas celui qui est mort et qui veut mourir, et qui prend sa dépouille pour en faire de l’avenir et qui en fait une histoire de l’avenir. Voilà la grande histoire de l’avenir ou l’avenir est commun, où l’on a pu dire : à cet époque il y avait cet homme et il n’y avait pas d’homme en dehors de ce prix. Et voilà le grand danger de l’éditeur qui prend l’écriture du recueil et la vie du mort et qui le publie contemporainement et dynamiquement : pour le faire vivre et pourquoi pas lui donner un prix. Et aussi orgueilleux, aussi rancunier que peut l’être l’auteur mort de son vivant, il cherche à lui donner un prix. Et il lui donne un prix à la mesure de ce qu’il estime un prix : à sa propre mesure contemporaine et dynamique. A sa propre mesure et à l’inverse même de ce qu’il peut penser, de ce qu’il ne peut que s’avouer à lui-même, il donne un prix d’une œuvre maintenant contemporaine et dynamique. Voilà qu’on l’affiche, voilà qu’on le loue, qu’on le prête, qu’on le donne, dans l’environnement de notre avenir contemporain et dynamique. Et combien est encore plus orgueilleux et rancunier celui qui croit penser cela tout seul parce qu’il l’a pensé. Combien est rancunier et orgueilleux celui qui croit avoir une pensée originale : celui-là qui s’attribue son propre prix. Combien est rancunier et orgueilleux celui qui s’inscrit de lui-même dans l’avenir et qui, voyant l’histoire de l’avenir et l’histoire de l’avenir advenir, s’inscrit de lui-même dans l’histoire. Car c’est l’écriture de son roman ou de son recueil qui vient se donner son propre prix, malgré tout son dégoût de l’avenir contemporain et dynamique. Combien cela est dangereux. Il n’y a pas d’échelle dans l’universel mais combien est petit celui qui se pense seul et qui ne donne qu’à lui-même. Combien sont grands ceux qui n’ont pas de prix et combien sont-ils d’autant plus grands devant ceux primés. Combien sont grands aujourd’hui les oubliés de l’avenir et combien sont grands aujourd'hui les oubliés de l’histoire de l’avenir. Car il n’y a pas de mesure dans l’universel autre que la pleine mesure de l’universel.